Le Cimetière de Prague et le pouvoir des textes

DOI : 10.56078/atlantide.1532

Résumés

Bien qu’il ait été largement démontré que les Protocoles des sages de Sion, parus en Russie en 1903, sont un faux, le texte, après avoir fait les beaux jours de l’anti-sémitisme occidental, continue sa carrière en particulier au Moyen-Orient. À la suite de l’auteur de bandes dessinées William Esner, Umberto Eco imagine de prolonger l’action austère des historiens en traitant le mal par le mal, c’est-à-dire en combattant ce délire antisémite par un délire romanesque. Dans Le Cimetière de Prague, le protagoniste, antisémite viscéral, adepte de la théorie du complot pour avoir lu Augustin Barruel et surtout Alexandre Dumas et Eugène Sue, devient, à travers les péripéties les plus romanesques, l’auteur de ces Protocoles. Ainsi le roman tend-il à devenir lui-même roman populaire et espère par là acquérir l’influence indirecte mais immense de ces romans-là. Se pose enfin la question de savoir dans quelle mesure il y parvient.

Although it has been widely demonstrated that the Protocols of the Elders of Sion – which came out in Russia in 1903 – are a fake, this text, in which revelled the heyday of occidental antisemitism, carries on its career especially in the Middle East. Following the cartoonist William Esner, Umberto Eco imagines to pursue the austere action of historians by fighting fire with fire, in other words by fighting this antisemitic delirium with a novelistic delirium. In The Prague Cemetery, the protagonist, whose anti-semitism is deep-rooted and who subscribes to the conspiracy theory after having read Augustin de Barruel and above all Alexandre Dumas and Eugène Sue, becomes, through the most fantastic adventures, the author of the Protocols. Thus, the novel aims at becoming itself popular literature and in doing so hopes to gain the indirect but huge influence of that kind of novels. To what extent it succeeds, that is the final question.

Plan

Texte intégral

Depuis longtemps, dans ses travaux théoriques, U. Eco se passionne pour la question des faux documents et du rôle qu’ils ont pu jouer dans l’histoire1. Parallèlement, il s’intéresse aux théories du complot qui prétendent expliquer les développements de l’histoire par l’action de conspirateurs ou de comploteurs. Cette double obsession l’a conduit à intégrer chacune de ces questions dans son œuvre romanesque. Dans Le Pendule de Foucault, les trois éditeurs protagonistes de l’histoire laissent par jeu croire à des auteurs férus d’occultisme qu’ils ont en leur possession le plan de domination du monde mis au point par les Templiers, avant de découvrir avec horreur que cette fiction est prise très au sérieux par ces illuminés qu’ils vont bientôt en être les victimes. Dans Baudolino, la très célèbre et très fausse « Lettre du prêtre Jean » commande toute la seconde partie du roman puisque que c’est à la recherche du royaume du prêtre Jean, et sur la foi de cette lettre, que le protagoniste se met en chemin.

On ne s’étonnera donc pas qu’il se soit, depuis plusieurs années, penché sur les Protocoles des sages de Sion puisque ce texte relève des deux phénomènes à la fois : c’est un faux, et ce faux fait état d’un complot. Je me propose ici de décrire les modalités de cette espèce de guerre des textes qu’il entend mener, par le moyen de son roman, contre ce détestable faux antisémite. Je voudrais rappeler la nature et l’importance de ces Protocoles dans l’histoire, cerner le projet romanesque d’U. Eco, montrer comment son roman implique les textes qui ont installé la théorie du complot, souligner sur ce point l’importance accordée aux romans populaires, et donner enfin quelques indications sur la réception faite au roman2.

1.  Les protocoles

1.1.  Fabrication

Les Protocoles des Sages de Sion sont un faux fabriqué, a-t-on longtemps pensé, autour de 1900 par la section de la police secrète russe, l’Okhrana, à Paris. Le responsable en était un certain Pyotr Ivanovitch Ratchkovsky. Dans le but de lutter contre les mouvements révolutionnaires, il fait infiltrer, par ses agents, divers mouvements politiques, et il intrigue ordinairement pour répandre dans la presse française de la propagande contre-révolutionnaire. À la fois pour justifier les pogroms fréquents en Russie et pour convaincre le tsar de changer la politique libérale que mène le ministre Witte, germe dans son esprit l’idée de produire une preuve que les juifs fomenteraient un vaste complot visant à renverser l’ordre existant et à prendre un pouvoir complet sur le monde. Comme l’a montré récemment un chercheur russe reconnu, il confie la tâche à un certain Matvei Vassilievitch Golovinski, francophone, personnage très douteux, plus ou moins réfugié à Paris après diverses malversations en Russie. Cette thèse de l’origine « française » du texte est aujourd’hui contestée par un chercheur italien Cesare, G. De Michelis3.

1.2.  Texte

Le texte sans nom d’auteur, apparaît, pour la première fois en russe à la fin de l’été de 1903, par les soins d’un moine orthodoxe, mystique et délirant, un certain Sergueï Nilus. Dans cette publication, quelqu’un parle et présente le programme que se seraient fixé les Juifs pour obtenir la maîtrise totale sur le monde. Ce programme se présente sous la forme de vingt-quatre (ou vingt-sept) comptes rendus de séances eux-mêmes divisés en paragraphes, comme les articles d’une constitution, énonçant les objectifs poursuivis. Dans un style relativement soutenu, mais très lourd, répétitif et sinueux, se dévoile un projet de prise de pouvoir complètement dictatorial et totalitaire. On pourrait le présenter chapitre par chapitre selon ses méandres et ses redites : main mise sur la presse, sur l’éducation, emploi de la violence et de l’intimidation, encouragement à l’alcoolisme et à la corruption pour asservir les non-juifs, contrôle complet de l’économie, encouragement à la spéculation et à l’accumulation de l’or par les Juifs, instauration d’un gouvernement despotique et d’une autocratie juive, disparition de la famille traditionnelle, instauration d’un « super gouvernement » et règne mondial d’un souverain juif. Au total cela ressemble au projet violent, délirant, d’une utopie raciste et totalitaire. Pour donner une idée du ton, je peux citer le compte rendu VIII, § 02 :

L’esprit des goyim (des non-juifs) est purement bestial ; il voit mais ne prévoit point, et ses inventions sont exclusivement d’ordre matériel. Il découle clairement de tout cela que la nature elle-même nous a prédestinés pour diriger les goyim et gouverner le monde. 

Comme le remarque U. Eco, dans sa leçon inaugurale pour l’année 1994-1995 à l’Université de Bologne, ces déclarations auraient dû sembler beaucoup trop explicites pour ce qui devrait être un programme d’action secrète, mais curieusement cela n’a pas été le cas.

1.3.  Traductions

La première publication du texte n’attire pas particulièrement l’attention en Russie. Ce sont les traductions de 1919 à 1921 en allemand, français, anglais qui vont lui donner un grand essor, essor porté par une recension du Times – garant par excellence de sérieux – le 8 mai 1920. Malgré un titre prudent en effet, le Times penche pour l’authenticité du document, et souligne son caractère de prophétie plus ou moins réalisée à travers la prise de pouvoir des judéo-bolchéviques en Russie. Pour les milieux conservateurs européens de l’époque en effet, les Juifs et les bolchéviques ne font qu’un, et la presse de droite invite très vigoureusement à se mobiliser contre cette hydre à deux têtes.

1.4.  Dénonciations

Un an après l’article qui a lancé le brûlot, le Times fait marche arrière en parlant de « historic fake », et en donnant les « details of the forgery ». À Constantinople en effet, un Russe du nom de Mikhaïl Raslovev a montré au correspondant du journal, Philip Graves, que ces prétendus comptes rendus d’un complot juif ont été composés en recopiant partiellement un pamphlet contre Napoléon III publié par Maurice Joly en 1864 à Bruxelles, sous le titre Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu4. Sous la forme conventionnelle du dialogue aux enfers, cet avocat de profession qu’était Joly met, dans la bouche cynique de Machiavel, l’image des diverses ruses et manipulations mises en oeuvre par Louis Napoléon Bonaparte pour s’emparer du pouvoir, tandis que Montesquieu horrifié tente de défendre la cause des lois et de la liberté. Cette dénonciation de la prise de pouvoir par Napoléon III comme d’un complot cynique et brutal valut à son auteur deux ans de prison pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement ». Une quinzaine d’années plus tard, en 1878, à 49 ans, il se suicida.

Ce pamphlet n’était en rien antisémite, mais il dénonçait violemment et brillamment l’attitude cynique de Louis Napoléon pour s’emparer du pouvoir en s’appuyant sur les milieux de la finance et de la presse. En 1921 et en 1922 un jésuite belge du nom de Pierre Charles consacre à l’affaire deux de ses chroniques, dans le mensuel catholique La Terre Wallone. Il apparaît que le faussaire des Protocoles s’est contenté de remplacer Bonaparte par les Juifs, la France par le monde, et, utilisant les propos cyniques prêtés à Machiavel par Joly, il a donné une sorte de dimension pseudo-philosophique et de tenue stylistique à son texte. Dans la seconde chronique, Charles confronte systématiquement les deux textes démontrant par là que, pour une bonne part, les Protocoles plagient l’ouvrage de Joly.

1.5. Diffusion

Cela ne les empêchera pas d’être largement diffusés en occident, à partir de 1921 précisément, et de devenir, dans l’entre-deux-guerres, une sorte de best-seller auquel il est constamment fait référence. Aux Etats-Unis Henry Ford est un des premiers à en répandre massivement les thèmes, d’abord dans des articles de son journal puis dans un volume The International Jew5. En Italie, dans les années 20, la revue Fede et Ragione estime que le document est authentique, et en 1930 Le groupe fasciste « Ordine nuovo » en distribue généreusement une nouvelle édition6. En Allemagne, Hitler dans Mein Kampf (en 1925-1926) rend hommage à Ford et cite les Protocoles. Sous le régime nazi, le livre est très répandu, et, à partir de 1942, Goebbels en fera même une exploitation systématique. En France les milieux catholiques traditionalistes encensent le livre. Bien entendu, à ce grand rendez-vous de la mauvaise foi, Céline répond présent.

À partir du début des années 50, une grande vague envahit cette fois le monde musulman. La diffusion se fait à partir d’une nouvelle traduction en arabe (1951), et de l’intensification du conflit israélo-palestinien. « La conspiration juive internationale est devenue le complot sioniste mondial », écrit Pierre-André Taguieff 7. Des chefs d’état comme Nasser ou Idi Amin Dada en conseillent la lecture aux journalistes occidentaux. La Charte du Hamas, en son article 32, stipule encore que : « le plan sioniste [...] après la Palestine [...] ambitionne de s’étendre du Nil à l’Euphrate [...] [comme indiqué] dans Les Protocoles des Sages de Sion »8.

L’occident par ailleurs n’a pas tout à fait dit son dernier mot. En 1972, l’ambassade d’URSS à Paris diffusait encore un document anti-israélien contenant des passages des Protocoles9. En 1977 et 1978 des éditions nouvelles paraissent aux États Unis et en Angleterre ; en 1987 au Japon ; en 1992 à nouveau en Russie10. Le 23 octobre 2012, un député grec porte-parole d’Aube dorée, Ilias Kasidiaris, lit, à la tribune du Parlement grec, le « protocole » numéro 19.

1.6.  Les historiens

Le premier ouvrage à proposer une étude générale de la question est Warrant for Genocide un admirable petit livre de Norman Cohn paru en 1966 et rapidement traduit en plusieurs langues11. L’historien britannique y reconstitue l’origine du mythe à la fois dans la représentation traditionnelle des juifs et à travers un certain nombre de textes précis dont U. Eco va faire le plus grand usage (et sur lesquels nous allons évidemment revenir) comme le livre de l’abbé Barruel et la longue lettre par lui reçue d’un certain Simonini. Pendant plusieurs pages, N. Cohn met face à face un paragraphe du Dialogue aux enfers et le paragraphe des Protocoles qui en est tiré :

Dialogue 1:  L’instinct mauvais chez l’homme est plus puissant que le bon 

Protocole 1:  Les hommes qui ont de mauvais instincts sont plus nombreux que ceux qui en ont de bons

[...]

Dialogue 1:  Les hommes aspirent tous à la domination, et il n’en est point qui ne fût oppresseur, s’il le pouvait, tous ou presque sont prêts à sacrifier les droits d’autrui à leurs intérêts 

Protocole 1:  Chaque homme aspire au pouvoir, chacun voudrait devenir dictateur, s’il le pouvait ; en même temps il en est peu qui ne soient prêts à sacrifier les biens de tous pour atteindre leur propre bien 

Dialogue 1:  Qui contient entre eux ces animaux dévorants qu’on appelle les hommes ? 

Protocole 1:   Qu’est-ce qui a contenu les bêtes féroces qu’on appelle les hommes12

Si l’on fait la part des écarts dus aux traductions superposées, il est clair que le texte des Protocoles est pour une bonne partie, pour sa partie théorisante et généralisante, directement recopié du Dialogue aux enfers. N. Cohn étudie ensuite la réception, le succès, et les prolongements de ces protocoles (avec en particulier « le Discours du Rabbin ») dans les pays les plus importants d’Europe.

Il existe, écrit-il, un monde souterrain dans lequel les délires pathologiques, déguisés en idées, servent à des escrocs et à des fanatiques semi-lettrés pour exciter les masses ignorantes et superstitieuses13.

On ne saurait mieux dire. En France, après avoir traduit l’ouvrage de N. Cohn, Léon Poliakov publie plusieurs livres fondamentaux sur l’antisémitisme. Plus récemment Pierre-André Taguieff s’attache à diverses reprises à la question des Protocoles : « La puissance de séduction du mythe (de la conspiration juive) a garanti non seulement la survie, mais encore un dynamisme qui renverse les démonstrations et se joue des preuves, constate-t-il »14. Plus particulièrement, il explique comment « la conspiration juive internationale est devenue le complot sioniste mondial »15. Plus loin il donne cinq extraits de journaux parus en 1986 et 1987 exprimant leur haine des Juifs et se référant explicitement aux Protocoles16. Ailleurs il précise :

Je ne connais pas un pays musulman, déclare-t-il dans un entretien, où les Protocoles ne soient pas régulièrement invoqués dans les médias pour justifier la thèse du « complot sioniste mondial » et inciter au djihad contre Israël en particulier, et contre les « sionistes » ou les « Juifs » en général17.

Un autre des spécialistes de la question, Gilbert Achcar, estime que « les insanités que contient ce pamphlet ont connu une diffusion beaucoup plus vaste que le pamphlet lui-même »18, car elles circulent aussi, explique-t-il, entre autres supports, dans plusieurs feuilletons télévisés. D’ailleurs, dans le documentaire que Pierre-André Taguieff a réalisé en 2008 avec Barbara Necek, un des metteurs en scène interrogés ne déclare-t-il pas que les Protocoles sont sans doute un faux, mais que ce qui y est dit est vrai19.

En fait, dès 1921-1922, après les articles de Graves et encore plus ceux de Charles, le plagiat était prouvé, et, par suite, le faux était démontré. Dès lors le mythe de la conspiration juive aurait dû être définitivement écarté. Cependant, malgré l’amende honorable du Times dès 1921, malgré les démonstrations de plus en plus argumentées, malgré les compléments d’enquête, malgré les livres des historiens et les condamnations officielles20, rien n’y fait vraiment, ou du moins rien n’y fait définitivement. Et ce que le monde compte encore d’anti-sémites continue à se servir de ce texte comme d’un document authentique. À l’évidence les délires de l’imaginaire sont pour certains beaucoup plus séduisants et convaincants que les rigueurs de la vérité. Les Protocoles constituent ainsi un sinistre exemple du pouvoir que peut prendre un texte pervers. Sans doute, comme le remarque U. Eco, « Les faux récits sont avant tout des récits, et les récits, comme les mythes, sont toujours persuasifs »21, mais la propension à se laisser persuader par un mensonge avéré témoigne d’une lourde défaite de la raison devant l’irrationnel et devant la passion. On ne peut guère accepter cette défaite sans penser à réagir d’une manière ou d’une autre.

2.  Le projet romanesque

Face à la constatation du succès des Protocoles, on peut ainsi être tenté d’imaginer des formes de combat moins austères que les articles et les livres d’histoire. C’est ce que font, l’un après l’autre, William Eisner puis U. Eco.

2.1.  William Eisner déclencheur

William Eisner est un auteur très important de bandes dessinées, c’est un des pères de ce qu’on a appelé le roman graphique. En 2005, pour son album The Plot (paru en France chez Grasset en novembre de la même année sous le titre Le Complot), il demande à U. Eco une introduction, que celui-ci lui fournit volontiers en reprenant rapidement les éléments historiques essentiels d’un dossier qu’il connaît parfaitement. De son côté, dans sa propre « Préface », Eisner justifie son projet en disant que le caractère de faux des Protocoles ne devrait plus, depuis longtemps, faire aucun doute pour personne, mais que, pourtant, ce faux continuant sa détestable carrière, il se propose de mettre son art graphique au service de la dénonciation de ce scandaleux mensonge.

Cette entreprise d’Eisner a visiblement séduit U. Eco, et l’a engagé à prolonger l’action de la bande dessinée par celle d’un roman qu’il écrirait, lui-même. Pourquoi en effet n’utiliserait-il pas son savoir historique et son savoir-faire de romancier, pour combattre cette imposture qui le hante depuis longtemps. Il va donc reprendre à son compte le projet d’Eisner, le faire sien, quasiment dans les mêmes termes que ceux utilisés par le dessinateur. Ainsi déclare-t-il dans une interview de décembre 2012 :

De nombreux livres historiques importants ont été écrits sur le sujet (des Protocoles) comme celui de Norman Cohn « Warrant for Genocide / Histoire d’un mythe » – mais ce sont des livres pour universitaires, ils touchent peut-être 5000 personnes. J’ai eu l’idée qu’en racontant l’histoire sur le mode d’un récit imaginant comment les Protocoles sont nés, la logique et la psychologie qu’il y avait derrière eux, je pouvais [parler] à un plus grand nombre de lecteurs22.

Cette perspective correspond tout à fait à la conception qu’il se fait ordinairement du roman, le roman devant être selon lui, comme les autres arts et comme la philosophie, au service de la vérité.

2.2.  La fiction contre le faux

Mais la nature du roman jouera ici, évidemment, un rôle spécifique. Puisque la raison peine à venir à bout de la déraison, le roman se propose de répondre à des délires par d’autres délires. Il va combattre les Protocoles non plus par le vrai, comme cela a été fait jusque là par les historiens (et par U. Eco lui-même d’ailleurs en tant qu’historien), mais par la fiction.

La fiction relève certes du mensonge puisqu’elle renvoie comme lui à quelque chose de non vrai, mais elle est en même temps le contraire du mensonge parce qu’elle avoue, elle, en principe, qu’elle n’est pas la vérité. Et ce mensonge assumé peut devenir, on le sait, un moyen de recherche de la vérité. U. Eco entend ainsi combattre l’imaginaire trompeur du mensonge par l’imaginaire revendiqué et non-trompeur du roman. Le roman est une sorte de pharmacon au double sens du mot grec, il est à la fois le mal et de remède. Il va en quelque sorte capter le mensonge et la déraison, et les faire passer dans la grande machine heuristique du roman qui les révèlera pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire de sinistres fabulations23.

2.3.  L’affabulation

Pour gagner cette guerre de la fiction contre le faux, ou au moins pour y faire bonne figure, l’auteur se doit de concevoir un contre poison à la hauteur du poison, et donc une fiction forte. Il invente un protagoniste Simone Simonini, faussaire malfaisant et haineux, traître et assassin, ignoble individu qui gagne sa vie en vendant ses services à diverses polices politiques. Il en fait le rédacteur des Protocoles en lieu et place de Golovinski le faussaire historique dont nous avons indiqué le nom. Sauf quelques comparses mineurs, tous les personnages que va rencontrer Simonini ont existé historiquement. Leurs actions, leurs écrits sont pour certains tombés dans l’oubli, et c’est heureux, mais ils ont joué un rôle significatif dans l’installation de l’idée de complot, et progressivement dans celle d’un complot juif pour prendre le pouvoir sur le monde. À travers l’évocation des contacts et des lectures du protagoniste, le roman d’U. Eco explore la manière dont s’est constituée le fantasme de ce complot, et l’idéologie antisémite moderne. Le personnage fictif lui permet de faire ainsi librement l’archéologie de l’épais terreau dont sont sortis les Protocoles, de tout ce qui a conflué dans leur rédaction. De ce point de vue, le roman est aussi le récit de la lente élaboration par Simonini de son chef d’oeuvre, la longue et pesante histoire d’un « work in progress ».

3.  Les conspirationnistes

Il nous faut maintenant présenter quelques-uns des personnages historiques, rencontrés par Simonini, quelque- uns seulement – car ils sont par ailleurs très divers et nombreux –, il nous faut présenter en particulier les principaux adeptes de la théorie du complot rencontrés par Simonini, ou du moins leurs écrits, et préciser comment ils sont pris en compte par le roman.

La première concrétion idéologique qui se développe tout au long du dix-neuvième siècle est donc cette image d’un complot, la conviction qu’une société de conspirateurs accapare à son profit le pouvoir et les richesses. Cette croyance a des racines psychologiques assez facilement repérables dans la frustration de chacun. Croire au complot évite de croire que les échecs ou les malheurs qui nous arrivent sont de notre faute. Simonini suit naturellement cette pente. Mais cette tentation que nous pouvons tous avoir de faire porter la responsabilité de nos échecs, ou de nos insatisfactions, à un bouc émissaire a été renforcée aussi par ses lectures :

Dumas, remarque-t-il, offre à la frustration de tous (aux individus comme aux peuples) l’explication de leur échec. [...] À y bien penser, Dumas n’a rien inventé : il a seulement donné forme narrative à ce qu’avait dévoilé, selon mon grand-père, l’Abbé Barruel (110).

Historiquement c’est en effet cet abbé qui est l’indiscutable ancêtre des théories modernes du complot.

3.1.  L’abbé Barruel et la démultiplication du complot

Né en 1741 et mort en 1820, Augustin de Barruel est ce prêtre jésuite qui fut un adversaire farouche des Encyclopédistes et de la philosophie des Lumières. Au moment de la Constitution civile du clergé, il dut s’exiler à Londres où il fut un moment hébergé par le philosophe Edmund Burke. De 1797 à 1799 paraissent les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, son principal ouvrage, où il explique, en cinq tomes, que la Révolution française a été le fâcheux résultat d’une superposition de conspirations (Templiers, Francs Maçons, Illuminés de Bavière, philosophes des Lumières) aboutissant à un dernier complot celui des Jacobins. On a du mal à se figurer que ces élucubrations aient joui d’une certaine audience, et qu’elles aient été traduites en plusieurs langues, mais il faut se rendre à l’évidence de leur importance dans l’histoire, sinon des idées, du moins des représentations.

3.2.  La lettre du grand-père Giovanni Battista Simonini

Cet abbé Barruel aurait été conforté dans son entreprise par une lettre reçue d’un capitaine italien dont nous ne connaissons que le nom, un certain Giovanni Battista Simonini. De nos jours si commodément connectés au reste du monde, on trouve la lettre du capitaine italien sur le site « Progetto Barruel » dédié au père jésuite (et telle qu’elle est apparue à la date du 12 octobre 1882, dans la Civiltà Cattolica). L’authenticité de cette lettre a été mise en doute, mais tous les historiens s’accordent sur son importance, et sur le fait qu’elle a joué, dans l’idéologie anti-juive des milieux ultra-catholiques, un rôle séminal.

Dans Le Cimetière de Prague, ce Giovanni Battista Simonini (historique) est enrôlé par U. Eco, et devient le grand-père du protagoniste, Simone Simonini, intégralement fictif, lui. Remarquons-le au passage, la couture entre réalité et fiction est ici, comme dans tous les romans historiques d’U. Eco, très savante et soignée. Très présent dans les premières années de la vie de son petit-fils, ce grand-père devenu personnage de roman se charge de son éducation. Il s’applique à lui faire connaître les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme de Barruel. Mais ce qui lui tient le plus à coeur, bien entendu, c’est la lettre qu’il a envoyée, lui-même, à l’abbé. Même s’il n’a pas reçu de réponse, c’est le coup d’éclat de sa vie. Il en est si fier qu’il lit puis résume longuement cette lettre à son petit fils. Certes il souscrit complètement à l’explication que Barruel donne de la Révolution par une série de complots, mais il introduit un complot supplémentaire et décisif qui englobe tous les autres. Selon lui l’action révolutionnaire contre le trône et l’autel a été, de manière déterminante, menée non seulement par les groupes évoqués par Barruel, mais, en dernier ressort, par les Juifs. Il en veut pour preuve les confidences qu’il a reçues personnellement d’un Juif chez qui il avait été un moment contraint de se réfugier. C’est évidemment une preuve bien légère, mais Simone Simonini vénère son grand père et adopte à tout jamais sa théorie.

3.3.  Eugène Sue et le complot jésuite

Mais c’est dans le roman populaire que l’image du complot fournie par Barruel va trouver son plein épanouissement et les deux derniers grands romans d’Eugène Sue jouent là un rôle très important.

Le père de Simone Simonini qui, lui, à la différence du grand-père est plus ou moins républicain, est en effet abonné au Constitutionnel, et le jeune Simone lit très tôt Le Juif errant paru en feuilleton dans ce journal en 1844 et 1845 :

Par là j’avais appris comment l’infâme Compagnie de Jésus savait ourdir les crimes les plus abominables pour capter un héritage, foulant aux pieds les droits des miséreux et des hommes bons (94).

Contrairement en effet à ce que le titre pourrait laisser croire, le centre du roman de Sue n’est pas constitué par l’histoire du Juif errant, mais par celle de l’héritage d’une noble famille que les jésuites essaient de détourner à leur profit. Joseph, le Juif errant, et sa soeur, Hérodiade, sont seulement les garants et les défenseurs de cet héritage qu’ils s’efforcent d’arracher aux griffes de la Compagnie24. L’idée d’une Compagnie de Jésus avide de pouvoir et d’argent, indifférente, sinon hostile, au petit peuple, et qui s’est organisée pour développer son pouvoir sur le monde entier, est installée très tôt et par des images très fortes dans le roman.

Au fil des pages, la figure intégralement mauvaise, le personnage le plus digne des méchants du roman gothique devient celle du père Rodin (au point d’apparaître, dans les rééditions comme sous-titre du roman en caractères beaucoup plus gros que ceux du titre). Il devient d’autant plus fortement le prototype de tous les méchants comploteurs et le support privilégié de toutes les haines qu’il réapparaît dans le dernier roman de Sue, roman très engagé et jouant constamment sur la confusion entre réalité et fiction, Les Mystères du peuple. Dans cette interminable histoire d’une famille française de 57 avant Jésus-Christ à 1851, figure une lettre de Rodin, « une très longue lettre du père Rodin [...] au général des jésuites le Père Roothaan, où le complot était exposé par le menu (134). Rodolphe de Gerolstein, arrivé tout droit des Mystères de Paris et entré en possession de ce document, dénonce avec éloquence ce complot :

Vous voyez, mon cher Lebrenn, comme cette trame infernale est bien ourdie, quelles épouvantables douleurs, quelle horrible domination quel despotisme terrible elle réserve à l’Europe et au monde, si par mésaventure elle réussit 25.

Sans doute le père de la théorie conspirationniste de l’Histoire, le jésuite Augustin Barruel, s’est-il retourné dans sa tombe quand il a appris que, par la grâce d’Eugène Sue, le Complot majeur se trouvait maintenant attribué à sa très chère Compagnie de Jésus. Au moins son fantasme obsessionnel a-t-il connu là une de ses plus belles floraisons.

3.4.  Alexandre Dumas et la mise en scène maçonnique

Ce fantasme du complot est présent aussi chez Alexandre Dumas, mais avec d’autres acteurs que les jésuites. Grand lecteur de Dumas depuis l’enfance (« Je passais des après-midi entiers à m’user les yeux sur Les Mystères de Paris, Les Trois Mousquetaires, Le Conte de Montecristo » (94)), Simonini rencontre Dumas lors de l’expédition de Garibaldi en Sicile. Cette rencontre n’a pu que renforcer l’intérêt qu’il porte aux romans du Maître, et en particulier à l’un d’entre eux, Joseph Balsamo. Tout à la fin du Cimetière de Prague, quand sa rédaction des Protocoles sera achevée, Simonini avouera : « J’ai mis un terme au travail d’une vie, commencé avec la lecture de Balsamo de Dumas dans le grenier turinois » (547). C’est que ce premier volume (1846) des Mémoires d’un Médecin26 s’ouvre sur une scène extraordinaire, à la limite du fantastique, et qui l’a fortement impressionné. Non loin de Worms, sur le Mont Tonnerre, un inconnu est enlevé par des hommes masqués qui le conduisent dans une clairière où trois cents fantômes enveloppés de suaires lui imposent une série d’épreuves terribles. Il les surmonte avec un très grand panache, et y met fin brusquement en déclarant que ces probations sont inutiles, car il connaît la confrérie depuis la nuit des temps, et il en est d’ailleurs, de droit divin (on ne sait trop pourquoi), le chef. Puis il fait appeler les membres des loges maçonniques des grandes villes occidentales dont on découvre alors la présence. Il leur ordonne de ranger les fantômes sous son commandement, et de leur faire jurer allégeance. À mesure que le récit avance, le lecteur commence à comprendre que l’inconnu n’est autre que Balsamo-Cagliostro, qu’il a pris la tête de la franc maçonnerie universelle, et qu’il trame visiblement de sombres projets. Entre autres perspectives, il prépare l’affaire qui sera bientôt celle du collier de la reine. Une affaire qui va, selon Dumas, ruiner le cardinal de Rohan, compromettre Marie-Antoinette, ridiculiser la cour, et, par le discrédit qu’elle portera à l’institution monarchique, préparer le terrain à la Révolution française. C’est l’image d’une réunion nocturne à grand spectacle de conspirateurs très organisés qu’Alexandre Dumas fournit de manière décisive à Simonini : « Je me demandais si l’Aède n’avait pas découvert, pour ainsi dire, en ne racontant qu’un seul complot, la Forme Universelle de tout complot possible » (109). C’est cette forme qu’il va retenir dans son grand oeuvre en remplaçant les francs-maçons par les Juifs, et en déplaçant la scène de la forêt du Mont Tonnerre dans le cimetière juif de Prague.

3.5.  Hermann Goedsche et le « Discours du rabbin »

Hermann Goedsche (ou Gödsche 1815-1878), était, lui, un employé des postes prussiennes, auteur de libelles antisémites. Sa publication la plus connue est, en 1868, sous le pseudonyme de sir John Retcliffe, un roman intitulé Biarritz. U. Eco résume ce roman dans Le Cimetière de Prague (283-284), et ce semble être – je n’ai pas pu le lire – un très mauvais récit d’aventures disparates et extravagantes. Mais le roman comporte un chapitre intitulé « Dans le cimetière juif de Prague » qui raconte comment, dans ce célèbre cimetière, se tient, en pleine nuit, sous la présidence du Grand Rabbin, une réunion de douze rabbins censés représenter les douze tribus d’Israël. Ce chapitre a frappé les imaginations de l’époque, et Norman Cohn en donne une traduction en annexe à son Histoire d’un mythe. Devant la pierre tombale du saint rabbin Siméon-Ben-Jhuda d’où le Diable les salue et les écoute, chaque rabbin prend la parole pour présenter un élément de leur commun projet de domination sur le monde. Historiquement Goedsche a donc fourni un décor idéal, un décor fantasmatique à souhait, pour le grand complot juif. La mise en scène qu’il imagine est si frappante qu’elle va connaître historiquement, et indépendamment du roman lui-même, une très grande et odieuse carrière.

Retiré de son contexte romanesque dans une zone grise où sont délibérément confondues réalité et fiction, le « Discours du rabbin » ne va pas cesser en effet, sous le prétexte d’un dévoilement de la vérité, de permettre à la rumeur diffamatoire de prospérer à l’envi. Dans Bagatelles pour un massacre, Céline, qui s’est déjà référé aux Protocoles, s’enthousiasme, et accumule trois pages de citations27. En Allemagne, Théodore Fritsch l’inclut dans son Antisemiten-Katechismus publié en 1887 (sous le pseudonyme de Thomas Frey). Dans l’entre-deux guerres, à Prague, en Autriche, ou en Suède, intégré à divers pamphlets et présenté comme un texte authentique, il connaît une grande popularité. Dans plusieurs de ses textes théorico-historiques, U. Eco recense les publications qui prennent ou feignent de prendre pour argent content les « révélations » du roman de Goedsche28. Hermann Cohn, lui, avait conclu en soulignant que :

les propos de ce personnage [le Grand Rabbin], remaniés pour s’adapter aux conditions nouvelles eurent leur part dans les triomphes des Protocoles : de nombreuses éditions contiennent les deux oeuvres à la fois29.

Dans le roman, l’idée du cimetière est de Simonini, et Goedsche s’en empare très malhonnêtement. Mais bien entendu Simonini la maintient dans sa version des Protocoles qui devient ainsi la synthèse éclatante des Protocoles de Golovinski et du « Discours du rabbin » de Goedsche.

4.  Le pouvoir du roman populaire

Les textes conspirationnistes évoqués dans Le Cimetière de Prague sont, on le voit, de deux natures : des essais politico-historiques, comme les livres de Barruel et de Joly, et des romans populaires, comme ceux de Sue, Dumas ou Goedsche. Le roman d’U. Eco ne méconnaît pas l’importance des essais théoriques, il en présente longuement la teneur, et inclut les deux théoriciens directement dans son intrigue. Mais il accorde visiblement une plus grande importance aux romans populaires. À cela il y a au moins deux raisons d’ordre tout à fait différent.

4.1.  L’importance de la diffusion

La première est une question d’échelle de diffusion et d’audience des essais et des romans feuilletons. Imprimé en Belgique, le pamphlet de Joly, circula peu en France ; l’auteur fut rapidement repéré, et les derniers exemplaires trouvés chez lui lors de son arrestation furent détruits. L’ouvrage de Barruel connut lui une bonne diffusion, mais selon les normes de son époque. (Les cinq tomes parus en 1798-1799 chez P. Fauche à Hambourg ne sont tirés qu’à un nombre limité d’exemplaires, ils valent très cher, et ne concernent qu’un public fortuné. Il en va de même pour les rééditions de 1803 et 1818 et pour les traductions). Avec Eugène Sue et Alexandre Dumas, en revanche, nous entrons dans un nouveau monde éditorial. Il est inutile, je pense, d’évoquer l’énorme succès de leurs publications en feuilleton. Rappelons seulement qu’avec la parution du Juif errant en 1844-45, le nombre des abonnés du Constitutionnel passa de 3 600 à 23 600, et que le roman parut immédiatement en quatre volumes30. Le Charivari en parodie les épisodes à mesure de leur parution. Un juif errant en chair et en os est présenté à l’Exposition de 1844, et le roman est immédiatement adapté au théâtre31. La suspicion qui entourait les activités des jésuites, le sentiment de « jésuito-phobie »32, connut alors un pic. Un critique contemporain relève qu’après la publication du roman de Sue : « Des lecteurs refusent d’être soignés, craignant de tomber entre les mains d’un docteur Baleinier ou même d’un Rodin »33. On admettra que ce genre de succès est sans commune mesure avec ce que pouvaient connaître les livres de l’ancien régime.

4.2.  L’influence indirecte

La seconde raison de la plus grande importance accordée par l’auteur du Cimetière de Prague aux romans populaires par rapport aux essais théoriques est plus complexe. Les oeuvres de Barruel et de Joly sont certes différentes, mais toutes les deux sont explicitement idéologiques, ouvertement militantes, pourrait-on dire. Le roman les prend clairement en compte, mais, précisément parce qu’elles sont directement politiques, l’auteur les met moins en valeur que les romans populaires. Ce qui retient l’attention d’U. Eco, ce qu’il veut souligner, c’est en effet l’importance politique indirecte, souterraine, mais immense, des grands romans populaires. Ce qui l’amuse en fait, c’est le rôle que ces textes d’imagination ont pu jouer, quelquefois même sur les bons esprits du moment, dans des domaines qui devraient être ceux de la raison et de la lucidité.

Ainsi Il Gesuita Moderno ouvrage de Vincenzo Gioberti, penseur et artisan important du Risorgimento, se présente en principe sous le signe de la rationalité et de la pensée politique savante. Or, à mesure que les cinq tomes paraissent en 1846 et 1847, une hostilité grandissante et pas toujours très justifiée à l’endroit des jésuites s’affirme. L’auteur souligne leurs tendances au mysticisme, leur laxisme moral, leur autoritarisme, et surtout il se montre convaincu qu’ils se sont systématiquement organisés en société d’espionnage et de domination du monde. C’est indéniablement un concentré d’arguments anti-jésuites qui donnent une impression de déjà-vu. Le père de Simonini ne manque pas d’ailleurs de le relever par une remarque quelque peu irrévérencieuse : « Même si, concluait mon père, cela m’a toujours fait sourire que certaines idées, Gioberti les eût prises de seconde main, dans un roman publié l’année précédente, Le Juif errant d’Eugène Sue » (89). L’observation pointe gaiement, mais avec aussi un peu de déception, les ravages que les divagations d’un romancier populaire sympathique, mais fabulateur, peuvent produire même sur un intellectuel de premier plan.

Simonini qui n’est pas un grand intellectuel a été, lui, complètement séduit par les romanciers populaires, et, quand il aura enfin mis la dernière main aux Protocoles, plusieurs personnages lui feront remarquer tout ce que sa production doit à ces romans feuilletons. Le père jésuite Bergamaschi remarque ainsi qu’il a beaucoup emprunté à Eugène Sue « ce bouffeur de curé » (339) ; et Dalla Piccola, son double, lui écrit : « L’idée d’aller chercher de nouveaux sujets dans l’univers de la fiction me trouvait pleinement d’accord (et d’après vos journaux intimes, j’ai aussi appris que vous n’avez pas fait autre chose en vous inspirant de Dumas et de Sue) » (409). Le Cimetière de Prague se plaît ainsi à souligner le pouvoir spécifique de ces textes populaires sur la grande histoire. U. Eco se flatte d’ailleurs d’avoir été, le premier à avoir repéré l’importance de leur apport dans le développement des théories du complot. Dans Six Promenades dans les bois du roman et d’ailleurs, il évoque les liens des Protocoles « avec Dumas et Sue qui sont, je crois, une de mes découvertes »34. On pourrait lui signaler qu’un historien des idées politiques, Raoul Girardet a, avant lui, dans un essai de 1986 intitulé Mythes et mythologies politiques35, très clairement et fortement souligné le rôle probable de Sue et de Dumas, et en particulier du Juif errant et de Joseph Balsamo, dans l’élaboration « littéraire » des Protocoles. Reste évidemment qu’U. Eco a très bien pu opérer ce rapprochement sans avoir lu Girardet, ou – en dépit de sa très bonne mémoire – en ayant oublié qu’il l’avait lu. Demeure en tout cas la grande probabilité de cette influence.

4.3.  Le coefficient Eco

À vrai dire, il nous semble que, dans Le Cimetière de Prague, l’auteur ait tenté de systématiser cette influence, au point de devoir quelquefois même se corriger. Ainsi, en prison, Simonini n’a aucun mal à instaurer une sorte de complicité intellectuelle avec Joly (parce qu’il se fait passer pour un carbonaro, qu’il a une culture politique certaine, et qu’il connaît le pamphlet anti-napoléonien de son interlocuteur). Il lui semble d’ailleurs que Joly, dans sa haine de l’entreprise bonapartiste, a été influencé par le réquisitoire contre la conspiration jésuite dressé dans Le Juif errant puis dans Les Mystères du peuple, et qu’il s’est inspiré exactement de la même source que lui-même, Simonini, à savoir la lettre du Père Rodin au père Roothaan dans Les Mystères du peuple de Sue : « [...] Simonini avait alors fait une référence voilée à Sue et à la lettre du Père Rodin ; aussitôt Joly avait souri ... » (233). Ce sourire est comme un acquiescement de l’auteur du Dialogue aux enfers. Est-il sûr pour autant que les romans de Sue ont eu cette influence sur Joly ? Quand il parle en historien U. Eco est, au moins dans la formulation, plus prudent. Mise à part la représentation très générale du complot, il faut bien avouer que les similitudes entre Sue et Joly ne nous sont guère visibles. Dans le roman lui-même d’ailleurs, le narrateur, après avoir donné l’impression qu’il était avec Simonini convaincu de l’influence du romancier sur le pamphlétaire, entreprend de nuancer ses premières affirmations : « En relisant Joly, il avait vu que ce polémiste, évidemment moins sous l’emprise de Sue qu’il n’avait pensé à première lecture, avait attribué à son Machiavel-Napoléon d’autres infamies » (343). Le goût bien connu de l’auteur pour la littérature populaire du XIXe siècle l’avait peut-être porté à en majorer un peu trop systématiquement l’importance.

Mais si majoration il y a, elle s’explique aussi d’une autre façon. Dans son intention de soigner le mal par le mal, Le Cimetière de Prague tend à se faire lui-même, pour une part, roman populaire. Comme dans les romans de ce type, l’auteur a introduit d’ailleurs de nombreuses illustrations, certaines directement empruntées à des éditions d’époque. Par l’accumulation des aventures, la noirceur intégrale du méchant, l’importance du secret, clairement il parodie ce type de roman, et sa parodie est aussi célébration. Il s’installe avec ces romans feuilletons du côté du romanesque, il rend joyeusement hommage à leur force de séduction. Le Cimetière de Prague se présente comme une sorte de sur-roman populaire, et dans cette mesure, dans la mesure où il devient un méta-roman populaire, le pouvoir des textes qu’il célèbre est aussi le pouvoir de son propre texte qu’il postule et exalte. La célébration est en puissance auto-célébration.

5.  La réception du roman

Alors tentons un rapide bilan. Qu’en est-il finalement du pouvoir de ce roman dans sa lutte contre le faux ? qu’en est-il de cette guerre des textes entreprise par Le Cimetière de Prague ? Le pari de l’auteur est-il en partie gagné ? Je voudrais, pour terminer, donner quelques indications très rapides concernant la réception du roman.

La prudence m’a suggéré de laisser de côté, pour le moment au moins, la question de la réussite esthétique du roman. À des lecteurs éclairés et bienveillants, les romans d’Eco, après Le Nom de la rose, ont souvent paru encombrés d’un savoir très pesant et littérairement très peu convaincants. Subsiste pourtant un paradoxe ou un mystère, le succès qu’ils continuent à obtenir à travers le monde.

5.1.  Les tirages

Pour sa première parution, le 29 octobre 2010, les tirages habituels aux romans d’U. Eco semblent au rendez-vous. Lors de la présentation du livre, le 10 novembre, (dans la salle salle Buzzati du Corriere della Sera), Mario Andreose, directeur éditorial chez Bompiani, plus particulièrement chargé des publications d’U. Eco, se félicite de « l’accueil extraordinaire » reçu par le livre qui en quelques jours connaît sa « sixième réimpression », qui figure en tête dans le classement de meilleures ventes, et qui a suscité des contrats de traduction pour ... 40 pays36. L’Éditeur ne précisant pas les chiffres des tirages, on s’en tiendra à ceux qui circulent, ou qu’il fait circuler, et qui varient, comme c’est souvent le cas, selon les sources. On rencontre deux ordres de chiffres principaux : 40 000 copies suivies immédiatement d’une réimpression de 50 000 copies (par exemple dans oggimedia.it), ou, beaucoup plus fréquemment, entre 200 000 et 250 000 copies – le plus souvent 230 000 – (par exemple dans LibriBlog.com). Très souvent il est signalé que la première parution a été suivie de plusieurs réimpressions et que le tirage a atteint, en quelques semaines 450 000 copies. « Plus de 550 000 vendus en deux mois, croit savoir Gilles Heuré, dans Télérama, et à ce jour (i. e. en mars 2011, cinq mois après la parution), huit réimpressions pour un tirage total de 650 000 exemplaires »37.

Dès le 13 novembre 2010, le roman est en tête du classement des meilleures ventes : « Top ten i libri più venduti » dans La Repubblica (devant Il sorriso d’Angelica de Camilleri). Il le reste jusqu’en décembre, où, en fin d’année (« Top ten » du Corriere della Sera), il occupe la deuxième place (derrière Appunti di un venditore di donne de B. C. Dalai). Il est encore quatrième dans les classements de janvier 2011. Globalement, et même si les chiffres peuvent être gonflés par les éditeurs pour des raisons publicitaires, et acceptés par les journalistes pour des raisons inconnues, on ne peut nier que, la distribution du roman d’U. Eco soit sans commune mesure avec celle d’une publication savante.

5.2.  Coup de sonde en pays arabes

La portée idéologique d’un texte étant une autre question très complexe, je me contenterai ici d’une information très partielle et quasi factuelle, un coup de sonde dans les journaux arabes. Grâce à un collègue arabisant, j’ai essayé de m’informer sur la réception du roman dans les pays du moyen orient38. Le roman a été, en 2013, édité à Baghdad par le « Service des Affaires culturelles », c’est-à-dire probablement par une édition d’État. La traduction de Khadir al Lame a peut-être été réalisée à partir de l’anglais, et le tirage n’a sans doute pas été important, comme c’est l’usage pour les éditions arabes souvent faites pays par pays. Cette édition a cependant amené plusieurs comptes rendus dans des journaux arabes importants.

De la lecture de huit d’entre eux39, il apparaît qu’en ce qui concerne la question juive, il est possible de relever quelques expressions ambiguës, ou peu claires, comme « les énigmes et les manipulations entourant la présence juive en Europe » ou « les manoeuvres infernales », ou encore cette phrase dans le compte rendu de al-Hayat :

Le lecteur du Protocole des Sages de Sion découvre que les faits rapportés n’ont rien d’imaginaire, et que la part d’imagination est liée seulement à la personnalité de Simonini40.

Le contexte ne permettant guère de préciser l’intention, on ne comprend pas très bien ce que cela veut dire, ou bien l’on craint de comprendre,

Cependant, de manière générale, s’il y a, dans ces recensions, l’idée d’une influence néfaste des Juifs dans l’histoire, elle n’est jamais explicite. Aucun article ne mentionne les arabes, ni Israël, mais seulement la thèse du complot judéo-maçonnique comme lié à un moment de l’histoire européenne. De nombreux développements tournent d’ailleurs autour du caractère européen du débat suscité par le roman. Le fait que les Protocoles soient un faux est clairement affirmé dans plusieurs articles, et aucun ne prétend le contraire. Certes les auteurs insistent sur le pouvoir du mensonge et de la manipulation dans l’histoire en général, avec des exemples pris dans le passé et dans le présent, comme le mensonge américain sur les armes de destruction massive en Irak, mais on ne saurait le leur reprocher, la manipulation frauduleuse est le sujet même du roman, et U. Eco a par ailleurs beaucoup parlé de la guerre en Irak et de la manipulation d’Etat d’où elle est partie. Au total donc, la réception critique dans la presse de langue arabe semble plutôt rassurante. La constatation est d’autant plus importante qu’une polémique était née à Rome lors de la parution du roman sur les dangers qu’il pouvait comporter. Pour le moment au moins, la diffusion du livre et sa lecture n’ont pas donné raison à ces mauvais prophètes.

Les détracteurs du romancier pourraient objecter encore que ce n’est pas tant son roman qu’U. Eco a mis au service de cette dénonciation que sa grande notoriété personnelle. Peut-être en effet, mais le résultat demeure, et, dans la mesure où, de nos jours, un simple livre peut encore rivaliser avec les communications de masse, on admettra que la diffusion du roman d’Eco a pu lui donner une place non négligeable dans le combat contre la falsification et le mensonge. Par mesure d’apaisement, on pourrait aussi convenir qu’un roman est une bouteille à la mer, dont le message, un jour peut-être, sera plus correctement compris et évalué, et qu’en attendant il faut, comme dirait Borges, « se consoler à cet élégant espoir ».

Notes

1 « Faux et contrefaçons » dans Les Limites de l’interprétation, Grasset, 1992, p. 175-234. « Falsi e contraffazioni » dans Limiti dell’interpretazione, 1990, II.1.6, p. 61-62. « Il falso e il vero » dans « La Bustina di Minerva », L’Espresso du 05-05-2011. « La falsificazione nel Medioevo » dans Scritti sul pensiero medievale, 2012.

2 Il Cimitero di Praga, Bompiani, 2010. Le cimetière de Prague, trad. Jean-Noël Schifano, Grasset, 2010. Les pages sont indiquées entre parenthèses, immédiatement après les citations du roman, selon l’édition de poche, Grasset, 2012.

3 Il Manoscritto inesistente : I protocolli dei savi di Sion : un apocrifo del XX secolo, Venezia, Marsilio, 1998. L’auteur se livre à une étude extrêmement minutieuse des premières apparitions du texte. Selon lui, il a été écrit, directement en russe, dans les milieux antisémites de Saint-Pétersbourg entre 1902 et 1903. L’apport d’informations qu’il donne sur l’ensemble de l’affaire est important. L’ouvrage est, depuis 2004, traduit en anglais, et, depuis 2006, en russe.

4 Ces Dialogues ont été republiés en 1968 chez Calmann Lévy, avec une préface de Jean-François Revel. En 1980, la Comédie française en a tiré un spectacle au Petit-Odéon qui circula ensuite dans plusieurs villes de France, dans une adaptation de Pierre Franck, avec François Chaumette et Pierre Etcheverry. Le Lucernaire en a tiré, de son côté, un spectacle en 2005.

5 The International Jew, The World’s foremost problem, Dearborn, Michigan, The Dear born Publishing Company, 1920.

6 Will Eisner, Le Complot, L’histoire secrète des « Protocoles des Sages de Sion » Grasset, 2005, p. 116. (The Plot. The Secret Story of The Protocols of the Elders of Zion, 2005).

7 Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des sages de Sion, faux et usages d’un faux, Berg International, Fayard, 2004, p. 13.

8 Traduction française de cette charte, en ligne, et dans Jean-François Legrain, Les voix du soulèvement palestinien 1987-1988, Le Caire, CEDEJ, 1991.

9 Will Eisner, Le Complot, op. cit., p. 117.

10 Will Eisner, Le Complot, op. cit., p. 117-119.

11 Warrant for Genocide, The Myth of the Jewish World Conspiracy and the Protocols of the Elders of Zion, 1966. La traduction française due à Léon Poliakov paraît chez Gallimard en 1967 sous le titre : Histoire d’un mythe, La « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion.

12 Norman Cohn, op. cit.

13 Norman Cohn, op. cit. p. 20.

14 Pierre-André Taguieff, L’imaginaire du complot mondial : faux et usages d’un faux, Berg International- Fayard, 2004, p. 250-252.

15 Ibidem, p. 13.

16 Ibidem, p. 250-252.

17 Entretien avec Paul- François Paoli, Le Figaro, le 17-03-11.

18 Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah, Sindbad, 2009, p.183-184.

19 « La vérité est ailleurs » « La véritable histoire des Protocoles des Sages de Sion », (Arte, 6 mai 2008).

20 En 1964, procédure très rare, le sénat des Etats-Unis publie un rapport sous-titré « A fabricated ‘Historic’ document ». En 1993, en Russie, où jusque là on évitait de condamner les Protocoles, un tribunal saisi par le directeur d’une revue les qualifie de faux. En France, le livre est un moment interdit par un arrêté pris par Pierre Joxe, ministre de l’intérieur, le 25 mai 1990 (JORF n°121 du 26 mai). La décision n’est plus en vigueur, et le faux d’ailleurs a été réédité en 2010 par les éditions Déterna dirigées par Philipe Randa.

21 De la littérature, Paris, Grasset, 2002, p. 378.

22 « Many important historical books have been written about this phenomenon – such as Norman Cohn Warrant for Genocide – but those books are for academics. They reach perhaps 5000 people. I had the idea that, by telling a story in a narrative way, imagining how the Protocols came into being, the logic and psychology behind it, I could speak to a larger group of readers ». Untitled Books, n°50, 7 décembre 2012.

23 « Le langage soigne ses propres maux par les mots », écrit la philosophe Marie Guillot. « La double nature du verbe, où gisent à la fois le mal et le remède, ajoute-t-elle, se lit dans la formule ambiguë de Wittgenstein : ‘La philosophie est un combat contre l’ensorcellement de notre intelligence par le moyen de notre langage’ ». « Wittgenstein, Freud, Austin : voix thérapeutique et parole performative », Revue de métaphysique et de Morale, 2004/2, n° 42, p. 259-277.

24 Depuis sa fondation en 1537 par Ignace de Loyola, l’ordre de prêtres réguliers qu’est la compagnie de Jésus a suscité de nombreuses réticences et critiques pour son zèle apostolique et sa soumission à la hiérarchie. Globalement les jésuites ont la réputation d’être de très habiles manoeuvriers, des manipulateurs, se plaçant toujours du côté des puissants. En 1773, la compagnie est interdite par le pape Clément XIV, et elle n’est rétablie qu’en 1814 par Pie VII. Au XIXe siècle, les jésuites vont devenir une des cibles favorites des anti-cléricaux.

25 Cité par U. Eco, « Histoire de complots » dans Quelle mondialisation ? Forum international de l’Académie Universelle des cultures, les 13 et 14 novembre 2001, ouvrage publié sous la direction de Françoise Barret-Ducrocq, Paris, Grasset, 2002.

26 Il est suivi par Le Collier de la reine (1849), Ange Pitou (1851), et La Comtesse de Charny (1852).

27 Bagatelles pour un massacre, Denoël et En ligne, p. 278-280.

28 Ainsi dans Six Promenades dans les bois du roman et d’ailleurs, Le Livre de poche, 1996, p. 146 : « Cinq ans plus tard, un libelle russe (Les Juifs, maîtres du monde), reprend la même histoire mais la présente comme une vraie chronique. En 1881, Le Contemporain publie à son tour ce récit en assurant qu’il provient d’une source sûre, le diplomate anglais sir John Readcliff. En 1896, François Bournand, dans son livre Les Juifs, nos contemporains utilise à nouveau le discours du grand Rabbin (nommé cette fois John Readcliff).

29 N. Cohn, Histoire d’un mythe, op.cit., p. 43.

30 In-8, chez Paulin, à Paris, illustré par Gavarni. Et, en dix volumes brochés in-18, sous couverture bleue, dès 1845, chez le même éditeur.

31 Michel, Nathan, Splendeurs et misères du roman populaire, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1990, p. 166 et p. 187.

32 Dès 1845 paraît un fascicule d’une trentaine de pages d’un certain Marancourt : Histoire du juif errant ou Eugène Sue et les jésuites dévoilés.

33 Edgar Knecht « Le mythe du juif errant » dans Romantisme, volume 6, n° 12, 1976. E. Knecht s’appuie sur un numéro de la Gazette des hôpitaux du 19 novembre 1844 où un médecin met en garde ses confrères contre cette maladie étrange appelée « Jésuitophobie ».

34 Six Promenades dans les bois du roman et d’ailleurs, op.cit., p. 148.

35 Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, « L’univers historique », 1986, p. 25-41.

36 Corriere della Sera, « Dai Protocoli a Oggi : Eco spiega il successo dei falsi dossier », 11/11/2010, p. 41. 

37 Télérama n° 3193, le 26-03-2011.

38 Un grand merci à François Dumas, professeur d’arabe au lycée Du Bellay d’Angers.

39 Al-Mustaqbal, Al-Quds al-Arabi, Al-Jazeera.net, Al-Hewar, As-Sabah, Al Badil, Al-Ittihad, Al-Hayat.

40 « Le cimetière de Prague : le roman d’une machination », Al-Hayat, 19-11-2013, compte rendu de Howaïda Salih, traduction de François Dumas. Quotidien à financement saoudien, édité à Londres, de tendance libérale et pro-américaine, al-Hayat réserve une place importante à ses pages culturelles qui constituent une tribune pour les débats intellectuels du moment.

Citer cet article

Référence électronique

André Peyronie, « Le Cimetière de Prague et le pouvoir des textes », Atlantide [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 09 octobre 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=1532

Auteur

André Peyronie

Maître de Conférences honoraire à l’Université de Nantes en Littérature Générale et Comparée, André Peyronie s’est, depuis quelques années, pris d’intérêt pour la littérature italienne, et en particulier pour ce phénomène littéraire et culturel que constitue Umberto Eco. Aux Presses Universitaires de Rennes, il a publié en 2006 une étude : Le Nom de la rose, Du livre qui tue au livre qui brûle.

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