« That song tonight will not go from my mind » : souvenir mélodique et résonances shakespeariennes dans l’opéra du XIXe siècle

DOI : 10.56078/atlantide.401

Abstracts

À l’acte IV d’Othello, Desdemona se souvient d’une chanson. Ce n’est pas la musique en tant que telle mais plutôt, pour ainsi dire, sa fonction prosopographique qui entre ici en jeu : la chanson ne fait que rappeler à la protagoniste, comme une antienne, la sombre destinée de la personne qui la chantait. Le thème imbriqué du souvenir et du souvenir sonore a promu ce moment dramatique au rang d’une pièce obligée de l’univers musical du xixe siècle, grâce surtout au traitement oblique qui en a été fait par Rossini dans son Otello (1816). Car en ajoutant une citation de l’Enfer de Dante en prélude à la Romance du Saule chantée par Desdemona, le compositeur a amorcé une chaine d’échos et de réponses en miroir qui traverse l’histoire musicale et littéraire de ce siècle.

The conclusion of Shakespeare’s Othello involves the remembrance by Desdemona of the grief-stricken maid who once sang the Willow Song. This dramatic moment gained lasting presence in the musical landscape of the 19th century thanks to Rossini’s inclusion of lines from Dante’s Inferno in the scene. Through this addition, the composer initiated a chain of Shakespearean echoes and specular responses that resonate in countless musical and literary works of that century.

Full text

« They have been crucifying Othello ». C’est avec ce cri d’horreur que Byron accueillit la première version lyrique de la pièce de Shakespeare, composée en 1816 pour l’Opéra San Carlo de Naples – dans le post-scriptum d’une lettre écrite de Venise en 18181. Si cette exclamation est aujourd’hui souvent citée, c’est que le compositeur, Gioacchino Rossini, n’était peut-être pas loin d’avoir le même avis sur son livret, qui transforme la pièce de Shakespeare de fond en comble, faisant de Rodrigo le rival que préfère le père de Desdemona, remplaçant le mouchoir dérobé par une lettre interceptée, supprimant le lent cheminement de la jalousie plantée par Iago dans l’esprit d’Othello, éliminant de nombreux personnages et plaçant l’ensemble de la scène à Venise et non plus en partie à Chypre. Les grands moments de l’opéra sont des scènes purement et simplement absentes de la pièce de Shakespeare, et le conflit central devient celui qui oppose Desdemona à son père, avec pour clou la malédiction que prononce ce dernier contre elle. Seul l’acte III se rapproche assez fidèlement du dernier acte de la tragédie shakespearienne, et l’on y voit Otello tuer sa femme puis se suicider lorsqu’il découvre la traîtrise de Iago et l’innocence de son épouse.

Mais Rossini ne connaissait sans doute pas la pièce dans sa version originale. Ainsi le critique Henri Blaze déclare-t-il vingt-huit ans plus tard : « pouviez-vous donc songer à Shakespeare lorsque vous écriviez, sans vous occuper du lendemain, cette partition d’Otello que l’espace d’une saison italienne devait voir naître et mourir ? […] Dites, cher maître, à cette époque, saviez-vous seulement qu’un grand poète du nom de Shakespeare eût jamais existé ? »2 

Pourtant, selon le témoignage du peintre Felix Moscheles, fils du pianiste Ignaz Moscheles, Rossini, apparemment conscient des faiblesses du livret mais aussi de son potentiel, avait fait ajouter trois vers de Dante, qui servent en quelque sorte d’introduction à la Romance du Saule que chante Desdemona à l’acte III, même s’ils n’ont pas de rapport direct avec l’action :

Nessun maggior dolore
che ricordarsi del tempo felice
nella miseria.3 

Le cheminement de ces trois vers et de leur mélodie brève mais intensément évocatrice à travers le paysage musical du XIXe siècle européen offre une instance de ce que le philosophe Adorno nommait la vie pulsionnelle des œuvres, et que résume en quelque sorte le titre de son essai Musikalische Diebe, Unmusikalische Richter (1934)4. Car ce thème va petit à petit se substituer à la romance du Saule pour évoquer d’abord le personnage de Desdemona, puis la pièce de Shakespeare, la ville de Venise ou les amours tragiques en général. C’est l’itinéraire de ce déplacement qu’on se propose d’aborder ici.

Dans sa Vie de Rossini, Stendhal, qui analyse avec sévérité l’opéra de Rossini, se contente de traduire les vers de Dante en note en bas de page, sans s’appesantir sur cet ajout inattendu : « Il n'est pas de plus grande douleur que de se souvenir des temps heureux au sein de la misère. »5 Mais pour Rossini la citation dantesque était semble-t-il capitale, tout comme pour Musset, qui intègre ces vers dans son poème Souvenir, demandant : « Dante, pourquoi dis-tu qu’il n'est pire misère / Qu'un souvenir heureux dans les jours de douleur ? »6 Moscheles note ainsi l’enseignement proprement musical que Rossini attribue à la poétique dantesque, et l’importance structurelle qu’il accorde à l’intégration des vers du poète florentin dans son drame vénitien :

He told me he had given much time to the study of Italian literature in his day. Dante was the man he owed most to; he had taught him more music than all his music-masters put together; and when he wrote his “Otello” he insisted on introducing the song of the Gondolier. His librettist would have it that gondoliers never sang Dante, but he would not give in.
“I know that better than you,” he said, “for I have lived in Venice, and you haven't. Dante I must and will have.”7

L’exquise phrase musicale esquissée par le Gondolier, qui fredonne ces vers en traversant la lagune pour tromper l’ennui sur le chemin du retour, ainsi que l’explique la confidente Emilia, déclenche chez Desdemona une association d’idées avec le chant d’amour désespéré qu’affectionnait sa nourrice africaine, abandonnée par celui qu’elle aimait.

La scène est décrite, non sans ironie, par Stendhal qui semble attribuer l’insertion du chant du gondolier à l’ineptie du librettiste :

Il y a du bonheur dans la manière dont est écrit ce petit morceau de récitatif obligé. Le chant du gondolier rappelle à la jeune Vénitienne le sort de l'esclave fidèle qui, achetée en Afrique, éleva son enfance et mourut loin de sa patrie. Desdemona, en parcourant sa chambre à pas précipités, se trouve auprès de sa harpe, qui, dans les grands théâtres d'Italie, reste immobile au côté gauche de la scène. Le lit fatal est au milieu. Desdemona cède à la tentation de s'arrêter près de sa harpe ; elle chante la romance de l'esclave africaine sa nourrice :
Assisa al piè d'un salice.
Il était difficile de mieux amener ce chant, il faut le dire à la gloire de l'auteur du libretto (M. le marquis Berio, aussi aimable comme homme de société qu'il était privé de talents comme poëte)8.

Or la structure en deux temps du prélude à la romance de Desdemona marque un changement structurel par rapport au texte shakespearien d’origine. On a affaire à une construction mentale plus élaborée que dans l’original, qui dénote une recherche de réalisme psychologique. Là où Desdemona se contentait de raconter son souvenir à Emilia sans préciser ce qui l’avait déclenché, Berio et Rossini semblent chercher à justifier l’interruption de l’action par l’aria. Dans la pièce, Desdemona est inquiète mais se met à parler de la servante de sa mère sans raison apparente, tout en se préparant à se coucher :

DESDEMONA
 My mother had a maid call'd Barbary:
 She was in love, and he she lov’d proved mad
 And did forsake her. She had a song of ‘willow’;
 An old thing ’twas, but it express’d her fortune,
 And she died singing it. That song to-night
 Will not go from my mind9; (IV.3.26-31)

Dans l’opéra, en revanche, la citation dantesque permet une véritable « mise en scène » pour l’air du Saule, qui acquiert, lui, une importance démesurée, passant de simple antienne chantonnée pendant la toilette de Desdemona à une aria que le xixe siècle placera au firmament des airs de bravoure entonnés par les plus grandes divas, Maria Malibran, Giuditta Pasta ou Pauline Viardot, avant que la déchirante Canzone del Salice de l’opéra de Verdi ne vienne prendre sa place dans le répertoire des cantatrices. Dans la pièce, Desdemona entend mentalement la mélodie de son enfance avant de la chantonner. Elle s’y réfère comme à un « ver d’oreille » (Ohrwurm, earworm), un motif musical dont elle ne peut se débarrasser, qui l’obsède et qu’elle est presque obligée de chanter à haute voix. Dans l’opéra, au lieu d’entendre en prélude, comme on aurait pu s’y attendre (et comme c’est le cas dans l’opéra de Verdi), un fragment de la mélodie de l’air du Saule, c’est un tout autre thème qui s’impose, le refrain du gondolier. Par son affinité thématique et instrumentale, c’est ce refrain qui va jouer désormais le rôle de « ver d’oreille », pour le public de l’opéra, et qui va être amené à rayonner hors de l’œuvre de Rossini.

Dans la pièce de Shakespeare, on peut supposer que la chanson du Saule est amenée par une association d’idées entre l’origine africaine d’Othello et celle de Barbary. À celle-ci se greffe une série d’autres rapprochements. Le premier associe l’arbre sous lequel est assis le personnage dont parle la chanson, un sycomore (sycamore), à l’amour malheureux et au Maure, par le biais du jeu de mot « sick-amour », qu’on trouve déjà à l’acte I de Romeo et Juliette, et qui se décline ici sous la forme « Sick-a-Moor »10. La seconde association se construit autour de l’arbre du refrain de la chanson, le saule (willow) dont les échos allitératifs (we, woe et weeping) invoquent le Psaume 137 :

1 By the rivers of Babylon, there we sat down, yea, we wept, when we remembered Zion.
2 We hanged our harps upon the willows in the midst thereof.11

Cette dernière association est pour Desdemona à la fois autoréférentielle et circulaire, puisque les larmes des Hébreux sont causées par le souvenir : la protagoniste se remémore celle qui pleurait (Barbary) et pleure à l’unisson ; elle se souvient inconsciemment des harpes suspendues aux branches et s’accompagne à la harpe ; elle évoque les saules sur lesquels sont suspendus les instruments et chante la chanson du saule ; elle se souvient du souvenir des exilés qui pleurent leur patrie perdue et exprime sa crainte de voir Otello exilé par la colère de son père12.

C’est le même processus que l’on retrouve à l’œuvre dans la composition rossinienne : inspiré par le souvenir ou du moins le prestige de la pièce de Shakespeare, même s’il ne comprenait pas l’anglais, Rossini voit bien qu’il est question de souvenir, et insiste pour insérer une citation de Dante. Il choisit donc trois vers consacrés à la mémoire. La musique étant un art entièrement abstrait, les associations d’idées passent presque toujours par un support textuel – celui du texte d’une chanson, ou du titre d’une œuvre à programme. Ce n’est donc pas la mélodie du gondolier qui rappelle à Desdemona son tourment mais bien son texte. Surtout, il lui rappelle son « amie » Isaura, arrachée à l’Afrique et morte de chagrin. Il s’agit ici de sa propre nourrice (comme l’explique obligeamment Emila en aparté), et non plus, comme dans la pièce de Shakespeare, de Barbary, une simple servante de sa mère. Il a été établi assez récemment que le librettiste de Rossini, Berio, ne s’était pas seulement inspiré de l’adaptation française d’Othello par Jean-François Ducis (1792) mais qu’il avait intégré un certain nombre d’éléments d’une transposition italienne de la tragédie de Shakespeare par le Baron Carlo Cosenza, œuvre qui fut représentée à Naples en 181313. L’une des particularités de ce drame (le sous-titre italien en est « azione patetica ») est de développer considérablement le thème et le rôle de la servante mauresque, mentionnée en passant par la Desdemona de Shakespeare, devenue déjà chez Ducis une victime de la jalousie que cite en exemple l’épouse d’Othello14. Isaura, « la buona Mora », a non seulement tenu lieu de mère à Desdemona, mais instruite de ce qu’est la déloyauté par sa propre expérience d’avoir été abandonnée par un Européen, elle l’a prévenue à plusieurs reprises que Iago était un traître. Elle a encouragé et protégé les amours de Desdemona avec le Maure, en raison de leur origine africaine commune, et a elle-même organisé le mariage secret d’Otello et Desdemona. Le discours de la pièce est incontestablement « éclairé », il construit en Otello et Isaure une noblesse naturelle et invente une affinité entre l’esclave devenue nourrice, Isaura et l’esclave devenu général, Otello. Enfin l’auteur a cherché à recréer la préhistoire du drame, un peu comme la culture populaire actuelle donne naissance à d’innombrables prequels et sequels. Ce qui ne l’a pas empêché de bouleverser l’histoire et les rôles des personnages à tel point qu’on ne reconnaît plus guère ni Shakespeare, ni même son modèle Giraldi Cinthio15, dans ce drame essentiellement politique. Le librettiste de Rossini semble avoir tenté une synthèse de ces trois ouvrages, la pièce de Shakespeare, l’adaptation française de Ducis et le drame de Cosenza, ce qui rend l’histoire peu compréhensible : un grand nombre d’événements passés ou de dangers courus par les personnages sont sous-entendus ou suggérés de façon très allusive, et c’est au spectateur de deviner pourquoi certains d’entre eux se haïssent ou d’autres sont pleins de crainte ou de ressentiment. Ce type de sous-entendu est cependant très fréquent dans l’opéra seria, et Rossini était un habitué de ce genre de livret – voir encore Henri Blaze :

Ce libretto, tout décousu qu’il est, vous paraissait sublime ; vous le teniez de Barbaja16 ; vous étiez sûr qu’une fois la partition écrite, une vaillante compagnie de chanteurs l’exécuterait aussitôt ; et, je le demande, quand on a vingt ans, du génie et le diable au corps, en faut-il davantage pour s’inspirer ?17 

La Desdemona de Berio ne développe donc pas plus avant la référence à l’esclave africaine, et se contente de déclarer qu’Isaura est son égale dans le malheur : « Infelice tu fosti al par di me. » Mais on voit ici que Barbary, qui n’était que le vecteur de la chanson remémorée de Shakespeare, s’incarne dans cette Isaura, que Desdemona invoque avec une certaine grandiloquence. La double exclamation « Isaura ! Isaura ! » accompagnée de façon marquée par l’orchestre donne chair au souvenir de la nourrice, tout en servant de transition vers la chanson et sa longue introduction à la harpe.

L’opéra est un genre extrêmement codifié, où l’on retrouve les mêmes composantes à des périodes et dans des pays très différents. Les compositeurs ont fait évoluer le genre à l’intérieur de ce cadre, réussissant à éliminer certaines composantes ou en ajouter d’autres, à affaiblir par exemple la notion d’aria sans jamais pourtant la faire entièrement disparaître. À l’intérieur de ce cadre, l’air populaire chanté par un personnage secondaire qui n’apparaît que pour une scène ad hoc est un trope assez fréquent – le marin de Dido and Aeneas (Henry Purcell, 1688), le marinier de Tristan et Isolde (Richard Wagner, composé entre 1857 et 1859), le berger Hylas dans Les Troyens (Hector Berlioz, 1858), le pâtre de Pélléas et Mélisande (Claude Debussy, 1898) en sont des cas types. Ces scènes remplissent exactement le même type de fonction que l’introduction de la Willow Song dans l’Othello de Shakespeare : elles dénotent le calme avant l’orage, servent souvent de déclencheur pour des associations d’idées ou de souvenirs, et surtout forment contraste avec la complexité musicale et l’intensité émotionnelle de l’épisode qui les suit.

Le refrain du Gondolier s’inscrit dans ce schéma (et de fait, un orage accompagne la confrontation entre Otello et Desdemona qui suit la romance), et pourtant il en diffère par le choix de l’auteur du texte. Entre la mélodie du Gondolier et la Romance du Saule, l’association d’idées ne passe ni par la forme sonore ni par l’identité verbale mais uniquement par l’idée du souvenir et de la douleur, incarnée par la chanteuse absente, Isaura/Barbary. La citation dantesque joue dès lors le rôle d’un ciment, du fait de la familiarité préalable qu’avaient les auditeurs italiens avec ce texte. Rossini fait en quelque sorte le même postulat que Shakespeare lorsqu’il insérait une mélodie populaire connue du public élisabéthain ou jacobéen, the Willlow Song, mais il déplace la référence, de la romance de Desdemona, création originale et véritable air d’opéra, vers le texte dantesque, auquel il offre une mise en musique pseudo-populaire. Il est à noter que le compositeur ne se conforme pas à la configuration attendue d’une barcarolle vénitienne, qui imposerait un rythme à 6/8 et une plus grande simplicité que ne suggère l’indication « maestoso » et les trémolos de violon qui la précèdent. La vogue de la barcarolle en Europe commence dès la fin du xviiie siècle et ne se dément pas jusqu’au début du xxe siècle, fournissant à la fois des chansons populaires comme La biondina in gondoleta, des Lieder et mélodies comme Auf dem Wasser zu singen de Schubert, des pièces pour piano et même des opéras entiers comme La Barcarolle, un opéra-comique de Daniel-Francois-Esprit Auber sur un livret d’Eugène Scribe (1845), Le Pont des Soupirs d’Offenbach (1861), ou encore Le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn (1935). Mais le thème du gondolier rossinien ne garde des caractéristiques de la barcarolle que la tonalité mineure et le caractère simple et entêtant de la mélodie, décrite par des musicologues tels que Hermann Mendel ou Gustav Schilling18.

D’une certaine manière, la citation dantesque vient se substituer à l’impossible mise en musique du texte shakespearien. Car, isolé de son contexte, le vers perd ses connotations adultérines : en effet, Francesca da Rimini, celle qui prononce ces mots dans le Chant V de l’Enfer, ressemble plus à la Duchesse d’Amalfi (héroïne de la pièce éponyme de John Webster, 1612-1613) qu’à la pure et chaste Desdemona. Or l’histoire de Francesca da Rimini, assassinée par son mari difforme avec son amant et beau-frère, Paolo, a inspiré nombre de compositeurs, en particulier Tchaïkovski, Rachmaninov, Liszt dans sa Dante Symphonie, Ambroise Thomas et Riccardo Zandonai. Tchaïkovski était particulièrement hanté par les trois vers de Francesca, qu’il a mis en musique trois fois, qu’il a abondamment cités dans sa correspondance et que l’on retrouve dans son opéra Mazepa19. Rossini n’était donc pas seul à priser cette citation dantesque, même s’il est le premier à la confier à un personnage populaire.

Le thème du Gondolier, quant à lui, est repris textuellement par Franz Liszt dans la Deuxième des Années de Pèlerinage : Italie. Venezia e Napoli. Composée en 1840, révisée en 1859, publiée en 1861, cette œuvre comprend un supplément de trois pièces dont la seconde, la Canzone, est entièrement fondée sur la chanson de Rossini. L’indication de tempo, « Lento doloroso. Sempre accentuato assai », en souligne l’humeur affligée et lancinante, celle qui accompagne la chanson dans les nombreuses références qui lui sont faites dans les correspondances, essais critiques ou œuvres littéraires de la première moitié du xixe siècle.

Signe indéniable de leur succès, les trois vers et leur mise en musique par Rossini ont aussi été abondamment pastichés et parodiés, notamment par Berlioz (1847) et Donizetti (1831). Ainsi Berlioz transpose-t-il le texte dans une courte mélodie : « Nessun maggior piacere / Che ricordarsi d’un tempo infelice / Nella fortuna. », ce qui donne en français : « Aucun plaisir n’est plus grand / Que de se rappeler le temps de la misère / Lorsque l’on est heureux »20. Le librettiste de Donizetti, quant à lui, les trivialise : « Nessun v’è maggior dolore / Che aver vota la pancia / e far l’amore nella miseria » – « Il n’est pas plus grande douleur / qu’avoir le ventre vide / et faire l’amour dans la misère »21.

La fortune du thème rossinien tient à sa proximité avec la Chanson du Saule et avec le dénouement tragique de l’opéra, l’un des premiers drames lyriques du xixe siècle à en proposer – Rossini a d’ailleurs été contraint de fournir une fin heureuse (« lieto fine ») pour certains théâtres italiens22. Ce souvenir sonore hante aussi la littérature, puisqu’il préside à la rencontre entre Daniel Deronda, le héros du roman éponyme de George Eliot (1876), et la cantatrice Mirah, qu’il sauve d’une noyade tout droit inspirée de celle d’Ophélie. On y « entend » le héros chantonner l’air du gondolier tout en maniant les rames de sa barque sur la Tamise. Et c’est parce qu’elle reconnaît le thème dantesque que la jeune chanteuse juive Mirah décide de passer à l’acte, et d’imiter Ophélie, après avoir caché son chapeau au milieu des saules (rappelant Desdémone) qui poussent au bord de la rivière, se référant donc inconsciemment à deux héroïnes shakespeariennes – ce qui n’est pas illogique pour une jeune femme issue du milieu du théâtre23.

La médiation dantesque prend donc la place de la citation shakespearienne et impose la double présence de Francesca da Rimini et du gondolier dans l’univers musical du xixe siècle, que ce soit dans le monde réel des salons et salles d’opéra européens décrits par Alfred de Musset ou dans le monde fictionnel des romans d’Eliot ou de Balzac24. Le thème du gondolier prend une valeur paradigmatique de citation littéraire substitutive, et ses multiples réutilisations s’apparentent à celles d’un leitmotiv ou d’une « idée fixe » mise à la disposition du collectif des compositeurs romantiques et post-romantiques, bien avant l’apparition « officielle » du concept de leitmotiv25.

Mais les résonances des thèmes shakespeariens traversent avec une grande constance l’univers de l’opéra par le biais d’emprunts et de citations telles que la chanson du gondolier et partant, par le jeu d’associations sonores et conceptuelles. D’un opéra à l’autre, l’association cesse parfois d’être purement mélodique pour tisser des correspondances sonores autour du double thème du souvenir et des émotions qu’il suscite.

La fascination conjointe pour Shakespeare et la thématique du souvenir se retrouve de façon magistrale chez Hector Berlioz, en particulier dans son opéra Les Troyens. C’est ainsi que le duo d’amour qui réunit Didon et Énée les amène à citer le dialogue de Jessica et Lorenzo à l’acte V du Marchand de Venise, alors que la majeure partie du texte du livret, écrit par le compositeur, s’appuie sur L’Énéide de Virgile. Construit sur une série de réminiscences d’amants mythiques, ce duo joue sur une structure anaphorique qui est reprise par Berlioz. Or la répétition de « On such a night… », devenue « Par une telle nuit... », est déjà une citation de l’office pascal catholique de l’Exultet, tombé en désuétude dans l’Angleterre élisabéthaine en raison de la Réforme26, lui-même une forme chrétienne du rituel de la Pâque juive, avec ses quatre questions insistantes : « En quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? » Tout se passe comme si la mise en scène du souvenir passait par l’incorporation obligée d’un élément auditif extérieur, allogène, mais déjà connu, fût-ce inconsciemment : chanson populaire, prière ou citation littéraire.

Ainsi l’Otello de Giuseppe Verdi, avant-dernière œuvre du maître italien, créée en 1887, fait un usage très similaire du thème du souvenir, et cela en intégrant des éléments que l’on pourrait apparenter au langage wagnérien qui lui est contemporain. Le thème du baiser, notamment, peut être considéré comme une forme de leitmotiv, qu’on entend d’abord en conclusion de l’acte I, puis juste avant qu’Otello ne tue Desdemona, et enfin au moment de la mort du protagoniste. Très proche de l’esprit de Tristan et Isolde de Wagner, voire de la Walkyrie, le thème du baiser intègre des effets voisins de ceux qu’utilisait Wagner, dont Verdi admirait ouvertement l’œuvre, et en particulier le second acte de Tristan et Isolde27. Que la parenté harmonique entre le thème du baiser et le motif de Tristan soit volontaire ou fortuite, pour l’auditeur qui l’identifie, elle crée un parallèle sonore entre l’amour conjugal, certes passionné, d’un général d’âge mur et de son épouse vertueuse mais calomniée, et les amours illégitimes d’Isolde et Tristan, ou celles de Sieglinde et son frère Siegmund. On retrouve donc la même superposition entre l’adultère commis (par Isolde, par Francesca) et l’adultère inventé de Desdemona, imaginé par Othello, que dans l’association entre le thème du gondolier et l’air du saule.

En termes de « mise en scène » musicale, en revanche, le trémolo de violon qui précède l’émergence du thème du baiser de Verdi à chacune de ses trois apparitions est très voisin de l’introduction qui précède le chant du gondolier de Rossini. Or la première occurrence du thème du baiser vient en conclusion d’un duo que Verdi et son librettiste Arrigo Boito ont construit à partir du texte shakespearien comme une remémoration des amours d’Othello et de Desdemona, qui vient se substituer à l’ensemble de l’acte I shakespearien. À l’opposé de l’opéra de Rossini, situé entièrement à Venise, celui de Verdi se déroule en effet intégralement à Chypre. Il devient donc nécessaire de réintroduire les événements « vénitiens » de l’histoire par le biais du duo, qui commence par la question : « Te ne rammenti ? » (« t’en souviens-tu ? »). Le duo s’achève par une illustration musicale des répliques de la fin de la première scène de l’acte II shakespearien, dont l’objet est l’ineffabilité du bonheur du protagoniste :

OTHELLO.
I cannot speak enough of this content;
It stops me here; it is too much of joy:
And this, and this, the greatest discords be
That e’er our hearts shall make! (II.1.195-9)

Je ne puis pas expliquer ce ravissement.
Il m’étouffe… C’est trop de joie.
Tiens ! Tiens encore ! Que ce soient là
Les plus grands désaccords que fassent nos cœurs !28

L’éloquence du héros shakespearien est entièrement transposée dans le discours orchestral, comme si la langue italienne s’effaçait une fois encore devant le défi insoluble de mettre en musique la langue de Shakespeare. Dans le duo du premier acte, c’est le souvenir qui suscite et amène le thème du baiser. Plus tard, en voyant Desdemona endormie, Otello se souvient du « temps heureux », matérialisé par le thème du baiser et qui renvoie au texte shakespearien que Boito n’a pas repris :

Ah balmy breath, that dost almost persuade
Justice to break her sword! One more, one more.
Be thus when thou art dead, and I will kill thee,
And love thee after. One more, and this the last29. (V.2.16-9)

La citation dantesque prend ici une forme purement musicale, sans texte, jouant uniquement sur la mémoire du protagoniste – et de l’auditeur. La troisième occurrence du thème correspond encore une fois au texte shakespearien : « no way but this;/Killing myself, to die upon a kiss. » (V.2.359-60). Ces vers sont effectivement traduits et même développés par Boito, qui réintègre ici une partie du texte coupé en début d’acte. Mais cette fois le silence est imposé par la mort qui vient couper la parole à Otello. La dernière syllabe du mot bacio – baiser – voit une fois encore l’orchestre se substituer à la voix :

Pria d'ucciderti. . .sposa. . . ti baciai,
Or morendo. . .nell'ombra. . . in cui mi giacio. . .
Un bacio. . . un bacio ancora. . . ah!. . . un altro bacio. . .  (IV.4.543-5)

Avant de te tuer…femme…je t’embrassai…
Mourant à présent…dans l’ombre…dans laquelle je m’étends.
Un baiser…un baiser encore…ah !… un autre baiser !30 

On retrouve le double thème shakespearien et dantesque dans l’opéra de Debussy, Pelléas et Mélisande, dont l’un des objets est la jalousie du prince vieillissant Golaud envers sa jeune et mystérieuse épouse Mélisande, rencontrée au bord d’une source dans laquelle elle songeait apparemment à se jeter, référence indirecte à Ophélie, et qui s’éprend ensuite du frère de son époux, comme Francesca. Othello est cité directement et indirectement dans plusieurs scènes, lorsque Golaud découvre que Mélisande a perdu l’anneau qu’il lui avait donné, et plus tard lorsqu’il refuse qu’elle lui essuie le front et lui crie : « Votre chair me dégoûte » (acte IV, scène 2). La dernière scène transpose l’exclamation d’Othello à l’acte IV scène 1, « But yet the pity of it, Iago! / O Iago, the pity of it, Iago! » (IV.1.191-2) en la mettant dans la bouche d’Arkel, le grand-père de Golaud : « Mais la tristesse, Golaud ! Mais la tristesse de tout ce que l’on voit ! » (acte V, scène 1). Maurice Maeterlinck, l’auteur de la pièce dont Debussy s’est servi, en l’abrégeant mais sans modifier le texte, s’est aussi inspiré d’Hamlet (pour le personnage de Pelléas et le sombre château où se déroule l’action), mais le meurtre des amants et l’atmosphère mystérieuse du récit sont très liés au couple dantesque de Francesca et Paolo et au tourbillon dans lequel ils apparaissent dans l’Enfer, et qui a tant inspiré les artistes du xixe siècle, notamment les préraphaélites31.

On retrouve à l’œuvre dans l’opéra de Debussy le même principe que dans celui de Rossini ou de Verdi : des citations thématiques qui suppléent aux citations littéraires, jouant sur la mémoire de l’auditeur pour augmenter la charge affective d’un développement musical. Debussy a délibérément choisi de mettre en musique un texte particulièrement elliptique, où la musique instrumentale vient à tout moment se substituer à ce que les personnages n’arrivent pas à exprimer. La résonance shakespearienne s’y construit comme chez Verdi par le biais de la citation wagnérienne : le triangle amoureux de Pelléas reflète en effet celui de Tristan et Isolde, même s’il ne cite pas directement cette œuvre, mais plutôt des thèmes de Parsifal.

On voit ici à l’œuvre le travail incessant de l’affinité thématique et de la substitution créative par le recours « à un matériau immédiatement surgi du souvenir »32. C’est cette chaine de références imbriquées et parfois imperceptibles que désigne Adorno par les termes de « vie pulsionnelle des œuvres » et que dissèque Marcel Proust à travers l’étude des résonances de la petite phrase de Vinteuil, lorsqu’il ne peut s’empêcher de la mettre en regard de Tristan :

En jouant cette mesure, et bien que Vinteuil fût là en train d’exprimer un rêve qui fût resté tout à fait étranger à Wagner, je ne pus m’empêcher de murmurer : « Tristan », avec le sourire qu’a l’ami d’une famille retrouvant quelque chose de l’aïeul dans une intonation, un geste du petit-fils qui ne l’a pas connu. Et comme on regarde alors une photographie qui permet de préciser la ressemblance, par-dessus la sonate de Vinteuil, j’installai sur le pupitre la partition de Tristan, dont on donnait justement cet après-midi-là des fragments au concert Lamoureux. […] Je me rendais compte de tout ce qu’a de réel l’œuvre de Wagner, en revoyant ces thèmes insistants et fugaces qui visitent un acte, ne s’éloignent que pour revenir, et, parfois lointains, assoupis, presque détachés, sont, à d’autres moments, tout en restant vagues, si pressants et si proches, si internes, si organiques, si viscéraux qu’on dirait la reprise moins d’un motif que d’une névralgie.33

Proust parle ici de fragments, de particules libres, d’anamorphoses. Sans se mêler nommément du cas Shakespeare, il s’inscrit dans le mouvement artistique de ceux qui attribuent l’originalité d’une œuvre à la puissance de telle ou telle cellule minime plutôt qu’à l’architecture ou à l’économie de l’œuvre totale. Il se réfère à Wagner, mais le Wagner auquel il se réfère, n’est pas celui du Gesamtkunstwerk, de l’œuvre totale, c’est le compositeur de « fragments au concert Lamoureux », créateur de thèmes insistants et fugaces, c’est le « Meister des ganz Kleinen », le maître de la petite forme, auquel Nietzsche réserve la page « Wo ich bewundere » de son dossier « Nietzsche contra Wagner »34. Cette préférence pour la petite forme est aussi celle sous laquelle l'histoire de l'opéra a intégré l'héritage shakespearien, car à l’exception du Midsummer Night’s Dream de Benjamin Britten (1960), et plus récemment de The Tempest de Thomas Adès (2004), il n’existe que peu de grands opéras qui se soient proposé d’être entièrement fidèles à leur modèle shakespearien.

Notes

1  Voici la citation complète de la lettre : « They have been crucifying Othello into an opera (Otello, by Rossini); the music good, but lugubrious; but as for the words, all the real scenes with lago cut out, and the greatest nonsense instead; the handkerchief turned into a billet-doux, and the first singer would not black his face, for some exquisite reasons assigned in the preface. Singing, dresses, and music, very good. » Letters and journals of Lord Byron: with notices of his life, vol. 2, Baron George Gordon Byron, Londres, J. Murray, 1830, LETTER CCCVIII. TO MR. MURRAY, Venice, Feb. 20th, 1818. Également éditée dans Leslie Marchand, Byron's Letters and Journals, vol. VI, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1976, p. 129.

2  Henri Blaze, « Lettre à Rossini à propos d’Othello », Revue des Deux Mondes, t. 8, 1844, p. 167.

3  Dante, Divine Comédie, Enfer, Chant V, v. 121-123.

4  Musikalische Schriften, IV, Francfort, Suhrkamp, 2003. Le titre fait allusion aux « voleurs musicaux ».

5  Vie de Rossini, par M. de Stendhal, Paris, A. Boulland, 1824, t. I, p. 295.

6  Alfred de Musset, Souvenir dans Revue des Deux Mondes, 4ème série, t. 25, 1841, p. 568.

7  Felix Moscheles, Fragments of an Autobiography, Londres, Ballantyne, 1899. Traduction : « Il me dit qu’il avait consacré beaucoup de temps à l’étude de la littérature italienne en son temps. Dante était celui à qui il devait le plus ; il lui avait enseigné plus de musique que tous ses maîtres de musique réunis ; et quand il avait écrit son Otello, il avait insisté pour y introduire des vers de Dante. Son librettiste soutenait que les gondoliers ne chantent jamais le Dante, mais il ne voulait pas céder. “Je sais cela mieux que toi”, lui dit-il, “car j’ai habité Venise et toi non. Il me faut du Dante” ». L’entrevue date de 1860 et est également relatée dans une lettre de Felix à son père. Voir Herbert Weinstock, Rossini: a Biography, New York, Limelight, 1987, p. 343.

8  Felix Moscheles, op. cit., p. 296.

9  William Shakespeare, Othello, E.A.J. Honigmann (éd.), Londres, Thomson Learning (Arden Shakespeare : Third Series), 1997.

10  Voir Patricia Parker, » What's in a Name: and More », Sederi, n° 11 (Revista de la Sociedad espanola de estudios renacentistas ingleses), Pilar Cuder Dominguez (éd.), Huelva, Universidad de Huelva, 2002.

11  Texte de la King James Version. « 1 Sur les bords des fleuves de Babylone,/ Nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. 2 Aux saules de la contrée / Nous avions suspendu nos harpes. » Nouvelle Édition de Genève – (NEG 1979).

12  Voir Chantal Schütz, « Desdemona’s changing voices: from the “Willow Song” to the “Canzone del Salice” », Sillages critiques [En ligne], n° 16|2013, consulté le 30 mars 2014 : http://sillagescritiques. revues.org/2847

13  Voir Roberta Montemorra Marvin, « Il libretto di Berio per l’Otello di Rossini », Bolletino del Centro Rossiniano di Studi, n° 31, 1991, p. 53-76. Publié en anglais sous le titre « Shakespeare and Primo Ottocento Italian Opera: the case of Rossini’s Otello », dans Holger Klein et Christopher Smith (éds.), The Shakespeare Yearbook, vol. 4, The Opera and Shakespeare, Lewisto (New York), The Edwin Mellon Press, 1994, p. 71-95.

14  » La malheureuse Isaure ! … hélas ! pour son tourment / L’aveugle jalousie égara son amant. », acte V, scène 2, Jean-François Ducis, Othello, ou le More de Venise. Tragédie par Ducis, représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la République, Paris, 1793, p. 45.

15  L’histoire d’Othello est inspirée de l’une des nouvelles de l’Hecatommithi de Giovanni Battista Giraldi Cinthio (1504-1573).

16  Domenico Barbaja était le directeur du Teatro San Carlo de Naples. En 1815 il avait proposé à Rossini un contrat aux termes duquel le compositeur devait fournir deux opéras par an aux théâtres napolitains. Rossini écrivit ainsi une dizaine d’opéras pour le San Carlo, dont Otello mais aussi Armida, Mosè in Egitto, Ermione, La donna del lago et Maometto II.

17  Henri Blaze, « Lettre à Rossini à propos d’Othello », op. cit., p. 169.

18  Voir Susan Youens, Heinrich Heine and the Lied, Cambridge University Press, 2007, p. 47-48.

19  The Tchaikovsky Handbook, vol. 1 (2002), p. 403.

20  New Berlioz Edition, vol. 15, Kassel, Bärenreiter, 2005.

21  La romanziera e l’uomo nero, farce en un acte de Domenico Gilardoni, 1831. Basé sur deux pièces de Scribe, L’Homme noir et Le coiffeur et le perruquier, ce pastiche visait bien l’Otello de Rossini.

22  Voir Cesare Questa et Renato Raffaelli, « I due finali di Otello », Il testo e la scena, Paolo Fabbri (éd.), Pesaro, Fondazione Rossini, 1994, (item 325), p. 183-203.

23  Voir Laurent Bury, « La cantatrice juive », Sillages critiques [En ligne], n° 7|2005, p. 26-28, http://sillagescritiques.revues.org/919

24  La chanson du saule est citée dans La Femme de trente ans et dans plusieurs textes de Musset, notamment ses critiques publiées dans la Revue des Deux Mondes.

25  Le concept de leitmotiv est inventé par Wagner vers 1860 sous le vocable de Grundthema, mais le terme est utilisé pour la première fois en 1871 dans un ouvrage de F.W. Jähns consacré au compositeur romantique allemand Karl Maria von Weber. Le terme d’idée fixe est utilisé par Hector Berlioz au sujet du thème récurrent qui traverse la Symphonie Fantastique (1830).

26  Cf. Brooke Conti, « “On Such a Night”: The Merchant of Venice’s Easter Hymn” », Shakespeare Association of America Conference, Bellevue (Washington), 7-9 April 2011.

27  Voir le chapitre consacré à Verdi par Richard Taruskin dans son ouvrage Music in the Nineteenth Century: The Oxford History of Western Music, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 563-616, et en particulier les extraits de lettres de Verdi citées p. 563.

28  Traduction de François-Victor Hugo. Voir James A. Hepokoski, « Boito and F.-V. Hugo’s ‘Magnificent translation’: A Study in the Genesis of the Otello Libretto », Arthur Groos and Roger Parker (éds.), Reading Opera, Princeton, Princeton University Press, 2014.

29  » Ô haleine embaumée qui persuaderait presque à la justice de briser son glaive ! Encore un ! Encore un ! (Il la couvre de baisers.) Sois ainsi quand tu seras morte, et je vais te tuer, et je t’aimerai après… Encore un ! C’est le dernier ! » (Traduction de François-Victor Hugo).

30  Traduction de Pierre Malbos, L’Avant-Scène Opéra : Otello, Verdi, n° 3, mai-juin 1976, p. 73.

31  Voir par exemple les œuvres de William Blake (http://www.tate.org.uk/art/artworks/blake-the-circle-of-the-lustful-francesca-da-rimini-the-whirlwind-of-lovers-a00005), Gustave Doré (http://commons.wikimedia.org/wiki/File :Gustave_Dor %C3 %A9_-_Dante_Alighieri_-_Inferno_-_Plate_15_(Canto_V_-_Francesca_di_Rimini).jpg), Dante Gabriel Rossetti (http://www.tate.org.uk/art/artworks/rossetti-paolo-and-francesca-da-rimini-n03056). Le Baiser de Rodin met également en scène les amants dantesques (http://www.tate.org.uk/art/artworks/rodin-the-kiss-n06228).

32  Pierre Boulez, « Miroirs pour Pelléas et Mélisande », L’Avant-Scène Opéra, vol. 266, 2012.

33  Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière, t. III, P. Clarac et A. Ferré (éds.), Paris, Gallimard, Collection Bibliothèque de la Pléiade, 1954, p. 158-159.

34  Friedrich Nietzsche, Nietzsche contra Wagner : Aktenstücke eines Psychologen, Leipzig, C.G. Naumann, 1989, p. 7. Ce texte sera la source d’inspiration du titre « Der Meister des kleinsten Übergangs » que Theodor W. Adorno donnera à l’hommage à son propre maître de musique, Alban Berg. Theodor W. Adorno, Berg. Der Meister des kleinsten Übergangs, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1995 (1ère édition, Vienne [Autriche], 1968).

To cite this article

Electronic reference

Chantal Schütz, « « That song tonight will not go from my mind » : souvenir mélodique et résonances shakespeariennes dans l’opéra du XIXe siècle », Atlantide [Online], 4 | 2015, uploaded on 01 December 2015, accessed on 09 October 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=401

Author

Chantal Schütz

Maître de Conférences à l’École Polytechnique, ancienne élève de l’ENS, agrégée, titulaire d’un doctorat sur A Mad World, my Masters de Thomas Middleton, dont elle a publié une édition bilingue (Garnier), Chantal Schütz s’intéresse au théâtre élisabéthain et en particulier à la place de la musique et des instruments.

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