Histoires parallèles de Péter Nádas : un roman européen et sexy

DOI : 10.56078/atlantide.863

Résumés

La bipartition de l’Europe entre Est et Ouest véhicule une forte charge fantasmatique dont la littérature est la chambre d’écho. De ce point de vue, la chute du Mur signe la perte d’un ailleurs possible, d’une altérité qui permettait à chaque bord de penser en regard sa propre identité. Histoires parallèles est un roman intéressant pour explorer cette représentation clivante de l’Europe. Alors qu’il semble correspondre, par ses excès, sa couleur locale et sa dimension politique, à l’imaginaire occidental de la littérature « de l’Est », le livre déstabilise. Victimes de l’Histoire, de l’ordre social et sexuel se croisent dans un entrelacs narratif qui exige du lecteur, à mesure qu’il construit son propre cheminement, qu’il se confronte à l’autre puis se l’approprie intimement, faisant ainsi d’Histoires parallèles un roman de la réconciliation.

The bipartition of Europe into East and West is infused with a strong fantasmatic current, of which literature is the echo chamber. From this angle, the fall of the Wall signals the loss of a possible elsewhere, of an otherness that used to allow each side to reflect upon its own identity. Parallel Stories is an interesting novel to explore this divisive representation of Europe. While its excesses, local colour and political dimension seem to match up with the Western imagination of “Eastern” literature, the book is an unsettling one. Victims of History and of the social and sexual order are brought together in this intermingled narrative that urges the reader, throughout his progress, to confront the other and become closely entangled with him, so that Parallel Stories stands out as a novel of reconciliation.

Plan

Texte intégral

Après qu’un ami occidental lui a proposé en 1999 d’intituler son intervention au Festival international de Hambourg « Pourquoi l’Est n’est-il plus sexy ? », Goran Stefanovski s’interroge sur ce que le terme « sexy » recouvre dans « Fables du monde sauvage de l’Est. Quand étions-nous sexy ? »1 (Stefanovski, 2005, p. 149). Ce texte a circulé largement en Europe, a été traduit en plusieurs langues et adjoint à la pièce Hôtel Europa dans l’édition française, sous le titre « L’Est désorienté. Espoirs et contradictions ». C’est à la lumière de cette question posée par le dramaturge macédonien que nous souhaitons aborder Histoires parallèles de Péter Nádas2. En guise de préambule, nous souhaitons évoquer le recueil de nouvelles de Krisztina Tóth, Code-barres, et la signification mystérieuse qu’elle accorde aux quelques chiffres et lignes présents uniquement sur les objets venus de l’Ouest et qui semblent receler un secret à déchiffrer, à l’instar de l’Ouest fantasmé comme

un paradis terrestre évoqué également en chuchotant, […] cet outre-monde dans lequel il y avait tout, où tout un chacun était beau et heureux, voire jeune aussi, incompréhensiblement. C’est ainsi du moins qu’à l’adolescence nous l’imaginions. Car quand nous voyions dans la rue des personnes particulièrement belles et bien habillées, les parents nous faisaient toujours remarquer qu’il s’agissait certainement de gens de l’Ouest. (Tóth, 2014, p. 77)

On relève dans cet extrait de Code-barres la force d’attraction exercée par l’Ouest sur l’Est3, toujours teintée d’une légère ironie. Stefanovski opère une inversion du « sexy » : lorsque la littérature de l’Est n’était pas « sexy », elle semblait l’être aux yeux des lecteurs occidentaux, et lorsqu’elle a pu, par l’amorce de phénomènes de démocratisation, devenir « sexy » aux yeux de l’Est, elle a été, toujours d’après Stefanovski, délaissée par l’Occident. Cette lecture de la réception de la littérature de l’Est par l’Ouest repose, plus de vingt-cinq ans après la chute du régime, sur une vision bipartite de l’Europe, bipartition dont la charge fantasmatique est encore très forte. Les lectures politiques de la littérature de l’Est s’expliquent en partie par les contraintes de transfert de ces littératures. Dans Traduire sous contraintes, Ioana Popa montre, au cours d’une enquête très détaillée, comment les réseaux de traduction ont favorisé la réception politique des textes sous le communisme, au « risque d’araser leur portée littéraire et leur dimension esthétique » (Popa, 2010, p. 464). Nombre d’auteurs ont déploré cette réception politique, à l’instar de Milan Kundera dans « Un Occident kidnappé » (1983) ou de Danilo Kiš dans Homo poeticus (1993). De ce point de vue, l’éditorial du premier numéro de la revue des Cahiers de l’Est, paru en 1975, rédigé par l’écrivain roumain Dumitru Tsepeneag, est fort intéressant. Le ton, entre ironie et amertume, se moque du lecteur de l’Ouest et de ses représentations condescendantes :

Ce qui n’empêche qu’à la longue se crée un sentiment de supériorité protectrice envers tous ces intellectuels contestataires de l’Est. De là au mépris il n’y a qu’un pas. Comme ils sont malheureux ces gens de l’Est, éprouvés par le fascisme, et puis par le stalinisme, et puis par le post-stalinisme… (Tsepeneag, 1975)

Condescendance, mais aussi assimilation de l’Est à la sauvagerie, à la violence, à l’archaïsme sont des leitmotivs. L’Est peut-il échapper à son statut de « petit État » (Bibó, 1993) et s’émanciper du regard critique de l’Ouest ? Il n’est pas inutile de rappeler que les frontières géographiques de la barbarie, limites de la civilisation, se déplacent toujours plus à l’Est en fonction de l’endroit où l’on se trouve : pensons par exemple aux réflexions développées par Sándor Márai dans Mémoires de Hongrie (1972) sur l’âme slave. Pierre Pachet, dans « Pour un archaïsme contemporain », paru dans les Nouveaux Cahiers de l’Est en 1991, analyse avec finesse cette question du prétendu archaïsme de l’Est.

Trois décennies suffisent-elles à extirper la littérature européenne d’une représentation caricaturale et clivante ? Dès lors que l’Est et l’Ouest se sont rapprochés au point de tendre à une unité, au sein de l’Europe, ils ont perdu de leur pouvoir d’attirance – ou de répulsion d’ailleurs — l’un sur l’autre. Camille de Toledo, dans Le Hêtre et le bouleau. Essai sur la tristesse européenne, voit dans la chute du mur de Berlin la perte radicale de l’altérité, constitutive de l’identité :

En novembre 1989, nous avons perdu notre autre. Cette perte constitue le grand impensé des vingt années qui nous séparent désormais de la Chute. Chacun à notre tour, de part et d’autre du Mur, nous avons été privés d’un autre qui, malgré les illusions, les mensonges, les propagandes et les censures qui lui servaient de robes, de masques et de visages, portait la charge du désir, de la peur ou de la haine ; en tous les cas, quelque chose à quoi se confronter, s’opposer ou rêver. (Toledo, 2009, p. 26)

Il s’agit en somme de la disparition de deux ailleurs, l’Est pour l’Ouest et l’Ouest pour l’Est, qui rend toute forme d’espoir impossible. À cette situation nouvelle répond une esthétique du plein, de la consolation, de la mémoire, qui ne peut être, selon Camille de Toledo, que vouée à l’échec. L’écrivain engage son lecteur à refuser ces facilités qui font irrémédiablement perdre la capacité à « marcher sur un fil, dans l’absence des corps de nos morts justement : non pas une morale ni une mémoire éternelle, mais le fil entre la mémoire et l’oubli » (ibid., p. 132).

Histoires parallèles est un roman tout particulièrement intéressant pour aborder la question de la représentation clivante de l’Europe, empreinte de fantasmes solidement ancrés. Et ce pour plusieurs raisons. Il s’agit, nous semble-t-il, d’un roman qui fait de l’œil au lecteur. Attrait d’un texte imposant par son volume, mais pas uniquement. Le fait que le texte dans son entier soit placé sous le signe de la chute du régime n’est pas non plus étranger à son pouvoir d’attraction. Il commence ainsi : « La mémorable année de la chute du fameux mur de Berlin »4 (HP, p. 15). L’essentiel de l’intrigue se déroule pourtant avant 1989, puisque l’action s’étend des années 1930 au début des années 1990, en Allemagne et en Hongrie. Le roman semble, à première vue, répondre aux attentes du lectorat occidental telles qu’elles sont décrites par Danilo Kiš dans Homo poeticus : « excès, couleur locale ou pamphlet politique ». La réception française fait état de cet horizon d’attente, parfaitement rempli. Il suffit de rapporter ici quelques titres d’articles : « Coïtus infinitus » dans le quotidien Libération, « Un roman démentiel et hypersexuel » dans Les Inrockuptibles, « Un monstre venu de Hongrie » sur le blog de Pierre Assouline5, « Péter Nádas et le roman de la terre d’érection » dans Mediapart, « Histoire d’un livre : L’ascète hongrois et son orgiaque chef-d’œuvre » dans Le Monde des livres, « L’Homme, cette bête puante » dans la Quinzaine littéraire. Partout Histoires parallèles a été reçu comme un roman de l’excès : nombre de pages, nombre de personnages, multiplication des fils de l’intrigue, et même nombre de caractères par pages (3 500 pour information, Maurice Mourier avoue dans son article paru dans La Quinzaine littéraire les avoir comptés), quasi vingt ans d’écriture, deux traducteurs, foisonnement des scènes de sexe — dont une qui dure plus de cent vingt pages et que Péter Nádas a lue lors du discours inaugural qu’il a prononcé à l’Académie hongroise des sciences en tant que membre de l’Académie Széchenyi des arts. Un roman de l’excès, un roman sulfureux et un roman qui vient de l’Est : voilà une recette conforme à ce que Kiš dénonce, mais à laquelle éditeur et presse souscrivent. Ainsi, le « chef-d’œuvre » de Péter Nádas, tel qu’il est présenté par l’éditeur6 et la presse française (à laquelle nous nous limitons ici), a tout pour faire un tabac. Pourtant, il n’est pas certain que la lecture de ce roman soit partagée, et Plon a cédé ses droits à Antoine Jaccottet, au « Bruit du temps ». Péter Nádas ne se vend guère. Pourquoi, puisque tous les ingrédients semblent s’y trouver ?

Nous notons d’ores et déjà l’ambivalence d’un livre a priori « sexy » qui pourtant ne rencontre pas le succès escompté en France. L’auteur lui-même, dans un long entretien publié à la suite de l’édition hongroise, confie son refus de guider le lecteur dans sa lecture, ne lui ayant pas, selon ses propres mots, « fait de cadeau » (Nádas, 2005, notre traduction). La structure interne du roman est beaucoup plus complexe que celle du Livre des mémoires, car le souhait de Nádas dans Histoires parallèles était de mettre au jour « les liaisons intimes, les liaisons cachées et secrètes que nous n’avons pas l’habitude de voir » (ibid., notre traduction). Enfin, la consolation de la perte de l’autre par le trop-plein qu’évoque Camille de Toledo aurait pu être assurée par un roman si abondant. Pour autant, c’est exactement le contraire que provoque la lecture d’Histoires parallèles ; l’expérience du lecteur est celle d’un funambule, ce que Péter Nádas explique d’ailleurs en partie du fait que le roman a été écrit après la chute du régime, dans des conditions radicalement différentes des autres romans — conditions nouvelles qui lui ont permis de prendre distance avec la démarche éthique qu’il jugeait naguère indispensable, pendant la dictature : « On passe d’une vision collective à une vision individuelle, dans le sens où, dans les précédents romans, j’étais immergé dans un désir de liberté collective. Dans ce travail, par contre, je suis sorti des obligations éthiques. » (ibid., notre traduction)

Lire Histoires parallèles, si nous reprenons les termes utilisés par Camille de Toledo, c’est marcher sur « le fil entre la mémoire et l’oubli » (Toledo, 2009, p. 132), excluant toute possibilité de consolation, pour éprouver par-delà « les langues et les récits identitaires le vertige de la perte » (ibid., p. 139). C’est un roman fascinant, un roman de l’altérité tout autant que de l’intimité, qui conduit le lecteur occidental, ou ex-occidental, à faire la paix avec l’autre, avec la part d’altérité que comprend l’Europe, et qui nous constitue, chacun d’entre nous, au plus intime.

1.  Des histoires pour parler de l’histoire : un roman de l’altérité

À chaque fois, ou presque, qu’un journaliste a écrit sur Histoires parallèles, il a expliqué qu’on ne pouvait pas résumer le roman. C’est bien regrettable, car les histoires que Péter Nádas raconte sont essentielles dans la mesure où elles construisent une dynamique de lecture efficace ; ce qui n’a sans doute pas été assez dit ni écrit. Différents fils associent le lecteur à l’intrigue qui se tresse, et l’amènent à essayer de comprendre, à établir des liens entre les personnages, ou les époques. Il n’est pas exagéré de dire qu’Histoires parallèles, malgré sa masse et son apparente difficulté, tient son lecteur en haleine. L’intérêt est sans cesse relancé par des effets d’annonce, par des ruptures au milieu d’une action. Le lecteur ne boude pas son plaisir, surtout lorsque les pièces du puzzle s’emboîtent, dans des pages d’une très grande clarté romanesque qui arrivent comme une récompense offerte à celui qui a fait confiance.

Péter Nádas joue avec diverses traditions romanesques — celles du roman de famille, du roman d’espionnage ou encore du roman policier. Fils abandonnés, mères qui tombent amoureuses d’autres femmes et qui abandonnent leur famille, infidélités, souffrances, sexe, filiations cachées, espions et agents doubles, meurtres, mission secrète, autant d’ingrédients du romanesque qui nous entraînent dans la lecture d’un roman-fleuve auquel le Danube, qui coule tout au long des 1 135 pages, donne une unité, mêlant et liant les personnages et les époques.

Plusieurs fils peuvent être suivis, et chacun des lecteurs empruntera son chemin propre. Et parmi ces fils, l’un semble les rassembler tous : Histoires parallèles peut être lu comme un roman de victimes — des victimes politiques ou historiques comme les Juifs, les opposants, les traîtres ou encore les Tsiganes, mais aussi des victimes de l’ordre social et des victimes de classe. Le personnage de Gyöngyvér, dont l’enfance est racontée par bribes, principalement au cours de l’acte sexuel qui l’unit à Ágost, en est un bon exemple. La relation même qu’elle tisse avec Ágost est révélatrice de sa situation de victime, et du désir de revanche sociale qui lui est inhérent. Ágost la méprise pour ce qu’elle est socialement, la rangeant définitivement du côté des « larbins »7 (HP, p. 216). La haine sociale dans Histoires parallèles est intimement liée au sexe : Mme Erna, la mère d’Ágost, déteste la fiancée de son fils tout en éprouvant pour elle une très forte attirance, voyant en elle le fantôme de sa fille déportée, qu’elle n’a jamais revue. Tout est dans tout dans Histoires parallèles, et sa lecture sait mettre au jour avec limpidité la confusion absolue des sentiments et des sensations, jamais distincts les uns des autres.

Le sexe devient le lieu du plaisir et de la haine tout à la fois, de l’excès en tout cas. Souvent la barbarie historique se lit en surimpression de l’acte sexuel. Ágost confie avoir éprouvé, dans sa chair même, la haine de l’autre, du fait du mariage de ses parents — ce que traduit une réflexion que son père, le professeur Lehr, adresse à son épouse : « tu m’as pondu deux enfants juifs et il faudrait maintenant que j’en subisse les conséquences »8 (HP, p. 237). L’enfance d’Ágost se rejoue ainsi dans le sexe forcené, et dans l’humiliation de l’autre. Sexe et Histoire se mêlent au fil du roman dans un mélange de fascination et de répulsion :

Mintha a világot beborító éjszaka legmélyéről mászna elő rettenetes fogsorával. Egy pokolbéli jel, amelyre eddig alig figyelt. Égi jel. Csúsztak, alámerültek egymásban a tagjaik. A nyelvükkel, a széttáruló ajkaikkal, a fogukkal és az ínyükkel araszoltak egymásban előre, s nem csak kerestek, megtalálták, bár nem tudták volna megmondani, mit. (Párhuzamos történetek I, p. 398)

On aurait dit que, du plus profond de la nuit noire où le monde sombrait à présent, la gueule se profilait, armée de terribles crocs. Comme un signe jusque-là méconnu de l’enfer. Un signe céleste. Leurs membres au creux les uns des autres glissaient, s’abîmaient. De la langue, des dents, des gencives, à pleines lèvres ils s’arpentaient, se fouissaient les chairs et non contents de chercher ils trouvaient quoi au juste ils n’auraient su le dire. (HP, p. 285)

Aussitôt après, c’est le siège de Budapest qui est évoqué, sans transition aucune :

Az Újlipótváros házait Budapest ostromának idején szerencsésen elkerülték a nagyobb légitámadások, alig érték igazi tüzérségi telitalálatok, bár a heves utcai harcokban az erkélyekkel, loggiákkal és télikertekkel tagolt homlokzatok nem maradtak sértetlenek. (Párhuzamos történetek I, p. 398)

Lors du siège de Budapest, les principales attaques aériennes avaient heureusement épargné les immeubles de ce quartier d’Újlipótváros, de même les pilonnages d’artillerie, mais les violents combats de rue avaient marqué de leur sceau les façades ponctuées de balcons, de loggias et autres jardins d’hiver. (HP, p. 285)

Victimes, les personnages le sont donc aussi sur le plan sexuel, tout particulièrement les femmes et les homosexuels. Péter Nádas décrit une société phallique et guerrière. Hérité de la Première Guerre mondiale, le « culte de la virilité9 » (HP, p. 337) est omniprésent dans le roman où les hommes doivent être forts et puissants, et c’est en partie ce « culte de la virilité » qui conduit les hommes à celui de la pureté de la race et à l’eugénisme. Nous relevons, du reste, la fascination de Von der Schuer pour cette société d’hommes ayant fait la guerre ensemble, réunis désormais par « une alliance scellée en secret dans le sang ; l’avenir de la nation pouvait être confié au contenu de leurs bourses »10 (HP, p. 694). Les enfants en sont victimes, en tout cas ceux chez lesquels les parents ont détecté une tare et qui ont été confiés à l’orphelinat de Wiesenbad, un laboratoire de travail sur la race. Enfin, les scènes homosexuelles sont d’une densité et d’une cruauté frappantes. Les personnages sont victimes au sein de l’intimité même, dépositaires d’une identité brisée, en proie le plus souvent à une haine viscérale de soi liée à une structure bipartite. Citons par exemple ce propos de Kristóf, déchiré entre son « moi bestial » et son « moi sentimental » :

Nem elég, hogy zsidónak születtem, nem elég, hogy árva vagyok, még buzi is legyek. […] Legalább zsidónak született volna, de az édesanyja a lehető legkatolikusabb családból származott. Legalább árva lehetett volna, hiszen a zsidó apját tényleg agyonverték a kommunisták, a kommunista elvtársai, ám az anyja egyszerűen elhagyta a saját édesgyermekét. (PT II, p. 22)

Non content d’être juif de naissance et orphelin de surcroît, il faut en plus que je sois pédé. […] Si au moins il avait pu se dire juif, mais non, sa mère venait d’une famille catholique en diable. Si au moins il avait pu se prétendre orphelin, car les communistes, les camarades communistes avaient battu à mort son Juif de père, mais non, sa mère n’avait qu’abandonné, rien de moins, le cher fruit de ses entrailles. (HP, p. 345-346)

Des relations s’élaborent entre les personnages de victimes, associés par des motifs ou des événements. Pour le lecteur, tisser des liens entre les personnages, c’est aussi entrer dans une relation d’empathie avec eux, principe cher à Péter Nádas lorsqu’il écrit son roman. La lecture devient alors une expérience de l’altérité, une confrontation à l’autre qu’il faut intégrer à sa propre expérience, de la même manière que chaque personnage doit faire sienne, et même littéralement incorporer, une partie de soi qui lui est étrangère, voire hostile. Le lecteur d’Histoires parallèles est ainsi un lecteur en danger, un lecteur funambule, évoluant sur le fil entre mémoire et oubli, entre Est et Ouest, entre désir et répulsion pour les personnages mais aussi pour le roman.

2.  Portrait du lecteur en funambule : la réconciliation par le vide

Péter Nádas n’hésite pas à mettre son lecteur en difficulté, expérience qui ressortit au projet même d’un livre qui évoque la confrontation à l’autre et la nécessité de l’intégrer, pour une meilleure connaissance de soi. Notons que l’auteur exige de son lecteur une lecture analogique, aux dépens d’une lecture causale :

[…] j’ai construit des liens entre des hommes, des actions et des périodes différents. […] J’ai dit qu’il y avait entre les hommes des influences fortes et directes, lorsque A a influencé B, mais ne connaît pas C, que B a pourtant influencé, et donc A agit sur C à son insu. La relation de cause à effet s’efforce toujours d’en rester à l’uniformité, à l’équivalence, moi, au contraire, j’ai essayé de ne pas dissimuler la polysémie des choses. Et dans tous les cas, cela aboutit à des structures qui ne rentrent pas dans la causalité. Naturellement, la cause ne manque pas, mais elle n’est pas là où on l’attend. (Nádas, 2005, notre traduction)

Cette lecture analogique nécessite un effort de mémoire important, d’autant plus que le roman est long et que l’intrigue se démultiplie. Les scènes de reconnaissance sont emblématiques de la nécessité de construire des ponts au cours de la lecture, d’établir des analogies. La caractérisation des personnages ne facilite pas le travail du lecteur. Presque systématiquement un personnage apparaît dans une action ou dans une relation à un autre personnage avant d’être désigné ou nommé, quelques pages plus loin, le plus souvent dans d’autres circonstances. En outre, nous passons sans transition ni connecteur logique d’un personnage à un autre. Ces derniers voyagent d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre. Ainsi le roman est-il un enchevêtrement complexe d’énonciations, d’époques et de lieux différents. Des jeux d’échos et de doubles conduisent le lecteur à confondre les personnages entre eux. Les titres des chapitres contribuent, eux aussi, à ce phénomène de brouillage : ils sont disséminés dans le corps du roman, mais dans d’autres chapitres, sans aucun ordre chronologique. L’intrigue policière ou l’intrigue du roman d’espionnage sont déceptives : aucune enquête n’a besoin d’être résolue, si ce n’est l’enquête absolue, celle que chacun doit mener lui-même et sur lui-même.

Or c’est à condition d’accepter de mener sa propre enquête que le lecteur ne perdra pas le fil. Libre à lui de construire une lecture qui lui soit propre, au fur et à mesure de sa progression dans le roman, marche difficile que l’on peut corréler au motif du pied – un des fils que l’on peut tirer pour établir des liens entre les personnages et qui nourrit la lecture analogique. Par exemple, les souvenirs de la déportation de Mme Szemző trouvent leur expression dans le recours fréquent au motif du piétinement, sont en quelque sorte inscrits dans ses pieds :

Amikor már ott vannak, elkerülhetetlenül az örökösen helyezkedő és topogó lábfejek közé kerültek, beszorulva, miként tipornak ki az élők minden folyékonyat a vagonok hézagos padlatán, vért, vizeletet, szemgolyót, bélsárt és még a velőt is.
Néhányan igyekeztek ugyan, de végül is nem tudták a kiáltásaikkal megszervezni, neki magának sem volt egy idő után hangja, hogy ne így legyen.
Maga elől kellett elhallgatnia, hogy a pokoli melegben és hangzavarban mások lábával együtt, napokon át mit tett a lába. (PT II, p. 159)

À peine entrés, ce flot de pieds qui pousse et piétine tout en permanence les happait aussitôt, ainsi que les pieds des vivants pressaient tous les fluides contre le plancher disjoint des wagons, sang, urine, globe oculaire, contenus d’intestin, et cervelle, même.
Certains tentaient certes d’intervenir, mais en fin de compte n’arrivaient à rien au moyen de leurs cris, elle-même, au bout d’un moment, n’avait plus eu de voix pour s’égosiller.
Elle devait taire en elle-même ce que ses pieds, comme ceux de tant d’autres, avaient pu commettre des jours durant, dans ce tumulte et cette chaleur d’enfer. (HP, p. 444)

Gyöngyvér, à laquelle Mme Szemző loue une chambre, ignore tout de ce qui s’est passé à l’endroit où elle habite, de cette nuit où les Croix fléchées ont ouvert tous les robinets et jeté par la fenêtre tous les meubles. Pourtant, le souvenir de ce qu’elle ignore se transmet par « la plante de ses pieds nus »11 et c’est le bois du plancher qui permet une « très nette perception de l’histoire » : « Il existait en ce monde une infinité d’enchaînements de cause à effet, lesquels, quoique insondables et comme étanches les uns aux autres, n’en restaient pas moins perceptibles »12 (HP, p. 451).

Le chapitre suivant s’ouvre sur la déambulation d’un personnage masculin, probablement Kristóf, lui aussi victime de l’histoire : il médite sur les conséquences de l’Histoire sur la ville et réfléchit aux premiers commerces ouverts après les bombardements :

S ha az embernek valami egyáltalán még az eszébe jutott, akkor inkább az érte meglepetésként, hogy mi mindent meg nem úszott.
S az ilyen futó érzésektől olykor hihetetlenek lettek a saját lépteim. Nem volt égeszen valószerű, hogy az egyik helyről a másik helyre elmegyek a lépteimmel. (Párhuzamos történetek II, p. 191)

Et dans de rares sursauts de conscience, on découvrait, plutôt abasourdis, l’ampleur des dégâts.
Sous le coup de ces impressions fugitives, mes propres pas, parfois, devenaient improbables. Que mes pieds me portent d’un endroit à un autre ne me paraissait pas tout à fait vraisemblable. (HP, p. 468)

Enfin, le rituel autour du lac auquel se livre à la toute fin du roman le jeune David, le petit-fils du pasteur, est également lié au motif du pied, de la mémoire de la sensation, de l’analogie comme principe de lecture, et apporte à l’ensemble du roman un éclairage intéressant :

Most ebbe kellett belelépnie, hogy a nedves homok ne igya vissza, ne nyelje el örökre önmagában az előző lépteit. Pontosan a maga nyomába lépett, egészen pontosan; oly erős volt e különös szenvedély, a halványodó nyomokban folytatni az útját a kerek tó körül, hogy talán soha nem vétette el.
[…]
Nem volt ez játék. Meséje sem több, mint egy számokkal elvégzett műveletnek.
Semmi másra nem ügyelt, mint hogy lépte pontosan fedje előbbi lépteit. Így vált minden lépés izzó tökéletlensége a nedves homokon véglegessé.
A nyomok mélysége és a saját tökéletlensége között közvetlen volt a kapcsolat.
[…]
Nem tudta abbahagyni vagy bármiként föladni e rituális vállalkozást.
Hideg, tiszta ittasság lett belőle, mely eltüntette a tudatából a kezdet és a vég képzetét.
Mocskos vizű tavacskákban cuppogott. (PT III, p. 656-657)

Il devait alors remettre ses pas dans ses pas, afin que le sable humide ne les absorbe, ne les engloutisse plus si vite. Exactement, très exactement, il fallait que chacun de ses pas épouse le contour évanescent des traces antérieures, et jamais, peut-être, il ne tombait à côté, pas le moindre faux pas, tant le possédait son étrange passion pour ces tours en rond sitôt faits, sitôt à refaire.
[…]
Ce n’était pas un jeu. Rien qu’une histoire de problème mathématique à résoudre grâce au calcul.
Seul lui importait l’ajustement parfait de son pied nu dans la trace antérieure. De sorte que l’imperfection de chacun de ses pas dans le sable mouillé en devenait criante, indélébile.
La profondeur des empreintes entretenait un lien direct avec sa propre imperfection.
[…]
Il ne pouvait en aucune manière couper court ou renoncer à ce cérémonial.
Il en découlait une ivresse pure et froide, dont l’emprise effaçait de sa conscience toute idée de début et de fin.
Les empreintes, à force, viraient au bourbier. (HP, p. 1071-1072)

L’Histoire s’inscrit dans le corps et le corps lui-même devient Histoire, comme dans cette scène stupéfiante de l’arrivée des chars russes en 1956, à laquelle assiste Kristóf :

Ez a dübörgés és reszketés még erősödött is, mert a tankok sikoltozó csikordulásokat hallatva fordultak rá a Margit híd följáratára, s immár az egész hídszerkezet reszketett. A talpában érezte az ember a hidat. Van egy városom, városomat egy folyó kettészeli, s érzetté változott át az ismerős híd. A híd reszketését átvette a hídfő, a hídfő reszketésébe beleremegtek a hídfő házainak tömbjei, s a hátamon is éreztem a reszketést. Olyan volt a reszketés, hogy az ember nem gondolt semmire, legfeljebb a saját testének reszketését figyelte. (PT II, p. 236)

Et ce grondement, ce tremblement, redoublèrent encore car les tanks s’engageaient à présent sur la rampe du pont Marguerite, dont toute la carcasse vibrait déjà. On le sentait sous nos pieds. J’ai ma ville, ma ville à moi, qu’un fleuve sépare en deux, et le pont familier se mue en pure sensation. La tête de pont répercute le tremblement d’ensemble, au pied du pont, les blocs d’immeubles en tremblent à leur tour, d’un tremblement que je sens parcourir mon échine. Si fort qu’on ne pensait à rien, tout au plus attentif au tremblement de son propre corps. (HP, p. 500)

Au cours d’une discussion avec Pierre Pachet aux VIe Assises internationales du roman (28 mai-3 juin 2012), Péter Nádas explique que le livre montre « des instants où les événements historiques s’intériorisent, s’inscrivent en [lui] sans qu’[il] le veuille et sans qu’[il] en garde de souvenirs précis » (Nádas dans Les Assises…, 2012). Dans cette perspective, il est pertinent d’évoquer un autre texte de l’auteur, écrit après un infarctus — expérience de la presque-mort qui interrompit l’écriture d’Histoires parallèles : La Mort seul à seul. À chaque page, en regard du texte de Nádas, se trouve une photographie d’un immense poirier sauvage, prise à des moments différents au cours de l’année, sans fil chronologique établi. L’auteur retrace dans ces pages, et par ce travail visuel, son expérience de la presque-mort. Certains points de cet ouvrage peuvent éclairer l’écriture d’Histoires parallèles quant au rapport au corps et à l’unité, mais également au temps et à l’espace :

[…] Tudom, hogy most halok meg. […] De nem is felejtek. Még leginkább azt lehetne mondani, hogy kinyílik az emberi időszámítás, de egyszerre nyílik előre és visszafelé. A halál jelenének nincsenek többé sem térbeli, sem időbeni határai. Tudom, hogy mi fog történni, ha akarom, akkor láthatom, hogy mi történik, és jól tudom, hogy mi törtent.
Emlékezetem teljességét élem át, s ugyanezt teszi velem a térérzékelés. […] Az időtlenségben nincs helye a felejtésnek. Jobb híján erre szokták mondani, hogy halála pillanatában visszapergeti magában élete eseményeit az ember. Őszintén szólva nem perget vissza semmit. De végre tisztán látja át, hiszen az időtlenségben az emlékezésnek sincs helye. Egy életen át nem értette, mert a lelket és a testet soha nem látta egyben. (Nádas, 2002, p. 203-205)

[…] Je sais que je vais maintenant mourir. […] Mais je n’oublie pas pour autant. S’il faut en dire davantage, ajoutons surtout que l’humaine temporalité en vient à s’ouvrir, mais dans les deux sens à la fois, futur et passé. Le présent de la mort ne connaît plus nulle borne dans l’espace ni le temps. Je sais ce qui va se passer, ce qui se passe, je puis le voir si je veux, et je sais bien ce qui s’est passé.
Comme pour ma perception de l’espace, je vis la plénitude de ma mémoire. […] Dans l’intemporalité, pas de place pour l’oubli. Faute de mieux, on a coutume de dire qu’on voit alors défiler à rebours les événements de sa vie. À parler franchement, rien ne défile du tout. Mais on les voit enfin en toute clarté, car dans l’intemporalité, pas de place non plus pour la mémoire. Sa vie durant, on ne comprenait pas, car jamais encore on n’avait vu l’âme et le corps s’unir en un tout. (Nádas, 2004, p. 203-205)

La réconciliation entre les différentes parties de soi est rendue possible par l’expérience de la presque mort, qui bouleverse les rapports de l’individu au temps, à l’espace et au corps. Cette question de la réconciliation éclaire l’ensemble du roman Histoires parallèles. L’altérité qu’il faut faire sienne au cours de la lecture est sans doute celle qui hante la Hongrie dans les périodes que Péter Nádas représente : la place des Juifs et la montée des extrémismes en Europe, la mise en cause de l’assimilation hongroise dont le couple de Mme Erna et du professeur Lehr est emblématique, l’altérité au sein de la Hongrie même (à cet égard, le complexe de Madzar, dont la mère est souabe, est intéressant), le rapport entre la Hongrie et l’Allemagne et, plus profondément peut-être, l’altérité intime qui découle de ces clivages, cette scission de l’identité évoquée précédemment, qui s’incarne et se fait chair. Et si Péter Nádas dit abandonner toute intention éthique avec ce roman, préférant sonder l’intime, il semblerait que ce soit précisément la place accordée à l’intime qui donne à l’œuvre sa portée éthique. La réconciliation se fait limpide, à la toute fin du roman, avec le chapitre consacré aux Tsiganes : l’apaisement entre les hommes y appelle à penser la réconciliation grâce à un peuple qui vit, des propres mots de Nádas, dans une temporalité autre, dans un rapport différent à la nation et à l’Histoire, dans une Europe peut-être qui échappe au clivage13. Alors qu’Histoires parallèles a tout d’un roman de l’Est, et qu’il est bien davantage, et paradoxalement, reçu en Hongrie comme un roman de l’Ouest, il se révèle être un roman intimement européen, par la réconciliation à laquelle il nous convie, non en nous consolant par un trop-plein de mémoire, mais en nous invitant à un exercice de funambule qui met, de manière périlleuse certes, mais définitive, fin au clivage.

Bibliographie

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TSEPENEAG Dumitru (1975), « Éditorial », Cahiers de l’Est, nº 1, Paris, Albatros.

Notes

1 Le dramaturge s’étonne : « Cela voulait-il dire que l’Est était sexy quand il n’était pas sexy ? Quand il se débattait sous le joug stalinien ? Et qu’il ne l’est plus aujourd’hui qu’il essaye de le devenir au sens occidental du terme ? ».

2 Cette réflexion a été élaborée lors de journées d’étude organisées à l’INALCO, dans le cadre d’un partenariat CERLOM et CREE – CERILAC (Paris 7), organisées par Piotr Bilos, Catherine Coquio et Frosa Pejoska, les 10 et 11 juin 2014 et intitulées « L’Europe désorientée ou “sexy” ? Questions sur l’Europe littéraire après l’Ouest et l’Est ».

3 Nous recourons à la terminologie Est/Ouest pour cette étude, malgré ses évidentes limites.

4 « Még abban az emlékezetes évben, amikor a híres berlini fal leomlott […]. » (PT I, p. 11).

5 La page du blog de Pierre Assouline « La République des Livres » consacrée à Histoires parallèles, parue le 13 mars 2012 et ainsi intitulée, n’est désormais plus accessible. Son contenu a cependant été repris par l’auteur, sous une forme quelque peu modifiée, dans le Dictionnaire amoureux des Écrivains et de la Littérature (Assouline, 2022, p. 579-583).

6 C’est exactement sur ces aspects que nous venons de souligner que l’éditeur met en effet l’accent : « Chef-d’œuvre de Péter Nádas — dix-huit ans d’écriture, plus de cinq ans de traduction, une centaine de personnages, tout à la fois chaos total et structure absolue —, Histoires parallèles faisait scandale en Hongrie avant même sa publication et paraît à présent dans le monde entier » (présentation d’Histoires parallèles sur le rabat de couverture de l’édition française, disponible aussi sur le site www.lisez.com, plateforme du groupe Editis).

7 « a cselédek » (PT I, p. 299).

8 « Az apánk az asztalnál egyszer azt találta mondani, szültél ide nekem két zsidógyereket, és most én viseljem a konzekvenciáit » (PT I, p. 328).

9  « a férfiasság kultuszára » (PT II, p. 10).

10 « […] mint egy titokra felesküdött vérszövetség tagjai; ágyékuk tartalmára rá lehetett bízni a nemzet jövőjét. » (PT III, p. 106).

11 « Mezítelen talpa » (PT II, p. 169).

12 « Számtalan oksági láncolat létezett a világban, s ezek nem voltak egymás számára beláthatóak, de nem maradtak egymás számára érzékelhetetlenek sem » (id.).

13 Il y a sans doute, dans la représentation du Tsigane à la fin d’Histoires parallèles, des accents romantiques, presque hugoliens, voisins de ceux de La Légende des siècles, et une manière oblique de parler de la Shoah, ce qui pourrait donner lieu à une autre étude.

Citer cet article

Référence électronique

Gabrielle Napoli, « Histoires parallèles de Péter Nádas : un roman européen et sexy », Atlantide [En ligne], 15 | 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 09 octobre 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=863

Auteur

Gabrielle Napoli

Critique littéraire pour le journal en ligne En attendant Nadeau, Gabrielle Napoli fait aussi partie de la rédaction de la revue de littérature contemporaine La Femelle du Requin. Docteure en littérature comparée, elle enseigne les lettres et la philosophie en classes préparatoires.

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