Interférences thématiques et génériques dans les prologues des chansons de geste et autres œuvres narratives en vers

DOI : 10.56078/atlantide.1585

Riassunti

Le prologue est une partie du texte où les topoï et les références intertextuelles sont particulièrement denses. Ils sont le résultat de l’inertie de la mémoire, mais ils peuvent aussi suggérer des liens conscients entre un texte et un autre du même genre ou entre textes de genres différents. Les prologues des chansons de geste, des romans et des autres œuvres médiévales en vers entremêlent notamment des échos et des références à d’autres textes esquissant un réseau de liens qui explique aussi leur fortune et suggère que les écrivains médiévaux, au-delà de la reprise répétitive de topoï de la tradition rhétorique et jongleresque, avaient une connaissance mutuelle les uns des autres. Ils révèlent une série d’allusions et d’échos entre des œuvres de genres différents, dans lesquelles on reconnaît une sorte de dialogue à distance. L’identification de ces échos contribue à une lecture plus consciente et constitue l’une des raisons de l’intérêt qu’ils ont suscité au Moyen Âge et qu’ils continuent peut-être à susciter aussi dans les temps modernes.

Thematic and generic interferences in the prologues of chansons de geste and other narrative works in verse : The prologue is a part of the text in which topoï and intertextual references are particularly dense. They are the result of the inertia of memory, but they can also be suggestive of conscious links between one text and another of the same or different genres. The prologues to the French chansons de geste and other narrative works in verse in the Middle Ages specifically intertwine both echoes and references to other texts thus prefiguring a network that also accounts for their fortune and suggests that medieval writers, beyond the repetitive revival of previous topoï of the rhetorical and popular vernacular tradition, hint at a mutual knowledge of one another. They reveal a series of allusions and echoes in works of different genres in which a sort of dialogue is to be recognized. Its identification contributes to a more conscious reading and is one of the reasons for the interest they aroused in the Middle Ages and perhaps still arouse in modern times.

Struttura

Testo completo

L’étude des prologues des textes médiévaux en général, et plus particulièrement la comparaison entre les prologues des textes anciens-français en vers, peut d’une part apporter une compréhension majeure de la relation entre des catégories narratives et des genres différents, et d’autre part contribuer à mieux définir le rôle et le statut discursif des prologues. Les affinités thématiques qui se propagent d’un prologue à l’autre témoignent d’une « circulation » et d’une « hybridation » qui amènent à une réflexion sur la notion problématique de genre littéraire au Moyen Âge (sur la question des genres médiévaux et de la chanson de geste en particulier, voir entre autres Moran, 2018, et Suard, 2018).

Nombre d’aspects importants des prologues concernant la poétique, la rhétorique, la mentalité médiévales, etc., ont été mis en relief séparément en relation avec les prétendus « genres » littéraires d’appartenance : prologues des chansons de geste (Gsteiger, 1959 ; Martin 1987), des romans (Gallais, 1964 ; 1970 ; Badel, 1975), des textes lyriques (Dragonetti, 1964), des genres brefs (Lagorgette, 2001), des chroniques et des textes historiques (Marchello Nizia, 1984 ; Croizy Naquet, 2001 ; Bratu, 2015). Aux études spécifiques s’ajoutent des observations, des réflexions et des analyses particulières insérées de manière parfois éparse dans des recherches différemment orientées.

Par ailleurs, bien que dans une moindre mesure, des études comparées n’ont pas manqué entre prologues de catégories narratives différentes (Baumgartner, 1984 ; Menegaldo, 2016 ; etc.). C’est une direction de recherche qui mérite d’être approfondie afin d’identifier les coïncidences et les différences, les convergences et les interférences, ainsi que les correspondances qui entrent en jeu dans la construction du prologue, pour mieux apprécier sa fonction et les aspects constitutifs qui du point de vue thématique et lexical, morphologique et syntaxique, métrique et stylistique en font un observatoire privilégié pour le discours sur les contacts et les rapports réciproques qu’entretiennent les genres littéraires au Moyen Âge (cf. Moran, 2018 ; Suard, 2018 ; Baumgartner, 1984). Dans les prologues, les topiques des différents genres entrent en relation mutuelle et, en adaptant la formule de Weinreich, « langages in contact » (Weinreich,1953), on pourrait parler de « genres en contact », par l’utilisation qu’ils font de thèmes, de motifs, d’images, de formules, de types et de clichés.

1. Fonctions et propriétés du prologue

Par sa position importante au début d’un texte, « li prologues est sires et princes de tot le conte » (Brunetto Latini, 1975, p. 335). Il sert non seulement à attirer l’attention du public et à orienter la lecture d’un texte mais, mieux que d’autres parties, il se prête à être mémorisé et retenu par cœur. Dans l’ensemble on peut lui attribuer des fonctions d’allusion, de citation et de « mémorabilité », qui ont été reconnues comme propres à l’incipit au sens strict du terme (Conte, 1974, p. 10 ; Zumthor, 2000, p. 117).

Le prologue est la partie d’une œuvre dans laquelle il est possible de reconnaître des traits de similitude avec des œuvres de genres différents, comme le genre épique ou le roman, et d’entrevoir des aspects d’affinité mutuelle. Comme représentation emblématique de cette situation d’échanges et de reprises, on pourrait envisager les débuts de la Chanson de Roland et de l’Yvain de Chrétien de Troyes. Même si elles ne dépendent pas l’une de l’autre, ces deux œuvres, épique pour la première, romanesque pour la seconde, fixent de manière paradigmatique le nom de Charlemagne dans un cas, et celui du roi Arthur dans l’autre, dès le début de l’œuvre. Aux premiers vers de la Chanson de Roland « Carles li reis, nostre emperere magnes et ans tuz pleins ad estet en Espaigne », semblent répondre d’une façon parallèle et spéculaire les premiers vers du roman de Chrétien, malgré une diversité de contenu : « Artus, li boens rois de Bretaingne / la cui proesce nos enseigne / que nos soiens preus et cortois » (Segre, 1989, t. 1, p. 93 ; Poirion, 1994, p. 339). Aux exploits guerriers de Charlemagne s’opposent les enseignements courtois d’Arthur mais la structure syntaxique de démarrage est très similaire.

Lieu de la réflexion de l’auteur et de l’appel au public, lieu de la mémoire et de l’attente, lieu de l’auto-présentation et de l’indication du sujet d’une œuvre, lieu de la polémique et de la poétique, le prologue, dont le nom est parfois interchangeable avec ceux d’incipit, exorde, préambule, prélude, introduction, préface1, invite de manière particulière à l’imitation et à la réutilisation de ses éléments constitutifs, tels que la construction syntaxique, les expressions lexicales, les composantes thématiques.

On pourrait appliquer aux prologues des textes narratifs ce que Paul Zumthor a écrit pour les textes lyriques « très souvent (toujours dans certains genres comme le grand chant courtois), le début du texte en est la partie la plus fortement marquée par l’usage de types bien formalisés » (Zumthor, 2000, p. 117). D’un point de vue général, on pourrait affirmer que dans la partie initiale de n’importe quel texte sont reconnaissables des sources et des réminiscences, des modes allusifs et citationnels, qui renvoient à d’autres textes. Le prologue est ainsi un lieu qui favorise le « dialogue » intertextuel dans ses diverses manifestations (Segre, 1985, p. 86-89)2 et la référence à des auctoritates connues et fiables, garantes de la véracité du récit et de la fiabilité de son auteur. La référence à quelque auctoritas comme artifice qui rattache l’œuvre à une autre ayant valeur de modèle, renforce d’une façon extensive la crédibilité de chaque nouveau texte. Le lien avec une auctoritas peut concerner une source unique ou plusieurs sources dessinant un réseau suggestif de relations et de liaisons intertextuelles, dans le cadre de ce qu’on a défini comme « art allusif » (Pasquali, 1994, p. 275-282 ; Mengaldo, 2015, p. 381-404 ; Mengaldo, 2018, p. 95-109).

Sans oublier la difficulté de distinguer nettement entre phénomènes intertextuels et topoï (Mengaldo, 2018, p. 107), on peut cependant découvrir, dans les textes médiévaux en ancien français, des relations intertextuelles, qui comportent des allusions, des références ou des citations précises, allant souvent de pair avec l’inertie de la mémoire.

De plus la référence directe ou la simple allusion à des éléments d’un texte précédent, célèbre et significatif, identifiables par l’auditeur ou le lecteur, est un moyen d’attirer l’intérêt et l’attention du public.

Le prologue se pense également comme une partie de l’œuvre qui admet des interférences, des contacts et des mélanges entre des éléments de genres littéraires différents, avec des croisements, des hybridations et des références à une auctoritas, garante de la vérité ou de la crédibilité du nouveau texte qui va être commencé3. On reconnait des échos entre textes différents, des allusions plus ou moins discrètes, appartenant au même genre littéraire mais qui peuvent aussi impliquer des genres différents, et donc des chansons de geste et des romans, ou qui laissent deviner des connexions et des combinaisons plus larges entre la chanson de geste, le roman et la poésie lyrique. Dans la reprise intertextuelle des textures expressives, rythmiques et syntaxiques, des liens ou des éléments lexicaux et thématiques identiques s’entrelacent et s’assemblent, permettant de déceler la formation de surprenantes chaînes mémorielles.

2. Motifs et topoï sujets à interférences

2.1. Le motif du catalogage des œuvres antérieures de l’auteur

En raison des influences ou des affinités et des ressemblances entre textes divers que la perspective esquissée permet d’entrevoir, il vaut la peine d’envisager un type de commencement qui n’a pas connu peut-être l’attention qu’il mérite. Il s’agit du prologue qui implique le personnage de l’auteur se livrant à une présentation de son curriculum littéraire. Par là il se relie au modèle de l’exorde pseudo-virgilien de l’Énéide, où l’auteur se présente par une récapitulation périphrastique allusive aux œuvres qu’il a lui-même composées auparavant, et qui lui donnent une autorité d’écrivain :

Ille ego qui quondam gracili modulatus auena
carmen, et egressus siluis uicina coegi,
ut quamuis auido parerent arua colono,
gratum opus agricolis, at nunc horrentia Martis
arma uirumque cano, Troiae qui primus ab oris
Italiam fato profugus Lauiniaque uenit
litora.

[Moi qui jadis modulai mon chant sur un frêle pipeau et qui sortant de bois contraignis les campagnes voisines à se plier, tout avide qu’il fut, à leur cultivateur, poème dont les agriculteurs me savent gré – voilà que maintenant je chante la guerre et celui qui, exilé prédestiné (tout a commencé par lui), vint des parages de Troie, en Italie, à Lavinium, sur le rivage (Virgile 2013, p. 20-21)].

Alors que cette structure de prologue semble manquer dans l’épique médiéval, dans les autres genres narratifs elle trouve sa formulation la plus connue dans le prologue de Cligès de Chrétien de Troyes, qui, avant de commencer son nouveau roman, cite les œuvres qu’il a composées jusqu’à ce moment, témoignant d’une conscience de la propriété littéraire plutôt rare chez les auteurs médiévaux :

Cil qui fist d’Erec et d’Enide,
et les comandemanz d’Ovide
et l’Art d’amors an romans mist,
et le Mors de l’espaule fist,
del roi Marc et d’Ysalt la blonde,
et de la hupe et de l’aronde
et del rossignol la muance,
un novel conte rancomance
d’un vaslet, qui an Grece fu
del linage le roi Artu.
(v. 1-10, Chrétien de Troyes 1994, p. 173)4

À l’instar du modèle pseudo-virgilien, Chrétien fait allusion à lui-même par une périphrase, formée d’un syntagme pronominal (démonstratif + relatif) et d’un verbe indiquant l’acte de composer (« Cil qui fist »). Ensuite, par une coordination syndétique, il dresse une liste de ses œuvres précédentes (pas nécessairement en ordre chronologique), en donnant le ‘titre’ ou en résumant le sujet (Zumthor, 2000, p. 94-95) ; enfin il annonce son nouveau travail.

La même structure formelle mais avec des intentions d’antiphrase est adoptée par Jean Bodel au début de son fabliau De deus chevaus (Badel, 1975, p. 85 ; Menegaldo, 2009, p. 317) :

Cil qui trova del Morteruel,
et del mort vilain de Bailluel
qui n’ert malades ne enfers,
et de Gombert et des deux clers
que il mal atrait en son estre,
et de Brunain la vache au prestre
que Blere amena, ce m’est vis,
e trova le Songe des vis
que la dame paumoier dut,
et du leu que l’oue deçut
et des Deus Envieus cuivers,
et de Barat et de Travers
et de lor compaignon Haimet,
d’un autre fablel s’entremet,
qu’il ne cuida ja entreprendre.
(v. 1-15, Jean Bodel, 1965, p. 149 )5

L’énumération dense et serrée de ses œuvres, presqu’en compétition avec son modèle pour le dépasser, place ce prologue dans une perspective parodique par rapport à celui de Cligès. Le ‘titre-sujet’ des divers fabliaux ou le nom des personnages principaux est suivi dans la plupart des cas par une phrase relative ayant une fonction principalement explicative. Ainsi que Chrétien, Jean Bodel s’exprime à la troisième personne, avec un « effet de distanciation » (Zumthor 2000, p. 85) plus marqué que par rapport au début pesudo-virgilien, avec pour fin de garder un ton narratif plus détaché et plus élevé que l’exemple classique, mais il élargit et amplifie le schéma de son prédécesseur en l’enrichissant de détails qui en change la perspective. Chrétien l’avait utilisé pour citer ses œuvres composées sur un sujet ‘haut’ (Erec et Enide, poèmes d’inspiration ovidienne et tristanienne), Jean Bodel l’utilise plutôt pour citer les sujets de ses fabliaux d’inspiration modeste et même scabreuse : du fabliau du « morteruel » (‘un mélange de pain et de lait’) à celui du vilain de Bailleul, de celui du rêve de membres virils à d’autres fabliaux. Cependant la fonction récapitulative des œuvres d’un auteur dans les deux textes reste à peu près la même. Par le catalogue de leurs titres précédents les deux auteurs soulignent leur habileté de narrateurs avérée et reconnue, qui les rend crédibles et leur donne autorité dans le domaine de leurs genres littéraires respectifs.

Avec un objectif similaire de récapitulation et d’auto-présentation, mais dépourvu du ton de l’antiphrase, le même schéma, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, est proposé par Cléomadés d’Adenet le Roi, qui a poursuivi, presque de façon programmée, le mélange de différents genres littéraires tels que le roman et la chanson de geste (Menegaldo, 2009, p. 311). Adenet se prête donc particulièrement à illustrer les phénomènes d’intertextualité et d’interférence :

Je qui fis d’Ogier le Danois
et de Bertain qui fu ou bois
et de Buevon de Comarchis
ai un autre livre rempris
mout merveilleus et mout divers.
(v. 5-9, Adenet le Roi, 1971, p. 11)6

Dans une séquence plus brève et plus sobre que celles de Chrétien et Jean Bodel, Adenet introduit une note subjective utilisant le pronom à la première personne, » je », comme « ille ego » dans l’incipit pseudo-virgilien, et il fait un éloge plus marqué du sujet qu’il va traiter, un sujet qui n’est pas de caractère épique comme dans ses œuvres antérieures, mais romanesque. Reproduisant le modèle de son célèbre devancier, il inscrit le catalogue de ses œuvres dans un canevas semblable à celui de Chrétien. Il signale ainsi le genre auquel appartient la nouvelle œuvre qu’il est sur le point de commencer et la liaison étroite qu’il veut établir avec son prédécesseur. Comme l’affirme Silvère Menegaldo : « Même s’il est vrai que dès le XIIIe siècle les textes liminaires épiques et romanesques partagent nombre de topiques, et qu’à la même époque les différences entre les deux genres narratifs tendent à s’estomper, y compris chez notre auteur, il n’en reste pas moins que quelques éléments bien précis permettent de distinguer dans quel moule traditionnel Adenet entend se couler. » (Menegaldo, 2009, p. 311).

Le type pseudo-virgilien de début récapitulatif combine la fonction de narrateur (ille) et celle d’auteur (ego). Dans les textes médiévaux est préféré l’une (Chrétien de Troyes, Jean Bodel) ou l’autre (Adenet), mais les deux sont insérées dans des séquences similaires s’inspirant du motif du catalogue d’auteur.

Par ailleurs, dans une perspective différente, l’idée de la liste des matières ou des contenus est exploitée dans les prologues de plusieurs textes soit épiques soit romanesques, où les auteurs ne proposent pas le catalogue de leurs propres œuvres, mais indiquent les œuvres d’autres auteurs par rapport auxquels ils présentent la leur comme détentrice de vérité, et comme mieux composée et rimée que les précédentes. C’est un aspect qui unit la chanson de geste et d’autres récits (cf. Doon de Nanteuil, v. 85-96 ; Richars li biaus, v. 7-28 ; Roman du comte d’Anjou, v. 1-20 ; Miracle d’une none tresoriere, v. 1-22 ; Französische, 1969, p. 15 &p. 75)7.

Tandis que la liste des œuvres d’un seul auteur vise à lui donner une autorité et une crédibilité historique et littéraire, l’allusion ou la liste des sujets ou des œuvres d’auteurs antérieurs a la fonction de souligner la supériorité de l’œuvre nouvelle et la volonté du nouvel auteur de s’inscrire dans une ligne thématique qu’il entend surmonter avec son art. Le premier type de liste vise à démontrer la compétence et l’autorité de l’auteur, le second à vanter la supériorité du nouvel ouvrage sur les précédents.

2.2. Le motif de la source livresque

Les trois auteurs qui utilisent le schéma de prologue récapitulatif n’introduisent pas leur nom immédiatement, mais tout d’abord ils font allusion à eux-mêmes d’une façon indéterminée indéfinie en tant que producteurs de texte et, par conséquent, ils deviennent eux-mêmes des « auteurs », des sources d’autorité. Ce n’est que plus tard qu’ils révèlent leur nom, en tant qu’une autorité à laquelle se référer, et en tant que garant de la crédibilité de la nouvelle composition. Parfois, il y a un mélange d’auctoritates. C’est le cas de Cligès où Chrétien se présente comme un auteur qui engendre l’auctoritas, avec la référence à un livre qui se trouverait dans l’église de Saint Pierre de Beauvais :

Ceste estoire trovons escrite,
que conter vos vuel et retraire,
en un des livres de l’aumaire
mon seignor saint Pere a Biauvez ;
de la fu li contes estrez
don cest romanz fist Crestïens.
Li livres est molt ancïens
qui tesmoigne l’estoire a voire
por ce fet ele mialz a croire.
(v. 18-26, Chrétien de Troyes, 1994, p. 173)8

Excluant le cas plus complexe d’Adenet (cf. Menegaldo, 2009), de manière concise et stéréotypée le motif de la source livresque appartient aux textes épiques (Destruction de Rome, Girart de Vienne, Enfances Guillaume) et il se retrouve dans le prologue ainsi que dans d’autres endroits de la narration, comme le montre déjà la Chanson de Roland (« Co dit la Geste e cil ki el camp fu », v. 2095-2098 ; Segre, 1989, p. 197-198). Mais le plus souvent il apparaît seulement ou principalement dans le prologue avec la référence à un lieu, un livre, une œuvre ou un auteur (cf. Französische Literarästhetik, 1969 ; Baumgartner, 1984 ; Boutet, 1993, p. 31). Comme les formules d’allocution (« entendez, escoutez, Seignor », cf. Béroul, les fabliaux…), il s’agit d’un motif qui d’une manière différente implique la chanson de geste et le roman. Suivant Emmanuèle Baumgartner, qui identifie une perspective de transmission verticale, temporelle de la source dans la chanson de geste et une ligne de transmission horizontale, d’espace dans le roman (Baumgartner, 1984, p. 370-371) cette formule de référence « est rituelle dans la chanson de geste mais également fréquente dans le roman » (Baumgartner, 1984, p. 466). Certes il faut distinguer, comme le fait Menegaldo à propos d’Adenet, entre sources épiques liées à une abbaye (Saint Denis, mais aussi Saint Gilles) et les sources romanesques ou en tout cas des récits non épiques qui renvoient à des sources courtoises, à une cour ou à une bibliothèque épiscopale ou d’une cathédrale (Beauvais, Saint Edmond...). Dans les deux cas, avec la référence à la source l’auteur vise à souligner la vérité du récit et son authenticité. Ainsi que Chrétien de Troyes, d’autres auteurs exploitent plus généralement ce « cliché »9 comme une forme de déclaration par laquelle l’auteur-écrivain se présente comme un garant de la validité de la nouvelle œuvre qu’il va écrire.

Compte tenu de son importance dans le contexte de la littérature française d’oïl, il n’est pas étonnant de voir que l’œuvre et le nom de Chrétien constituaient un point de référence et qu’il est qualifié d’auctoritas par d’autres écrivains médiévaux : tels par exemple Raoul de Houdenc, qui cite Chrétien indirectement à plusieurs reprises (Songe d’Enfer), Huon de Méry, qui à son tour cite Chrétien et Raoul (Tournoiement, v. 22, 2139, 2601, etc.), l’auteur anonyme de Humbaut (« Les bons dis Crestien de Troies ») ou celui du Miracle d’une none tresoriere qui définissent l’habileté de Chrétien de Troys (« et Crestiens qui molt bel dit »)10.

La filiation avec Chrétien est illustrée de façon significative par le prologue de la Mule sans frein de Païen de Masières. De ce prologue ressortent des affinités précises et des parallèles éloquents avec celui d’Erec et Enide de Chrétien de Troyes. Les deux romans commencent par une citation gnomique des Proverbes au vilain :

Li vilains dit an son respit

que tel chose a l’an an despit

qui mout valt mialz que l’an ne cuide.

(Erec et Enide, v. 1-3, Chrétien, 1994, p. 3)

Li vilains dit en reprovier

que la chose a puis grant mestier

que ele est viez et arieres mise.

(La mule sans freins, v. 1-3, Païen de Maisières, 1911, p. 151)11

La relation entre ces trois premiers vers est évidente : la même auctoritas, l’analogie ou même l’identité lexicale au niveau du vocabulaire, la formulation du même concept et la même structure syntaxique. La correspondance se poursuit ponctuellement dans les vers suivants :

Por ce fet bien qui son estuide

atorne a bien quel qu’il l’ait ;

car qui son estuide antrelait,

tost i puet tel chose teisir,

qui mout vandroit puis a pleisir.

(Erec et Enide, v. 4-8, Chrétien de Troyes,

1994, p. 3)

Por ce par sens et par devise

doit chascuns lou suen chier tenir,

qu’il en puet mout tost bien venir

a chose qui mestier avroit.

(La mule sans frein, v. 4-7, Païen de Maisières, 1911, p. 151)12

Mise à part la perspective parodique de la Mule, au niveau de la construction rhétorique et syntaxique, il ne ressort d’un prologue à l’autre ni une variation substantielle ni un changement du moule formel, seules de faibles nuances séparent les deux textes. Chrétien soutient la nécessité de profiter immédiatement des connaissances acquises, Païen de Maisières insiste davantage sur la possibilité de cultiver et d’approfondir ses connaissances, en les gardant prêtes pour le moment où elles deviendront nécessaires. L’adhésion du deuxième texte au premier est à la limite de la citation littérale et même du plagiat, un concept dont la valeur était toutefois très relative au Moyen Âge. Un autre écho au prologue d’Erec et Enide — où Chrétien se nomme avec le toponyme « de Troyes » — conclut celui de la Mule sans frein par l’autocitation du nom de l’auteur :

Por ce dist Chestïens de Troies,

que reisons est que totesvoies

doit chascuns panser et antandre

a bien dire et a bien aprandre.

(Erec et Enide, v. 9-12, Chrétien de Troyes

1994, p. 3)

Par ce dist Paiens de Maisieres

qu’en se doit tenir totes voies

plus as viés qu’as noveles voies.

(La mule sans frein, v. 14-16, Païen de Maisières, 1911, p. 151)13

Globalement la structure des deux prologues est également identique d’un point de vue rythmique et syntaxique : à l’énoncé gnomique succèdent deux propositions causales. Dans la première, l’auteur exprime une adhésion générique à la sententia du début, tandis que dans la seconde, se nommant, il en tire les conséquences lui-même, justifiant son ouvrage comme la réalisation d’une mise en œuvre individuelle de ce qu’il vient de dire en termes généraux.

D’autres relations intertextuelles possibles et plus subtiles avec le prologue d’Erec émergent de celui de l’Escoufle de Jean Renart. Dans trois passages, ce prologue semble comparable au roman de Chrétien. Tout d’abord dans le renouvellement original et la reformulation personnelle du motif de la nécessité de faire connaître son savoir :

Par qu’an puet prover et savoir,

que cil ne fet mie savoir,

qui s’escïence n’abandone

tant con Deus la grace l’an done.

(Erec et Enide, v. 15-18, Chrétien de Troyes, 1994, p. 3)

Que saiges fait conment k’il aille,

ki son sens ause et travaille

en dire aucune boune chouse.

(Escoufle, v. 1-3, Jean Renart, 1894, p. 1)14

De plus, le v. 11 de l’Escoufle (« a bien dire et a recorder ») peut aussi être mis en relation avec le v. 12 d’Erec (« a bien dire et a bien aprandre »)15.

Les deux auteurs insistent unanimement sur le « bien dire », l’éloquence. Mais tandis que Jean Renart, qui met en avant la même idée dans le Lai de l’ombre (v. 2, 13), semble insister davantage sur la fonction de « mémorabilité » de la littérature, Chrétien, avec un regard tourné vers le présent, met davantage l’accent sur la fonction didactique. Enfin, un lien entre les deux prologues est perceptible au niveau lexical dans la définition du même auditoire de cour (rois, comte), au niveau rhétorique, avec l’utilisation de l’anaphore (devant, cort), et au niveau de la rime. Renart révèle un goût plus vif pour le jeu rhétorique de l’allitération, de la paronomase et de la figure étymologique :

D’Erec, le fil Lac, est li contes,

que devant rois et devant contes

depecier et corronpre suelent

cil qui de conter vivre vuelent.

(Erec et Enide, v. 19-22, Chrétien de Troyes, 1994, p. 3)

K’a cort n’a rois n’a cort a conte

ne doit contere conter conte.

(Escoufle, v. 21-22, Jean Renart, 1894, p. 1)16

Cette reprise englobe la controverse, non figée et stéréotypée mais consciente et délibérée, des deux écrivains respectivement, contre les narrateurs qui corrompent le récit d’Erec qui circulait évidemment de manière incorrecte dans la narration des jongleurs, et contre la matière arthurienne et le merveilleux breton. C’est un motif bien connu dans la chanson de geste (cf. Bueve de Hantone, Aiol v. 4-9, Anseis de Cartage, v. 10-15), qui s’oppose à la pratique narrative de ces jongleurs qui gâtent le conte original (Französische Literarästhetik 1969, p. 4, 8). Chrétien exprime sa polémique de manière générale en l’ancrant dans l’actualité, tandis que Jean Renart circonscrit son discours et le focalise autour d’une idée. Comparés à ceux de Chrétien, les vers de Jean Renart trahissent des nuances de contre-chant et d’antiphrase. Paradoxalement Renart juge son nouveau roman ancré sur la « vertè » — et que l’on a même jugé « réaliste », — comme le seul digne d’être défini « courtois », ou mieux le seul digne d’être récité à la cour. D’autre part le même couplet de Chrétien, enchâssé non dans le prologue, mais plus avant dans la narration, remplit de façon évidente la fonction de citation dans le Roman de la Rose, un roman symbolico-allégorique, donc de matière différente, lorsque Guillaume de Lorris à propos de Largesse, qui accompagne un chevalier du lignage du roi Arthur qui est l’objet lui des récits courtois qu’on fait encore dans les cours, évoque la figure du roi Arthur et celle de sa cour :

que l’en conte de li les contes,
et devant rois et devant contes.
(v. 1179-1180, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, 1976, p. 37)

2.3. Le motif associant « armes » et « amours »

Dans le prologue de l’autre roman de Jean Renart, Guillaume de Dole, on retrouve un motif ultérieur riche en liens intertextuels dans le couple de mots « armes / amour ». Il est très important du point de vue thématique pour l’interprétation globale du roman, représentant les deux axes potentiels de son développement. « Il conte d’armes et d’amors / et chante d’ambedeus ensamble », affirme Jean Renart aux vers 24-25, et il réitère le couple lexical ensuite aux vers 386 et 1645 (Jean Renart, 1962, p. 2, 13, 51 ; voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 55). Mais, comme le fait remarquer Michel Zink, « s’il est vrai que le sujet du roman est d’armes et d’amours, bien que l’on n’y combatte que par jeu et l’on y aime [...] de façon bien étrange, on n’y trouve insérées que des chansons d’amour, et non des chansons de guerre » (Zink, 1979, p. 28). Bien que cette observation implique une atténuation de la valeur programmatique des déclarations de Renart, le couple armes / amour représente quand même un entrelacement, emblématique et suggestif, entre les thèmes du roman comme genre littéraire et ceux des chansons de geste. Au XIIe siècle le Siège de Barbastre fait allusion à une chanson « d’amor et de bataille » (Perrier, 1926, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 8) et au cours du même XIIIe siècle à Jean Renart font écho l’anonyme Anseïs de Cartage (« Li vers en sont rimé par grant maistrie / d’amors et d’armes et de cevalerie », v. 6-7 : Anseïs de Cartage, 1892, p. 1) et les Enfances Ogier d’Adenet le Roi (« d’amors et d’armes », v. 16 : Adenet le Roi, 1956, p. 59 ; voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 7-8, 17). Et, même si dans les deux derniers cas cités, l’insertion d’éléments du monde romanesque et épique s’annonce avec un curieux retournement des termes par rapport à Jean Renart, mettant l’amour en premier, ils représentent un antécédent remarquable de l’entrelacement du couple lexical « armes et amour » comme « confluence de matière carolingienne et matière arthurienne » bien avant Boiardo, l’Arioste et Eustache Deschamps (Segre, 1985, p. 87-88)17.

Les coïncidences entre Adenet et Jean Renart ne sauraient être dues au hasard, comme en témoignent d’autres expressions du prologue des Enfances Ogier, un texte qui paraît réceptif de la poétique du vraisemblable et de la raison prônée par Jean Renart au début de l’Escoufle (cf. Menegaldo, 2009, p. 322). Un indice de cette nouvelle liaison intertextuelle est la référence à la raison dans un contexte qui offre également d’autres pendants lexicaux et thématiques avec l’Escoufle comme le verbe acorder du vers 2 des Enfances, et, bien qu’elle soit très fréquente, on peut signaler aussi la rime en -er :

Car mout voi conteors ki tendent

a bien dire et a recorder

contes ou ne puis acorder

mon cuer, car raisons ne me laisse.

(Escoufle, v. 10-13, Jean Renart, 1894, p. 1)

Car qui estoire veut per rime ordener

il doit son sens a mesure acorder

et a raison, sanz point de descorder.

(Enfances Ogier, v. 20-22, Adenet le Roi, 1956, p. 61)18

Adenet établit en règle générale ce que Jean Renart affirme au niveau de l’observation empirique. Dans les vers des Enfances Ogier, Albert Henry reconnaît qu’« Adenet a résumé lui-même son idéal et ses intentions [...] » ; mais, reconnaissant la fluidité de ces énoncés, il ajoute : « programme essentiellement faux, dira-t-on, puisqu’il s’agit d’une entreprise ‘épique’, mais ce qu’il importe de souligner, c’est l’unité de conception et d’exécution » (Adenet le Roi, 1971, p. 48). Adaptant la poétique de la vraisemblance à la chanson de geste, un genre reconnu comme porteur de vérité, pour paraphraser une déclaration de Jean Bodel dans le prologue des Saisnes (« voir chascun jour aparant », v. 11, Jehan Bodel 1989, p. 2)19, Adenet manifeste une fois de plus son goût pour la contamination et l’hybridation des genres, pour l’interférence et les contacts entre différents registres.

2.4. Le motif du rêve

Des motifs similaires peuvent être utilisés dans des textes de genres différents, qui peuvent les unir entièrement ou partiellement par des échos et des références mémorielles et qui, dans certains cas, comportent même une citation littérale. Dans la reconnaissance d’échos et le repérage de références ou de citations entre les prologues d’œuvres médiévales de la littérature en ancien français, des correspondances précises peuvent être observées en ce qui concerne le motif du rêve abordé par Raoul de Houdenc au début du Songe d’enfer :

En songes doit fables avoir ;
se songes puet devenir voir,
dont sai je bien que il m’avint,
qu’en sonjant un songe me vint
talent que pelerins seroie.
(v. 1-5, Raoul de Houdenc, 1984, p. 57)

Dans ce cas, Raoul met l’accent sur son expérience personnelle (« dont sai ge bien » ), l’opposant à la croyance générale sur la nature des rêves. Les premiers vers du Songe d’enfer semblent résonner au début du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris qui développe, de manière plus riche et plus articulée que Raoul, le motif de la vérité et du mensonge du rêve. Il commence par un vers sentencieux, il l’interprète et l’amplifie, voire le glose dans quelques vers :

Aucunes genz dient qu’en songes
n’a se fables non et mensonges ;
mes l’en puet tex songes songier
qui ne sont mie mensongier,
ainz sont aprés bien aparant,
si en puis bien traire a garant
un auctor qui ot non Macrobes.
(v. 1-7, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, 1976, p. 1)

En passant d’un texte à l’autre, le changement typologique d’auctoritas est remarquable : au « je » du Songe s’oppose la référence traditionnelle de Guillaume qui invoque Macrobe, une autorité classique universellement reconnue à cette époque, pour soutenir ses convictions sur la vérité des rêves.

Décidemment plus proche du texte de Raoul, au point d’en paraître comme une citation antiphrastique (à peu près comme le fabliau De deux chevaus de Jean Bodel comparé au Cligès de Chrétien de Troyes), est la reprise qu’en fait Douin de Lavesne qui transpose à son Trubert, un texte parodique, le couplet initial du Songe :

En fabliaus doit fables avoir ;
s’i a il, ce sachiez de voir.
(v. 1-2. Douin de Lavesne, 1974, p. 1)20

Quant au motif onirique, exploité par Raoul et Guillaume, il joue plus généralement un rôle important dans les chansons de geste (Braet, 1975 ; Martin, 2017, p. 103-104, 124-125, 249-252), mais il apparaît rarement dans la plupart des prologues épiques, mis à part l’Entrée d’Epspagne où le motif du rêve est le moteur de l’action. La visite initiale de saint Jacques à Charlemagne21 est doublée par le rêve de l’auteur, à qui apparaît Turpin, l’un ayant pour fonction de pousser l’empereur à libérer l’Espagne, l’autre d’inciter l’auteur à écrire l’histoire de la conquête, mais l’Entrée est une chanson tardive, un texte de toute façon particulier, compte tenu de l’époque et du lieu de sa composition (v. 30-34, 50-54, Entrée, 2007, p. 2-3).

Plusieurs des éléments intertextuels mentionnés jusqu’ici ne sauraient être de simples motifs ou topoï, mais on peut proposer l’hypothèse qu’ils soient le résultat de relations plus subtiles et directes entre les différents textes. Au Moyen Âge « il existe d’un genre à l’autre une circulation constante », qui est à l’origine de l’interférence, c’est-à-dire, d’après Jean-Charles Payen « l’utilisation dans un genre donné d’un topos qui appartient originellement à un autre genre » (Payen, 1984, p. 199). Et, encore suivant Payen, « la notion de topos […] recouvre à la fois les clichés strictement verbaux et aussi les motifs ou thèmes auxquels recourent les genres parce qu’ils participent en quelque sorte de leur structure » (Payen, 1984, p. 201).

Aussi, même en tenant compte de certains topoï liminaires significatifs, peut-on déceler des aspects intertextuels qui supposent l’instauration d’un dialogue entre les différents textes dans le but d’adapter l’un ou l’autre des topoï de manière nouvelle. C’est le cas de deux des plus importants topoï de l’exorde : celui de l’obligation de transmettre le savoir qu’on possède, et le topos saisonnier. Tous les deux — c’est-à-dire l’exordium a sententia et l’exordium a tempore (Arbusow, 1948, p. 97-100 ; Faral, 1971, p. 58, Dragonetti, 1960, p. 163-169) — sont suggérés par les arts rhétoriques comme des artifices particulièrement appropriés pour commencer une œuvre.

2.5. Le topos sapiential

Un exemple significatif est le topos qui concerne le devoir de transmettre et de diffuser son savoir. Ce topos d’ascendance biblique et classique, comme l’a remarqué, entre autres, Ernst Robert Curtius (1986, p. 158-162), appartient aux textes épiques ainsi qu’aux romans avec des aboutissements divers (Boutet, 1993, p. 18-19).

Plusieurs textes médiévaux partagent ce topos qui caractérise les romans antiquisants (« sage et de sens aprendant » selon Jean Bodel (Saisnes, p. 7)) comme le Roman de Thèbes (« Qui saiges est nel deit celer », v. 1 ; 1890. p. 1) et le Roman de Troie, qui attribue explicitement ce dicton à Salomon (« Salemon nos enseignes et dit / e sil list om en son escrit / que nus ne deit son sen celer », v. 1-3 ; 1904, p. 1 ; voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 23, 24). Ensuite, Chrétien de Troyes transfère le topos sur le roman arthurien, comme l’atteste le prologue d’Erec cité plus haut (Chrétien de Troyes, 1994, p. 3)22, et le même topos se retrouve dans de nombreux romans, tels que Athis et Prophilias (v. 1-4 ; 1912, p. 1) et Durmart le Gallois (v. 1-6 ; 1966, p. 1)23 qui incluent une controverse bien connue et une nouvelle restriction du public, ou encore Guillaume de Palerme (v.1-14).

Dans une série notable de vers ce dernier développe le motif de la nécessité de diffuser le savoir, comme l’image évangélique du trésor caché (Guillaume de Palerme, 1876, p. 1). Le texte s’ouvre sur une affirmation qu’on pourrait considérer être une véritable citation des romans antiquisants ou de Marie de France, insistant sur l’impératif de ne pas cacher son savoir mais de le faire connaitre à tous afin qu’il devienne une source de bien et de profit pour la société humaine :

Nus ne se doit celer ne taire,
S’il set chose qui doie plaire,
K’il ne le desponde en apert ;
Car bien repont son sens et pert
Qui nel despont apertement
En la présence de la gent.
Por ce ne voel mon sens repondre
Que tôt li mauvais puissent fondre,
Et cil qui me vaurront entendre
I puissent sens et bien aprendre ;
Car sens celés qui n’est ois
Est autresi, ce m’est avis,
Com maint trésor enfermé sont,
Qui nului bien ne preu ne font,
Tant comme il soient si enclos.
Autresi est de sens repos :
Por ce ne voel le mien celer,
Ançois me plaist a raconter,
Selonc mon sens et mon mémoire,
Le fait d’une anciene estoire
Qui en Puille jadis avint
A un roi qui la terre tint.
(v. 1-22, Guillaume de Palerme, 1966, p. 1)

Le motif prôné par ce prologue concerne l’Escoufle de Jean Renart et il apparaît également dans le Roman de Violette (v. 1-18) de Gerbert de Montreuil (1928, p. 3)24 qui le propose et l’élabore dans la dialectique savoir/richesse. Il entraine donc la chanson de geste, le roman antiquisant, le roman arthurien et le roman prétendu « réaliste ». En outre le motif implique d’autres genres littéraires tels que les célèbres Lais (v. 1-8) de Marie de France (1968, p. 1) ou le court poème didactique Roman des eles (v. 1-10) de Raoul de Houdenc (1983, p. 33)25. La reprise intertextuelle ne se fait pas de manière répétitive, excluant toute originalité ou intention critique ; il n’est pas rare, en effet, que les différents auteurs, par exemple Marie de France, apportent « de lur sens le surplus », intégrant dans leur texte un topos très répandu, dont l’inertie est vivifiée et recontextualisée de manière originale avec une volonté d’émulation.

C’est justement Marie de France qui superpose le même topos sapiential à la matière bretonne et revendique pour cette matière la même valeur pédagogique didactique éducative que les romans classiques (Roncaglia, 1974, p. 56-67) :

Qui Deus a duné esciënce
e de parler bone eloquence,
ne s’en deit taisir ne celer,
ainz se deit voluntiers mustrer.
Quan uns granz biens est mult oiz,
dunc a primes est il fluriz,
e quant loëz est de plusurs,
dunc a espandues ses flurs.
(Prologue, v. 1-8 ; Marie de France, 1990, p. 22-23)

Qui possède la science et l’éloquence ne doit pas taire, ni cacher ses qualités, il doit au contraire les faire connaitre et les faire ouïr à tout le monde. Avec les mots escience, eloquence, avec l’obligation de ne pas taisir ni celer, Marie souligne l’importance de la diffusion du savoir et de le faire ‘ouïr’, pour obtenir de bons résultats et des louanges. Ce sont des expressions répétées des romans antiques à Marie de France en passant par Guillaume de Palerme, et qui trouvent déjà un usage significatif dans une chanson de geste, comme Aymeri de Narbonne de Bertrand de Bar sur Aube, qui fait allusion à sa science et définit sa chanson comme une œuvre dont on peut tirer sens et exemple :

A ceste estoire dire me plest entendre,
Ou l’en puet molt sens et essenplc prendre ;
Si vueil un pou de m’escience espendre,
Por ce que cil si fet trop a reprendre
Qui set le sens et ne le veut aprendre,
Car sens reponz, ce vos di sanz mesprendre,
Senble le feu que l’en cuevre de cendre,
Qui desoz art et flanbe ne puet rendre ;
Et por ice dirai, sanz plus atendre,
Del plus preudome qui fust puis Alixandre.
Très bien le sevent li gregnor et li mendre ;
Por ce fet mieuz la chançon a entandre
Qu’cle est de haute estoire.
(v. 1-8, Gallé, 2007)

L’image du trésor caché rappelle la parabole évangélique de la monnaie qui ne doit pas être enterrée ou de la lampe qu’on ne doit pas mettre sous le boisseau (Mt 25, 14-18 ; Mc, 4,21 ; Lc 8, 16–18 : Biblia, 2007, p. 1566, 1622) et il est bien connu même dans la poésie des troubadours (cf. Sordello, 1954, p. CLXX-CLXXI, 200, 253).

Ce topos est certainement parmi les plus répandus. Il permet d’affirmer la vérité et l’utilité de toute écriture, et donc d’annuler les traits indiqués comme pertinents seulement pour la matière épique, sous le signe de l’utilité de toute écriture, pour laquelle l’auteur du Partonopeu de Blois invoque même l’autorité de saint Paul :

sains Pols, li maistre de la gent,
nos dist en son eseignement
que quanqu’est es livres escrit,
tot i est por nostre profit.
(v. 95-98 )26

2.6. Le topos du temps et des saisons

Si le topos sapiential est d’origine livresque, un motif d’origine naturelle pourtant stéréotypé est le topos a tempore qui se relie aux enseignements rhétoriques, l’exordium a tempore, la Natureingang. Il peut être inséré dans le prologue ou dans ses environs immédiats. Ce type de début intéresse la lyrique, l’épique et le roman. Comme l’a écrit Paul Zumthor, le type provient du « registre lyrique » (Zumthor, 2000, p. 388 ; Payen, 1984, p. 199-200). Il a connu une large utilisation chez les troubadours et les trouveurs qui en ont tiré des effets psychologiques, rehaussant et mettant en valeur le rapport entre leur situation intérieure et l’approche saisonnière, surtout mais pas seulement, du printemps (Dragonetti, 1960, p. 160-192). Il implique toute une série de « noyaux sémiques » (Martin, 2017, p. 242) de dérivation lyrique comme le chant des oiseaux, les fleurs, les plantes, le jardin, le pré, la rosée, l’herbe, etc.

Dans le roman français on utilise ce topos à la fois comme un artifice pour commencer le récit et comme un élément de transition, de transitio, entre le prologue et la narratio. C’est ainsi que le motif saisonnier apparaît dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, après un long préambule d’environ soixante-dix vers avec sententia, dédicace, indication du sujet :

Ce fu au tans qu’arbre florissent,
fueillent boschaige, pré verdissent,
et cil oisel an lor latin
dolcemant chantent au matin
et tote riens de joie anflame.
(v. 69-73, Chrétien de Troyes, 1994, p. 687)27

Le motif printanier convient parfaitement au début d’une œuvre : il projette le texte dans une perspective de bonne réalisation finale, dans une perspective favorable à la création poétique de même que la saison printanière est propice à la renaissance de la nature. « L’adaptation du motif printanier », suivant Paul Zumthor, « participe au dynamisme du récit, il surgit d’une invention sans cesse renouvelée, dans un espace ouvert, où règne une liberté apparemment souveraine » (Zumthor, 2000, p. 405).

En ce qui concerne strictement le prologue ou le début de la narration, l’utilisation de ce motif, doublé de celui du locus amoenus, se trouve déjà dans les textes épiques (Martin, 2017, p. 242-245), introduit par la formule ou l’expression temporelle commune au domaine de la fable, « Ce fu en / ce fu a ». L’auteur du Charroi de Nîmes, par exemple, après s’être assuré l’attention du public, souhaitant l’aide divine, fait l’éloge de sa chanson et en annonce le sujet. Tout de suite, il introduit la véritable narration avec une indication saisonnière :

Ce fu en mai, el novel tens d’esté :
fueillissent gaut, reverdissent li pré,
cil oisel chantent belement et soé.
(v. 14-16, Charroi de Nîmes, 1972, p. 59)

Cette modalité d’exorde a connu un intérêt et une fortune considérables au point que l’on peut parler de véritable citation d’un texte dans l’autre. C’est « un effet […] d’allusion précise et de citation » que Zumthor souligne (2000, p. 405) à propos de la Prise d’Orange. Cette chanson après l’appel au public et l’éloge de la chanson, suivant une formulation presque identique à celle du Charroi, débute par une nuance lyrique évoquant le printemps et le mois de mai par des résonances qu’on dirait troubadouresques :

Ce fu en mai, el novel tens d’esté ;
florissent bois et verdissent cil pré,
ces douces eves retraient en canel,
cil oisel chantent doucement et soëf.
(v. 38-41, Prise d’Orange, 1967, p. 43)

Il s’agit, évidemment des formules répétées avec lesquelles le passage du Conte du Graal relatif à Perceval montre des parallèles littéraux, mais dans la Prise, plus que dans le texte précédent, le topos printanier est moins gratuit, parce qu’il éveille en Guillaume le souvenir du temps heureux qu’il avait vécu en France (v. 44-53, Prise d’Orange, 1967, p. 45 ; Zumthor, 2000, p. 388-389).

Aussi la première laisse des Nerbonnais résonne des mêmes éléments enrichis d’autres références saisonnières :

Ce fu a pasques, une feste hautor.
biaus fu li tans ; replandisent li jor,
ces eues doces reperent en vigor,
Foillissent bois et traient a verdor,
Cil oisselet chantent par grant doçor,
Chevalerie quierent tornoïeor,
Dame qui aime a plus fresche color
Et mielz se vest et de plus bel ator.
Ce dit la jeste, so sevent li plussor,
Et bien devise qui furent li mellor :
Charles de France, le maînne empereor,
tint cort moût riche a Paris par vigor.
(Suchier, 1895, p. 1-2)

La conjonction du printemps et des exploits chevaleresques, la référence à la fête de Pâques, à l’amour et au motif de la coquetterie féminine sont des traits qui appartiennent évidemment au décor romanesque et lyrique. Le beau temps, la saison printanière invitent à la joie, ils annoncent un bon commencement auquel devrait suivre une bonne conclusion de l’œuvre soit du point de vue rhétorique soit du point de vue didactique. L’allusion aux grandes fêtes printanières du calendrier chrétien — Pâques, Pentecôte, Ascension qui coïncident avec la mise en place des grandes cours plénières — est aussi présent dans les chansons que dans les romans.

Le cadre printanier, parsemé de nuances lyriques avec un lien explicite au thème de l’amour, est commun au soi-disant prologue de Gui de Nanteuil de la Bibliothèque de Saint-Marc de Venise :

A cel dos tens et gai, che la rose est florixe
e erbecte punsent, arboreus revedixe
e i oseus çantent dolce por bois et po[r] larixe,
retorne amor.
(Cavaliere, 1958, p. 37)

Les passages des œuvres citées (Conte du Graal, Charroi de Nîmes, Prise d’Orange, Les Narbonnais) se rapprochent du prologue du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, qui, après une longue digression gnomique sur la valeur du rêve, raconte la situation dans laquelle il a composé son roman, en donne le titre, et fait l’éloge du sujet de son œuvre. Tout de suite il commence son conte par une large profusion d’éléments qui se rattachent au motif saisonnier et qui se mêlent ouvertement à l’état psychologique du narrateur. Guillaume remplace avec une marque plus subjective l’impersonnalité de la formule féerique « ce fu au tens » utilisée par Chrétien et les chansons de gestes : c’est lui en personne, Guillaume, qui en tant que personnage-narrateur, définit le temps du début :

Avis m’iere qu’il estoit mais,
il a ja bien .v. anz ou mais,
qu’en may estoie, ce sonjoie,
el tens enamoureus, plain de joie,
el tens ou toute rien s’esgaie,
que l’en ne voit buisson ne haie
qui en may parer ne se veille
et covrir de novele fuelle.
(v. 45-52, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, 1976, p. 2-3)

La description est enrichie par l’insertion de plusieurs éléments qui caractérisent le tableau printanier : le mois de mai est le temps de l’amour et de la joie, les arbres, les bois et les prairies renaissent, la rosée mouille l’herbe, reviennent les couleurs, les oiseaux, parmi eux le rossignol, reprennent leurs chants, etc. Le temps et le lieu reflètent l’esprit du protagoniste, projeté vers la joie et avide d’aventure. Structurellement, dans le Roman de la Rose, le motif saisonnier occupe, comme dans Perceval et dans le Charroi de Nîmes, une position de passage de l’incipit au véritable début de la narration, mais il est l’objet d’un développement incomparablement plus grand et d’une intégration plus marquée et étendue dans la narration.

De même, l’auteur anonyme de Girart de Roussillon, lui aussi, confie à la reverdie le commencement de sa narration :

Es vos passat iveir, marc et febrer,
vient estiuz, que florissent cist verder,
a laudor juglar cevaler
tres er sunt remasut sen freite e ner,
Sestu, mongres corteiz, clerz de moster,
s’estaveit desoz l’onbre d’un auliver,
e fermat en son cuer un cosïer.
[...]
Ce fu a Pentecoste, el printanz gai.
(v. 20-22, 30, Girart de Roussillon, 1993, p. 42-45)28

Dans ce prologue le motif printanier, doublé de l’appel à l’écoute, y apparaît comme le début du prologue et du véritable récit à la fois (« Es vos »).Mais « ce qui est plus original ici est le parallèle entre le temps de l’écriture du poème et celui de son déroulement » (Girart de Roussillon, 1993, p. 45 note).

L’expression peut être utilisée à la fois comme formule de début tout court et comme formule qui dans le prologue marque le passage au véritable récit, en tout cas les composants formels ne changent pas : en particulier « début de l’histoire et genèse du texte » y coïncident (Baumgartner, 1984).

En tant qu’élément de départ d’une œuvre, dans une position d’incipit, qui se rapproche de celle des chansons lyriques, le motif saisonnier est mis en valeur d’une manière magistrale et variée par Adenet le roi dans son Buevon de Conmarchis :

Ce fu au tens d’esté, si comme au mois de mai,
k’en maint liu resplendissent cler dou soleil li rai
et que arbre florissent et pré sont vert et gai.
(v. 1-3, Adenet le Roi, 1956, p. 41)

Avec des tons qui peuvent rappeler la chanson Lanquan li jorn son lonc en may du troubadour Jaufré Rudel (1974, p. 12), Adenet le trouvère reprend le même motif lorsqu’il commence la véritable narration :

En esté quant li jor sont bel et lonc et cler
que la rose est florie et bele esgarder.
(v. 53-54, Adenet le Roi, 1956, p. 42)

Dans Buevon de Conmarchis Adenet utilise donc les deux fonctions du topos saisonnier soit comme une composante du prologue au sens strict, soit comme véritable début de la narration. Par contre dans Berthe au pies grans il se borne plutôt à la première fonction dans laquelle convergent le temps de l’écriture du poème et celui de son déroulement :

A l’issue d’avril un tans douc et joli,
que herbeletes pongent et prée sont raverdi
et arbrissel desirent qu’il fussent parflori.
(v. 1-3, Adenet le Roi, 1963, p. 54)29

Dans les œuvres d’Adenet, le motif saisonnier est inséré plus succinctement que dans le Roman de la Rose. Il est plus proche de Perceval et du Charroi de Nîmes, mais contrairement à ces deux textes, il est le vrai début du prologue et non une forme intermédiaire de transitio du prologue au récit.

3. Conclusion

Beaucoup de formules mentionnées ne sont pas exclusives de l’un ou l’autre type de prologue. Elles apparaissent comme des clichés du prologue ainsi que d’autres parties d’une œuvre narrative dans des textes de type différent. Bien que traitées avec des nuances différentes, elles appartiennent à toutes les catégories narratives. Au Moyen Âge il y a une espèce de dépôt ou de réserve de formules auquel les divers auteurs puisent les modes liminaires, en les réinterprétant et les adaptant à leurs œuvres individuelles. L’analyse effectuée sur un échantillon suffisamment large confirme la présence de phénomènes d’hybridation, d’interférence, de proximité et d’attirance d’un genre à l’autre. Le prologue constitue une partie privilégiée de l’œuvre pour la mise en place et la vérification de ces mélanges de thèmes, motifs, et topoï. Les aspects rhétoriques et scolaires, appris et imitables, côtoient les aspects issus de la tradition orale qui sont plus libres et personnels. En particulier dans le prologue se mêlent aspects appris et aspects mémoriels qui se répètent d’un texte à l’autre dans une voie inertielle mais aussi de manière délibérée et consciente.

Sous un angle global l’étude comparée des prologues littéraires met en lumière l’existence d’un « sentiment commun » (Dragonetti, 1960, p. 169) aux auteurs de divers textes narratifs épiques et romanesques ou de récits brefs tels que le fabliau et le lai. Une analyse synchronique des prologues de tous ces domaines aide à mieux apprécier la circulation et la superposition d’éléments communs, et leur adaptation à tel ou tel type d’œuvre. Elle témoigne de l’existence d’une chaîne qui traverse les différents textes, qui implique et met en contact des textes de genres différents en les unissant de telle sorte qu’on peut parler de traits partagés par tous les genres. Ce type d’analyse ‘ouverte’ met également en évidence les distances, les modifications et les différences d’utilisation, mais elle rehausse à la fois les convergences et les coïncidences, les reprises, les interférences mutuelles et les contacts entre genres littéraires.

Par ailleurs le discours sur les phénomènes intertextuels — tels que l’auctoritas littéraire, le topos, l’allusion, la citation — engage la majorité des textes mais il reste assez flou et peut-être un peu insaisissable, pas toujours définissable de manière précise. Tous ces aspects — l’affirmation d’une auctoritas, la référence intertextuelle, l’imitation de mêmes tournures, les topoï des préambules — indiquent une relation complexe. Ils suggèrent l’existence d’un lien entre beaucoup d’auteurs et de textes, qui revitalise l’inertie des lieux communs. Ainsi est mise en valeur la pratique et le ‘métier’ des écrivains médiévaux, qui invite à réfléchir sur leur art dans son ensemble. En effet ils possèdent un « art du prologue » au sens d’« art » indiqué par Jean Rychner à propos des jongleurs, qui caractérise tous les genres narratifs. Ils ont une conscience de l’usage de la littérature et de l’écoulement de la littérature à partir de la littérature, ce qui amène par conséquent à mettre en valeur le soin avec lequel les auteurs médiévaux ont abordé la création littéraire.

Enfin, au-delà de la répétition inertielle des topoï de la tradition rhétorique, ancienne et récente, les aspects intertextuels envisagés suggèrent une connaissance mutuelle et active entre les écrivains médiévaux qui résonne à travers une série d’échos et de références entre des œuvres différentes, remettant en question l’idée de frontières nettes et étanches attribuables à la chanson de geste notamment. On reconnaît une sorte de dialogue dont l’identification contribue à une lecture plus consciente et éclairée, et constitue l’une des raisons de l’intérêt qu’ils ont connu au Moyen Âge et qu’ils conservent encore aujourd’hui.

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Note

1  À ce propos cf. l’explication suggérée par Dante dans l’Épître à Cangrande, suivant la Rhétorique d'Aristote (Dante, 1996, p. 553). Cf. aussi Brunetto Latini,1975, p. 335-352.

2  Pour le concept de « dialogue intertextuel entre auteurs », cf. Segre, 1985, p. 89.

3  À cet égard cf. ZINK 1985, p. 32-35 ; LOSSE 1994, p. 19-23,106-107 notes ; Auctor et auctoritas 2001.

4  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1975, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 33. Sur les prologues de Chrétien de Troyes et des textes médiévaux français cf., entre autres, Hunt, 1970, p. 1-23 ; Hunt, 1972, p. 320-344 ; Ollier, 1974, p. 26-41 ; Badel, 1975, p. 81-94 ; Peron, 1979, p. 181-215 ; Peron, 1981, p. 393-397 ; Schultz, 1984, p. 1-15 ; Hunt, 1994, p. 153-168. Pour ce type d’exorde récapitulatif on peut rappeler aussi Jean de Meun qui dans la préface de sa traduction de la Consolation de la Philosopie de Boèce cite ses œuvres antérieures : « A ta royal majestè, tres noble prince, par la grace de Dieu roy des François, Phelippe le Quart, je Jehan de Meun, qui jadis ou Rommant de la Rose, puis que Jalousie ot mis en prison Bel Acueil, enseignai la maniere du chastel prendre et de la rose cueillir, et translatay de latin en françois le livre Vegece de Chevalerie et le livre des Merveilles de Hyrlande et la Vie et les Epistres Pierres Abaelart et Heloys sa fame et le livre Aered de Espirituelle Amitié, envoie ore Boece de Consolacion que j’ai translaté de latin en françois. » (Dedeck-Héry, 1952, p. 168).

5  Cf. aussi Rossi, 1991, p. 313-360. Pour les prologues d’Adenet cf. Menegaldo, 2009.

6  Voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 62.

7  Richars li Biaus, 1983, p. 25-26 ; Jehan Maillart, 1974, p 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 15 & p. 75.

8  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1975, p. 1. ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 33.

9  Pour le concept de « cliché » d’après Michel Riffaterre, cf. Zumthor, 2000, p. 119.

10  Raoul de Hodenc, 1984 ; Huon de Méry, 1994. Voir aussi Französische Literarästhetik, 1969.

11  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 29, 37 ; Proverbes, 1925, p 84 (n. 2313).

12  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 29, 37.

13  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 30, 37.

14  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Jean Renart, 1974, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 30, 53.

15  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Jean Renart, 1974, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 30, 53.

16  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1977, p. 1 ; Jean Renart, 1974, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 30, 54.

17  Cf. aussi Segre, 1984, p. 74. Sur toute la question cf. Stanesco, 2002, p. 325-347 ; Cerquiglini-Toulet, 2020, p. 313-326 ; Morato, 2021, p. 9-30.

18  Voir aussi Jean Renart, 1974, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 17, 53.

19  Voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 7.

20  Voir aussi Jung, 1971, p. 251 et note.

21  Pour l’interprétation du verbe reveler cf. Gresti, 2018, p. 56-57.

22  Voir aussi Chretien de Troyes, 1977, p. 1 ; Französische Literarästhetik, 1969, p. 29-30.

23  Voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 40, 47.

24  Ibid., p. 56-57.

25  Ibid., p. 66, 82.

26  Französische Literarästhetik, 1969, p. 52, cf. aussi Badel, 1975, p. 93.

27  Voir aussi Chrétien de Troyes, 1979, p. 7.

28  Voir aussi Französische Literarästhetik, 1969, p. 3.

29  Ibid., p. 17-18.

Per citare questo articolo

Referenza elettronica

Gianfelice Peron, « Interférences thématiques et génériques dans les prologues des chansons de geste et autres œuvres narratives en vers », Atlantide [On line], 13 | 2022, On line dal 01 décembre 2022, ultima consultazione: 09 octobre 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=1585

Autore

Gianfelice Peron

Professeur de philologie romane à l’université de Padoue, Gianfelice Peron a enseigné auparavant la même discipline à l’université de Vérone. Son champ de recherche principal concerne les littératures médiévales (française et provençale, franco-italienne, ancienne-italienne). Ses objets d’étude portent également sur la littérature moderne entre le XIXe et le XXe siècle (en particulier sur la poésie néo-grecque, française et anglaise et sur les problèmes de traduction). Il est membre titulaire de l’Académie galiléenne des sciences, des lettres et des arts de Padoue.

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