« Animal’s people » d’Indra Sinha : de la catastrophe à son dépassement

DOI : 10.56078/atlantide.1329

Riassunti

En représentant les conséquences de la catastrophe de Bhopal dans son livre Animal’s People, Sinha rejette tout misérabilisme. Son but est de légitimer les souffrances des victimes et de représenter leur résilience. Il utilise pour cela la forme testimoniale et le motif de l’apocalypse, un trope bien connu de la littérature environnementale. En faisant implicitement référence à des mythes eschatologiques hindous et chrétiens, Sinha sacralise l’accident industriel et la résistance du peuple à ses conséquences. Enfin, à travers la figure d’Animal, qui se débat avec une animalité symbolique imposée par la catastrophe, l’auteur montre comment ce motif, traditionnellement utilisé comme instrument de domination, peut être subverti et mener au sublime.

When Indra Sinha shows the consequences of Bhopal disaster in his book Animal’s People, he avoids to be sordid. He wants to depict resilience rather. He claims to legitimize all the sufferings of the victims. To achieve that aim, he uses the testimonio form and the frame of the Apocalypse, a favourite trope of environmentalist literature. By implicitly referring to Hindu and Christian eschatological myths, Sinha makes both the disaster and the resilience of the people sacred. Through Animal’s character, who struggles with a symbolic bestiality, understood as a consequence of the disaster, Sinha shows how the bestiality trope, traditionally used as an instrument of domination, can be subverted and finally lead people to a sublime way of being.

Struttura

Testo completo

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, l’usine de pesticides de Bhopal laissa échapper vingt-sept tonnes d’un gaz mortel dans l’atmosphère. Aucun des systèmes de sécurité destinés à empêcher ce genre de calamité ne fonctionna. La compagnie américaine propriétaire de l’usine, Union Carbide, estimant que cette dernière n’était pas assez rentable, avait fait des économies sur l’entretien des machines et sur le recrutement du personnel. Depuis quelques temps, les incidents étaient devenus quotidiens sans que rien ne soit fait, et ce malgré l’alerte donnée par un journaliste local, Raj Keswani (voir Sinha, « Under the Vulcano », 2013). Lorsque le gaz s’échappa, il empoisonna toute la ville. Réveillés au beau milieu de la nuit, les habitants de Bhopal tentèrent de fuir. Beaucoup trouvèrent la mort dans la cohue, ou furent étouffés par le gaz (entre trois mille huit cents et quinze mille morts). Vingt-cinq mille victimes périrent ensuite du fait d’affections dues à la catastrophe. Au total, cinq cent mille personnes furent exposées au gaz. Les survivants souffrent encore aujourd’hui de pathologies liées à l’accident : cécité, maladies des poumons, tumeurs, dommages cérébraux. Ces maux sont accentués par le refus d’Union Carbide de décontaminer les lieux, si bien que les pesticides encore présents sur le site contaminent les sols et les nappes phréatiques. À chaque mousson, les pluies entraînent un peu plus de poisons dans l’eau. Même les générations nées après cette nuit terrible de décembre 1984 souffrent donc de pathologies directement liées à la catastrophe (malformations, cancers...).

Cette calamité humaine et environnementale se double en outre d’un désastre politique et judiciaire. En effet, dans les années 70, la compagnie américaine Union Carbide n’avait pas choisi de s’installer à Bhopal par hasard. L’Inde vivait alors sa révolution verte et avait besoin d’un certain nombre de produits chimiques agricoles afin d’y parvenir. La ville de Bhopal souffrait déjà d’une sururbanisation accentuée par un manque d’infrastructures sociales et physiques (voir Shrivastava, 1992, p. 3). 20 % de ses habitants habitaient dans des bidonvilles. L’État souhaitait développer cette région, si bien que les autorités accueillirent chaleureusement la compagnie Union Carbide. Cette dernière parvint à obtenir ce qu’elle souhaitait, y compris l’autorisation de produire un gaz mortel dans une usine dont telle n’était pas la destinée première. Après la catastrophe, la compagnie se retira et refusa d’assumer ses responsabilités. En 1985, le gouvernement indien promulgua le Bhopal Act, qui lui donnait toute latitude pour agir en qualité de représentant légal des victimes. Il parvint à un accord avec Union Carbide en 1989 : la compagnie devait payer 470 millions de dollars de compensation, soit 300 à 500 dollars par victime, un chiffre bien faible en comparaison des trois milliards initialement demandés. Cet accord laissa de nombreux survivants, particulièrement les plus faibles et les plus démunis, sans réels moyens de régler leurs frais médicaux. Les autorités locales ont depuis tenté de poursuivre le PDG d’Union Carbide, Warren Anderson, mais les États-Unis se soucient peu de l’extrader et de le soumettre à la justice indienne. Aucun représentant d’Union Carbide ne s’est jamais présenté devant une cour indienne. En 2001, la compagnie a été en outre rachetée par Dow Chemical, qui refuse d’assumer ses responsabilités à Bhopal. De nos jours, les survivants continuent toujours de se battre pour que la compagnie respecte leurs droits à une meilleure indemnisation et à la décontamination du site. En vain.

Animal’s People (2007, traduit par Dominique Vitalyos sous le titre Cette Nuit-là) d’Indra Sinha fait un portrait complet des suites tragiques de la catastrophe. Indra Sinha décrit une situation qu’il connaît bien : depuis 1993, il milite pour le Bhopal Medical Appeal, une association de survivants qui gère des centres d’aide médicale gratuite. Il est en outre très impliqué dans la lutte des habitants de Bhopal pour la justice. Son roman, Animal’s People, est donc une œuvre engagée qui raconte le sort des victimes ainsi que leur extraordinaire résilience.

L’action se déroule à Khaufpur, ville fictive et double de Bhopal, au nom évocateur (Khaufpur, « ville de la terreur » en ourdou, fait aussi penser à Coughpur, « ville de la toux »). Comme Bhopal, cette cité n’en finit pas de subir un véritable martyre depuis l’explosion d’une usine de pesticides vingt ans plus tôt. À travers le dédale de ses ruelles, le lecteur suit le héros, Jānvar (Animal), dans ses multiples aventures. Né quelques jours avant la catastrophe, Animal souffre d’une forme avancée de scoliose qui l’oblige à marcher à quatre pattes. Ses parents ayant péri dans l’accident, il a été élevé dans un orphelinat par Ma Franci, une nonne française devenue folle suite à l’explosion. Animal ne se souvient pas de son véritable prénom : du fait de sa malformation, les autres enfants se moquent de lui en l’appelant Jānvar (Animal) et il s’empare orgueilleusement de cette nouvelle identité. Au bout d’un moment, il commence à vivre dans la rue, développant une ingéniosité typique des délaissés de Khaufpur. Il se lie à la chienne Jara, puis rencontre des activistes menés par Zafar, un musulman éduqué qui a tout abandonné pour se mettre au service de la population de Bhopal. Parmi ce groupe se trouvent la jeune Nisha, dont Animal tombe amoureux, ainsi que son père, le célèbre chanteur Somraj, dont les cordes vocales et les poumons ont été sévèrement endommagés lors de la catastrophe. Plus tard arrivera l’Américaine Elli, venue à Bhopal afin d’ouvrir une clinique gratuite pour aider les victimes. Animal fait le lien entre tous ces êtres et d’autres personnages plus pauvres, qui habitent dans le même bidonville que lui.

Il guide ainsi le lecteur dans les luttes quotidiennes des habitants de Khaufpur, à travers leurs joies et leurs espoirs, jusqu’à ce que leur révolte éclate contre l’accord inique que veulent leur imposer les membres du gouvernement et les avocats de la Kampani, la firme américaine à laquelle appartenait l’usine de pesticides. Dans ce roman, Indra Sinha livre un témoignage capital sur le sort des victimes de Bhopal et sur l’injustice dont ils souffrent à différents niveaux. Mais Animal’s People est aussi une œuvre riche et complexe qui articule des thèmes abordés tour à tour par les Postcolonial Studies, les Subaltern Studies, les Environmental Studies et les Disability Studies1. Dans le foisonnement des interprétations possibles, nous avons choisi de nous limiter à la perspective environnementale. Il sera question de la façon dont Sinha représente la catastrophe. Comment l’auteur tente-t-il d’attirer l’attention sur le sort des victimes de Bhopal tout en essayant de leur offrir un espace de consolation et de réparation à travers la fiction ?

1. La fiction rendue réelle

Dans une pensée mondialisée de l’environnement, les raisons de la protection de la nature sont souvent multiples et parfois contradictoires, comme le rappelle Philippe Descola dans L’Écologie des autres : L’Anthropologie et la question de la nature (2011). Pour certains, il faut protéger l’environnement parce qu’il s’agit du milieu de vie de l’homme, alors que pour d’autres, la nature doit être sauvegardée pour elle-même, du fait de sa valeur intrinsèque. Dans les récits de catastrophes industrielles (Tchernobyl, Bhopal...) cette dichotomie se manifeste fréquemment. Les auteurs ou journalistes qui veulent attirer l’attention du public sur les conséquences de ces accidents représentent soit les altérations que subit l’environnement, soit celles qui affectent les hommes — les deux étant souvent liées. Dans Animal’s People, Sinha fait ce dernier choix : il se concentre essentiellement sur le sort des victimes humaines de Khaufpur. Cependant son souci de rendre le roman le plus crédible possible, souci qui informe une bonne partie de la structure de l’œuvre, explique en partie cet anthropomorphisme.

De fait, Indra Sinha confère à son roman la forme d’un témoignage, développant des stratégies de légitimation du discours qui ne sont pas sans rappeler celles qu’un certain nombre d’écrivains (Prévost, Defoe, Richardson...) utilisaient de façon topique au XVIIIe siècle (voir Herman, 2009, p. 44). L’œuvre commence en effet par une note de l’éditeur expliquant que l’histoire a été enregistrée en hindi sur une série de cassettes ensuite traduites en anglais :

Note de l’éditeur : cette histoire a été enregistrée en hindi par un jeune homme de dix-neuf ans dans la ville indienne de Khaufpur. [...] [L]e texte écrit respecte dans son entier sa façon de parler, et aucun changement n’a été apporté aux phrases enregistrées, si ce n’est, bien entendu, qu’elles ont été traduites. (Sinha, 2009, p. 8)2

Cela rappelle la fiction du manuscrit trouvé comme dans les faux mémoires si populaires dans la littérature romanesque classique. Le récit se divise donc en vingt-trois bandes, qui tiennent lieu de chapitres. Les premiers chapitres ont pour but d’accréditer la fiction du témoignage. Animal raconte d’abord sa rencontre avec un journaliste australien venu lui soutirer son histoire, son refus premier de la livrer, puis son changement d’avis, longtemps après. Alors qu’il s’adresse dans un premier temps au journaliste australien (« Salaam, Journalis, c’est moi, Animal, je parle à la bande », p. 12), il change progressivement d’interlocuteur, choisissant pour destinataire de son message le lecteur occidental. Ensuite, il s’adresse en effet aux « yeux » : « Alors j’arrête de parler à mon ami le journalis de Kakadu, à Phuoc, et je m’adresse aux yeux qui liront ce que je dis. À partir de maintenant, c’est à vous que je parle. » (p. 23) ; enfin, il s’adresse à un seul lecteur, qu’il nomme « Eyes » (« Zoeil ») : « Dans cette foule d’yeux, j’essaie de reconnaître les tiens. [...] Tu me lis, tu es cette personne. Comme je n’ai pas de nom pour toi, je t’appellerai Zoeil. » (p. 24). À cet égard, Heather Snell (2009, p. 5) montre très bien les éléments qui portent à croire que l’interlocuteur d’Animal est un lecteur occidental.

Cette forme testimoniale et les stratégies d’accréditation mises en place peuvent s’expliquer de plusieurs façons. Selon la critique Heather Snell, il s’agit tout d’abord de payer un tribut aux témoins qui ont permis la création du livre, tout particulièrement à Sunil Verma Kumar3, l’activiste dont s’est inspiré Indra Sinha, et auquel il rend hommage dans la postface de son livre comme sur ses sites Internet. Selon Liam O’Loughlin (2014, p. 106), la forme testimoniale confère aussi au roman un certain pouvoir rhétorique et une urgence dramatique indéniable, qui permettraient d’appeler plus efficacement à une solidarité transnationale en dépassant les mécanismes traditionnels de la charité. Les interprétations de Snell et d’O’Loughlin sont pertinentes, mais ces deux critiques oublient néanmoins de mentionner que la forme testimoniale confère une véritable légitimité au texte. Comme au XVIIIe siècle, Sinha questionne la forme du roman et interpelle son lecteur, en utilisant le topos du manuscrit retrouvé. Il l’invite à s’instruire tout en se divertissant — même s’il ne saurait être question d’instruction morale, contrairement à nombre de romans du siècle des Lumières. Ce faisant, il légitime aussi les souffrances des habitants de Khaufpur/Bhopal.

De fait, le témoignage d’Animal est avant tout une sorte de témoignage-matrice qui englobe une multitude d’autres témoignages. Pendant la première partie du livre, la voix d’Animal se fait en effet l’écho de toutes les misères vécues par son peuple. Il évoque les problèmes sanitaires : la folie (Ma Franci), la cécité (Hanif), les affections respiratoires (Somraj), les cancers, les multiples douleurs, les terribles malformations (le Kha-dans-le-Bocal et les autres), les survivants qui meurent à petit feu (l’histoire de Pyaré Bai ou de Je-Suis-Vivant), les enfants accablés de fièvre (Aliya) ou qui ne peuvent boire le lait de leur mère parce que celui-ci est empoisonné. Il raconte l’iniquité dont les survivants sont victimes — la désinvolture de la justice face aux demandes des activistes, le refus des responsables américains de se présenter devant les tribunaux — et la corruption des politiques, qui accentue cette dernière. Il décrit l’accroissement de la fracture sociale entre les riches qui peuvent continuer à vivre puisqu’ils ont les moyens de se soigner, et les plus pauvres, dont la vulnérabilité s’est encore accrue du fait de la catastrophe.

La multiplicité des voix et de leurs problèmes exhibe bien sûr le lien fort qui existe entre les différents domaines environnementaux, sanitaires, politiques, sociaux, conformément à l’éthique environnementale, qui voit comme un tout la justice environnementale, sociale et économique (voir Curtin, 2005, p. 6). Elle crée également une véritable polyphonie, au sens bakhtinien du terme, qui donne la parole à différentes voix subalternes. En rompant l’unité de la voix narrative et en donnant la parole à une multitude de personnages démunis, Sinha résout en partie le problème soulevé par Gayatri Spivak (2006, p. 48) et parvient à donner la parole aux catégories marginales ou marginalisées de la population. Cette polyphonie est accentuée par la schizophrénie d’Animal, qui entend les voix des morts. Or, ces voix interviennent fréquemment dans le roman, interrompant le discours d’Animal.

La plurivocalité permet enfin de dresser un portrait complet des conséquences de l’accident et de sensibiliser les lecteurs au sort des victimes. Or la crédibilité de cette multitude de témoignages dépend de celle du témoignage d’Animal. En légitimant son discours par la fiction des cassettes trouvées, Indra Sinha légitime donc le discours de toutes les victimes. Il attire en outre l’attention du lecteur en jouant sur la porosité de la frontière entre les événements réels et les événements fictifs.

Ce jeu dépasse d’ailleurs les simples frontières du roman, puisqu’Indra Sinha a créé un site dédié à Khaufpur — Khaufpur: City of Promise —, dans lequel il lui donne toutes les apparences d’une cité véritable. En parcourant ce site, on a l’impression de découvrir le site touristique d’une ville qui existerait vraiment. Les pages qui le composent vantent en effet son patrimoine historique et culturel — qui n’est pas sans rappeler celui de Bhopal —, présentent les hôtels où les touristes peuvent séjourner, les opportunités qui se présentent à d’éventuels investisseurs. Le site comporte même une page matrimoniale où l’on retrouve Animal. Ce jeu sur la porosité entre le réel et le fictif intrigue le lecteur, qui souhaite en savoir plus sur Bhopal4. Il permet en outre un recouvrement du drame historique par la fiction, si bien qu’Indra Sinha peut, sur ces fondations, instaurer ensuite un véritable espace de légitimation de la souffrance.

2. Un univers apocalyptique

Cette légitimation s’accomplit de plusieurs façons. Tout d’abord, l’auteur a recours au trope de l’apocalypse, qui, comme le rappelle Allison Carruth (2011, p. 91), s’inspirant des travaux de Lawrence Buell, en particulier Writing for an Endangered World: Literature, Culture and Environment (2001), est très présent dans les récits environnementaux puisque c’est la métaphore la plus puissante de l’imaginaire environnemental contemporain. On la trouve d’ailleurs chez Rachel Carson (Printemps silencieux, 2011, p. 28). Toutefois, alors que les auteurs utilisent souvent le topos apocalyptique de façon figurée à travers des allusions mais sans réelles mises en perspective comportant un aspect mythique, Sinha assume et revendique totalement cette dimension mythique afin de légitimer les souffrances des habitants de Khaufpur/Bhopal. Le récit semble en effet se dérouler dans une ambiance de fin du monde qui rappelle des mythes chrétiens, hindous, voire musulmans. Par exemple, lorsqu’Animal monte au sommet de l’usine, il voit Kālī errant dans la forêt voisine : « De mon point de vue en altitude, je vois Mère Kali traverser la forêt, la peau noire comme un corps calciné. Elle a des crocs terrifiants, une langue rouge lui pend jusqu’à la taille et elle porte une ceinture de crânes humains. » (p. 45). De même le romancier assimile le tuyau qui a laissé échapper le poison à l’époux de Kālī, le dieu destructeur Śiva dont la danse provoque la fin du monde :

Là où tu vois une cheminée noire qui monte dans le ciel, Zoeil, moi je vois Shiva, sombre et nu, enduit de la cendre des bûchers funèbres. Il a les yeux rouges de haschich et de la fumée de la chair qui brûle et, oui, il danse. De tous les côtés, j’entends les hurlements et les plaintes parce que, quand Shiva danse, la fin du monde est proche. [...] C’est une coïncidence si l’ancien nom de cet endroit est « le champ de Kali » ? C’est un hasard si son mari Shiva porte des cobras en collier ? (p. 45-46).

L’usine devient dès lors le territoire de Śiva : la pullulation des cobras, animaux que Śiva porte autour de la taille, en témoigne. Cette comparaison permet de sacraliser un environnement souillé par la pollution, et de lui rendre une certaine grandeur.

De la même façon, Indra Sinha sacralise la lutte des habitants de Khaufpur contre les puissants avocats américains en la rapprochant du combat qui opposa Kālī (ou Durgā) au démon-buffle, Mahiṣāsura. Le chef des avocats venus à Khaufpur n’a pas d’identité : il est simplement nommé « the buffalo » (« le buffle », à partir de la p. 319 dans la traduction), ce qui évoque bien sûr Mahiṣāsura. Or le « buffle » a une fonction collective dans le roman. Il représente les autres avocats, qui vivent dans son ombre, mais symbolise aussi, au même titre que l’usine, la présence malfaisante de la Compagnie qui plane sur la ville. À travers la référence implicite à Mahiṣāsura, Sinha montre que la Compagnie et ses représentants ont instauré un désordre dans l’équilibre du monde, qui doit être restauré par un champion. De la même façon que Kālī naît de la colère de la déesse Durgā, ce champion ou plutôt cette championne émerge de la rage du peuple, lors d’une nuit d’émeutes. Animal, halluciné après l’ingestion de pilules de datura, prend alors sa chère Ma Franci pour la déesse Kālī :

Car cette nuit était la nuit du Qayamat, celle que Ma appelle Apokalis, un mot qui contient le nom de Kali, Kali qu’on appelle aussi Ma. Oui, Ma était Kali Ma, comment est-ce que ça avait pu m’échapper ? Une guirlande d’ossements au cou, elle devait déjà parcourir les rues de Khaufpur en annonçant la fin du monde à cris stridents. À grands pas elle allait réveiller les esprits affamés et désespérés qui vivaient dans l’usine, et les soldats lui tireraient dessus. Les imbéciles : on ne peut pas tuer Ma. (p. 400)

Ma Franci, à la différence de Kālī, meurt en aidant les innocents. Le buffle et ses suivants, qui tentent de signer un accord avec les politiciens corrompus, sont cependant vaincus par une femme anonyme en burqa (sans doute Elli, qui lance une boule puante dans la salle pour les obliger à dévoiler leur accord). Or, cette femme rappelle Ma Franci, qui porte la burqa lorsqu’elle veut passer inaperçue. La femme en burqa semble donc, en quelque sorte, une projection de Ma Franci/Kālī. Ce dédoublement entre Ma Franci qui sauve et Elli qui « détruit » l’accord rappelle en outre la façon dont les Indiens peuvent concevoir la déesse Durgā, une déesse qui, selon ses aspects, sauve ou détruit — voire sauve en détruisant.

Sinha traite certes le conflit eschatologique selon un mode parodique — avec la femme en burqa qui lance une boule puante, il s’éloigne substantiellement du combat épique entre Kālī et Mahiṣāsura —, mais la référence mythique permet néanmoins de conférer une certaine noblesse au quotidien des habitants de Khaufpur et à leur lutte, en divinisant leur colère. De cette façon, ils cessent d’être de simples victimes pour atteindre une dimension sublime. La dimension eschatologique n’a donc pas uniquement pour but de faire peur, comme c’est souvent le cas dans la littérature environnementaliste.

De la même façon, lorsque Sinha se réfère explicitement à l’Apocalypse, il ne s’agit pas uniquement de susciter la terreur. Citant le texte attribué à saint Jean, Ma Franci répète fréquemment que la fin du monde a commencé à Khaufpur, que Dieu abattra ses cataclysmes sur d’autres lieux de la Terre (prenant pour exemple l’attentat du World Trade Center) avant de revenir mettre un terme à l’apocalypse dans la ville de Khaufpur. Dans ce cas, la référence à l’Apocalypse permet au lecteur occidental d’assimiler la catastrophe à un référent familier, ce qui augmente la portée esthétique et rhétorique du texte. Mais Sinha utilise aussi le motif de l’apocalypse pour désigner le peuple de Khaufpur, qui a survécu à la catastrophe (« le peuple de l’Apocalypse »). Or, cette dénomination n’a rien d’anodin : en nommant ainsi les victimes de l’accident industriel, Sinha leur attribue une véritable dimension héroïque. En utilisant l’hypotexte mythique, Sinha réévalue ainsi le quotidien des habitants de Khaufpur à l’aune du mythe, qu’il tend ainsi à magnifier.

3. La promesse d’une résolution par l’animalité

Cette sublimation passe également par une revalorisation de l’animalité qui fait écho aux préoccupations environnementalistes. Dans un premier temps pourtant, Sinha utilise le motif animal pour représenter les maux des victimes en accentuant leur déshumanisation. Les protagonistes sont en effet pour la plupart animalisés, selon un procédé typique d’un certain nombre de récits traitant de diverses formes de domination, d’aliénation, voire d’extermination5. L’exemple emblématique de ce processus est bien entendu Animal, qui ne cesse de revendiquer son animalité. Il se présente comme possesseur d’attributs animaux : il a des « pattes » (« paws »), marche à quatre pattes, se fait une tanière (« Un endroit que les hommes évitent, quelle meilleure tanière pour un animal ? », p. 42), ressemble à un âne lorsqu’il s’agit de déféquer (« À quoi tu ressembles quand les étrons te dégringolent du postérieur ? À un âne qui lâche sa crotte », p. 27), à un singe lorsqu’il s’agit de « grimper », c’est-à-dire de copuler (« Les années où j’étais à la rue, je détestais voir les chiens baiser, mes camarades me criaient : “Hé, Animal, c’est comme ça que tu t’y prends ?” », p. 28, et « Fucker climbs like a monkey » p. 77, qui est traduit ainsi : « Ce cochon est agile comme un singe ! », p. 97), il mord enfin pour se défendre, comme un chien (« En plus, je mordais. Peut-être que les gens avaient peur d’attraper la rage », p. 28).

Animal n’est pas le seul concerné par cette animalisation qui affecte tous les habitants de Khaufpur. Les exemples abondent dans Animal’s People. Pour Ma Franci, devenue folle, ses concitoyens poussent en effet des grognements animaux. Lors de l’émeute finale, alors que le peuple vient d’apprendre les morts de Zafar et de Farouq, les cris qu’ils jettent sont, de même, rapprochés des hurlements des chiens : « Lancinantes, aiguës comme celles des chiens qui hurlent, une voix, puis une autre, puis encore d’autres ont entamé une mélopée. » (p. 392). Cette animalisation s’explique par la façon dont les Occidentaux considèrent les habitants de Khaufpur, ainsi que le rappelle l’une des habitantes, une vieille femme, subalterne, qui interpelle les avocats et leur dit : « Monsieur l’avocat, nous vivions à l’ombre de votre usine. Vous nous disiez que vous fabriquiez des remèdes pour les champs, des poisons contre les insectes, mais c’est nous que vous avez tués à la place. Je voudrais vous demander : Est-ce que vous avez jamais fait de différence entre eux et nous ? » (p. 369) ; l’interprète dit à l’avocat qu’il ne peut pas traduire ces termes, dans la plus stricte logique de la domination exercée envers les subalternes.

Mais l’animalisation ne se limite pas uniquement aux habitants de Khaufpur : les Occidentaux eux-mêmes sont animalisés ou déshumanisés. Les journalistes sont comparés à des vautours : « Des vautours, c’est ça que vous êtes, vous, les journalistes. » (p. 14) ; les pensées du journaliste sont aussi assimilées à « des rats » (ibid.). Le principal avocat de la Kampani est systématiquement qualifié de « buffle ». Les lecteurs du livre sont limités à leurs yeux. La catastrophe a créé une distorsion de l’humanité, et cette dernière ne concerne pas uniquement les victimes.

Alors que la description de la catastrophe environnementale semble uniquement envisagée d’un point de vue humain, Sinha montre en fait comment elle permet un dépassement de l’anthropocentrisme. De fait, dans Animal’s People, l’animalité est souvent envisagée d’un point de vue positif : pour Somraj, les animaux (grenouilles, paons, hérons, chèvres) font une musique qui est tout aussi belle, voire plus belle que la musique humaine, parce qu’elle entre en harmonie avec la vibration originelle (le sa). Jara, la chienne, a un comportement plus humain que celui d’Animal lui-même. Sinha joue d’ailleurs de cette ambiguïté lorsqu’Animal la présente au lecteur : dans la mesure où il se compare sans cesse à elle, on croit dans un premier temps qu’il s’agit d’un être humain, d’autant qu’il recourt à des termes humanisants comme « On travaillait sur le même territoire » ou « On se disputait des friandises » (p. 28). On pourrait prendre cette ambiguïté pour une preuve de l’animalité d’Animal, mais elle est aussi une preuve de l’humanité de Jara. De fait, on peut lire des émotions sur sa gueule (« souriant de son sourire de chien », p. 215 ; « Jara m’a adressé un regard lourd de reproches » p. 407) ou dans son comportement (« Jara s’arrêtait souvent et regardait derrière elle comme pour lui dire de se presser », p. 216). Ma Franci l’inclut dans la famille qu’ils forment tous les trois (« on s’inquiétait, la chienne et moi », p. 297), et Animal explique à son propos que « les animaux gardent la foi » (p. 393). Par conséquent, ses réactions permettent à Animal de se reconnecter à sa propre humanité par l’intermédiaire de ses émotions, comme après la mort d’Aliya : « La chienne s’est précipitée vers moi, m’a sauté dessus, m’a léché le visage. Ce geste, qu’elle avait dû faire des milliers de fois, m’a mis les larmes aux yeux » (p. 393). Du fait de cette positivité du monde animal, l’animalité, qui est perçue comme une malédiction pendant une partie conséquente du livre, devient une chance.

Cela est particulièrement visible à travers la figure d’Animal. Durant tout le livre, Animal revendique son animalité, qui fonctionne comme une métaphore de son handicap, ou de son désir de s’abstraire des normes sociales communes, comme le lui fait remarquer Farouq :

Ton problème, Animal, je vais te le dire : c’est d’imaginer qu’à cause de ton dos tordu et de ton cul en l’air quand tu marches, personne n’oserait te critiquer. « Je suis un animal », tu bêles ça à longueur de journée. « Je suis un animal, je n’ai pas à vous aimer, les lois de la société ne s’appliquent pas à moi puisque je suis un putain d’animal. » (p. 109)

On pourrait encore citer cet autre propos du personnage : « Sale branleur ! Toutes ces histoires d’animal, c’est juste une excuse pour te conduire n’importe comment, aussi mal que tu veux » (p. 111).

L’animalité d’Animal est en définitive retournée en la marque de sa singularité absolue, lorsqu’il prétend, à plusieurs reprises, être le seul animal de son espèce : « Je suis le seul spécimen de mon espèce » (p. 253). Il raconte également qu’un jour Nisha lui a montré un livre contenant des photos de tous les animaux indiens, « mais il n’y en avait pas un qui me ressemblait. Nisha a conclu : “C’est parce que tu es unique. Tu peux en être fier.” Ça me rendait plutôt triste » (p. 270). La prostituée Anjali lui rappelle aussi : « Puis, tout abattu, tu as dit que tu étais bien le seul animal qui ne trouverait jamais de partenaire parce que tu étais le seul spécimen de ton espèce, qu’il n’existait aucune femelle qui te corresponde » (p. 291).

On comprend dès lors que si cette animalité le fait souffrir et le conduit régulièrement à se poser des questions sur son identité, elle est aussi la marque de son caractère sublime. De fait, dans le cadre du trope apocalyptique, son animalité le rapproche tout d’abord des quatre Animaux du texte de saint Jean, qui symbolisent les Évangélistes (voir Apocalypse, 4 : 7-8). De fait, vers la fin d’Animal’s People, Animal déclenche, en brûlant l’usine de pesticides, ce que Ma perçoit comme la véritable fin du monde. Or, dans le texte de saint Jean, ce sont les Animaux qui ouvrent les sceaux libérant les quatre cavaliers dont l’action mène au Jugement dernier.

Animal partage un autre point commun avec les Animaux de la Bible : leur nature hybride. Comme eux, il est en effet à la fois humain et animal. Cette hybridité se manifeste d’ailleurs à travers son corps. Le corps composite d’Animal est fréquemment décrit comme formé de deux moitiés qui auraient été artificiellement jointes, comme dans ce propos de Kha-dans-le-bocal : « Frère Animal, nous ne sommes pas si différents que ça l’un de l’autre, toi et moi. On fait tous les deux les choses en double, il y a deux moi et il y a aussi deux toi. [...] [il y a le] toi, de tes hanches, à l’endroit où ton corps se plie, il y a un deuxième toi qui monte tout droit, debout et grand. Il est là en permanence. Il a toujours été là, pensant, parlant, agissant, mais il est invisible... » (p. 171). Or, cette hybridité le rapproche d’un personnage du Mahābhārata, le roi Jarasandha, né de deux moitiés différentes qui ont été assemblées par la rakshasī Jara. Ce rapprochement explique sans doute d’ailleurs pourquoi la chienne Jara est quasiment le seul être capable de connecter Animal à son humanité. Comme Jarasandha, Animal est de nature double. Il est à la fois homme et animal. Dans le Mahābhārata, Jarasandha, qui est démoniaque par essence, ne peut être vaincu à moins qu’on ne le coupe en deux. Or, à la fin du roman, Animal refuse précisément qu’on le coupe en deux, qu’on le rende humain. Après l’avoir longtemps désirée, il rejette l’opération qui pourrait guérir sa scoliose et préfère mettre l’accent sur ses capacités dont certaines sont quasiment de l’ordre de l’épique :

Tel que je suis, au moins, je peux courir, sauter, porter les enfants sur mon dos, grimper aux arbres lisses. J’ai escaladé des montagnes, habité dans des forêts. [...] Si je suis un humain sur deux pieds, je disparaîtrai dans la foule de millions de mes semblables sans pour autant être un spécimen en très bonne forme. Alors que si je reste sur quatre pattes, je suis Animal, le seul, le vrai. (p. 438)

En gardant sa nature hybride, le héros, contrairement à Jarasandha, ne pourra être vaincu. Son hybridité, son statut mi-homme mi-animal lui permettent donc d’accéder à un statut noble, d’un sublime hugolien, qui mêle le grotesque au sublime.

L’hybridité d’Animal n’est pas seulement corporelle. Elle concerne aussi son esprit, puisqu’il est atteint de schizophrénie, affection psychique qui fait écho à la déformation du corps. Animal entend des voix, comme son modèle dans la vie réelle, Sunil Kumar. Or, il n’entend pas n’importe quelle voix : la voix de sa mère, la voix d’Aliya, la voix de Ma Franci, la voix du Kha-dans-le bocal sont toutes des voix de morts. Animal sert de médiateur entre les vivants et les morts. Son hybridité entre l’humanité et l’animalité lui confère donc des capacités post-humaines (voir Nixon, 2011, p. 54). Dans Animal’s People, cette post-humanité naît de la souffrance, une souffrance qui a obligé le héros humain à se transformer, à assumer ouvertement son altérité animale. À travers l’histoire d’Animal, Sinha montre donc que l’appréciation de l’animalité serait le corollaire de la naissance d’une véritable post-humanité.

4. Conclusion

En conclusion, Sinha sublime les souffrances vécues par les habitants de Bhopal. Cette sublimation passe par la réappropriation de deux motifs typiques de la littérature environnementale, l’apocalypse et l’animalité. L’usage du premier permet de sacraliser les hommes grâce à la référence implicite aux mythes. La seconde montre leur résilience, qui est celle d’Animal, personnage collectif. Animal, né quelques jours avant la catastrophe qui l’a rendu orphelin, représente en effet la communauté de Khaufpur, le « peuple d’Animal » du titre. Il fait entendre leurs voix, celles des vivants comme des morts. En montrant comment il dépasse ce qui initialement était un handicap, en transcendant le motif de l’animalité, Sinha dépeint des victimes portées vers le sublime et non pas seulement vouées à la déchéance.

La façon dont Sinha représente la catastrophe et ses suites peut dérouter — la fin se termine sur un happy end, artificiel au premier abord. Mais elle a, en définitive, plusieurs mérites. Elle montre l’absence de résignation d’un peuple sorti des clichés post-coloniaux. Elle réévalue ce qui est de l’ordre du handicap, de l’animalité et de la subalternité. Elle transcende enfin par la littérature une réalité plus sombre. De fait, la catastrophe devient, pour toutes ces raisons, ambivalente, à la fois porteuse de douleur mais aussi d’un espoir infini.

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Note

1 Certains articles abordent ce livre à travers le prisme des questions postcoloniales ou subalternes (Heather Snell, Roman Bartosch, Liam O’Loughlin, Brigitte Rath), d’autres par le biais de la question des droits humains (Alexandra Schultheis Moore), d’autres encore s’intéressent davantage à la question environnementale (Susi O’Brien, Allison Carruth, Rob Nixon), d’autres à la représentation du handicap (Jina B. Kim).

2 Dans les références suivantes, nous donnerons uniquement la page du roman qui fait l’objet de cette étude.

3 Activiste victime d’une schizophrénie paranoïde dont on ne savait si elle était due à la catastrophe, Sunil Verma Kumar avait perdu ses parents et cinq de ses frères et sœurs dans la nuit du 2 décembre 1984. Il s’est suicidé en 2006.

4  Sinha joue aussi de la porosité entre le réel et la fiction dans deux nouvelles où il reprend le personnage d’Animal : « Animal in Bhopal » et « Blah blah blah ! », consultables sur le site www.indrasinha.com. Sur sa page Internet, il renvoie même à de véritables pages Youtube, pour montrer les chansons préférées d’Animal.

5 On peut bien sûr penser à La Métamorphose de Kafka mais aussi à Maüs d’Art Spiegelman. La métaphore animale est également employée de façon plus épisodique dans un certain nombre d’œuvres, voire dans la propagande. Voir Le Bras-Chopard, 2000.

Per citare questo articolo

Referenza elettronica

Elena Langlais, « « Animal’s people » d’Indra Sinha : de la catastrophe à son dépassement », Atlantide [On line], 10 | 2020, On line dal 01 juillet 2020, ultima consultazione: 09 octobre 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=1329

Autore

Elena Langlais

Titulaire d’une licence de hindi de l’Inalco et agrégée de Lettres Modernes, Elena Langlais a soutenu une thèse de Littérature Comparée portant sur les transformations et les réécritures des modèles épiques en Inde.

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