Le livre des mémoires de Péter Nádas. Pères et fils : à la recherche du corps glorieux

DOI : 10.56078/atlantide.873

Resúmenes

Il s’agit de voir ici comment s’articulent dans Le Livre des mémoires, avec cette perspective plurielle qui structure le roman et égare le lecteur, les histoires intimes de ces corps qui vont avoir tendance à se mêler les unes aux autres et le Temps monumental qui imprime sa marque sur eux. Si Le Livre des mémoires n’est pas un roman historique, la trame historique s’imprime sur les corps des personnages hongrois. Or, c’est dans le corps que réside l’ultime liberté devant les contraintes de l’Histoire. La révolution de 1956 se trouve au centre de cette étude avec l’opposition entre le corps glaçant du dictateur mort et celui épris de liberté du peuple et de l’individu nié par le régime. La poursuite de l’idéal de 1848 se dit par un érotisme de l’égalité et de la fraternité.

I intend here to see how are articulated in A Book of Memories, with this plural perspective that structures the novel and misleads the reader, the intimate stories of these bodies that will tend to mingle with each other and the monumental Time that imprints its mark on them. If A Book of Memories is not a historical novel, the historical plot is imprinted on the bodies of Hungarian characters. The ultimate freedom in front of the constraints of History is in the human body. The 1956 revolution is at the center of this study with the opposition between the frightening body of the dead dictator (Staline) and the freedom-loving body of the people and the individual denied by the regime. The pursuit of the 1848 ideal is expressed through an eroticism of equality and fraternity.

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Il s’agira ici d’une lecture prudente, vu mes incompétences linguistiques : mes compétences sont un peu plus à l’Ouest ou un peu plus à l’Est, et la littérature hongroise relève de la terra quasi incognita. Les propositions que je fais doivent se frotter à la réalité du texte original, qui, je l’espère confirmera ma lecture : la convocation de références religieuses sur le corps du Christ n’est qu’un moyen détourné d’affirmer la dimension politique du corps humain.

La traduction française de Georges Kassai du Livre des Mémoires nous transmet un roman où, de toute évidence, le corps est omniprésent. Roman du corps humain, car le corps y cherche sa place. Quand le narrateur parle de sentiments, dont la quête du fonctionnement serait au cœur du projet romanesque, puisque, nous dit le narrateur, « le véritable fonctionnement de nos sentiments, ce que nous cherchons à surprendre avec tant d’avidité dans ce roman, est masqué par nos sentiments actuels » (LM, p. 224), ces sentiments si importants n’existent toutefois que dans leurs rapports à des corps qui cherchent et se cherchent en se heurtant à d’autres corps ou au contraire en aspirant à une étreinte qui se dérobe.

La perspective choisie est claire et je ne m’y attarderai pas. Rappelons juste que le personnage de Thomas lui-même, narrateur enchâssé, personnage-romancier dans lequel le narrateur semble se projeter sur l’arrière-fond d’un passé plus lointain1, la souligne, en parlant, lors de la rencontre avec Hélène dont je reparlerai d’un refus des convenances (voir LM, p. 93) : il lui est impossible pourtant de dire ce qu’il s’est réellement passé. Sa « curiosité narcissique qui ne s’intéresse qu’aux détails restés dans l’ombre et jugés peu dignes d’attention » pose un problème, mais c’est précisément cet angle d’attaque du réel qui a été salué par la critique. Au narrateur qui se lance à la recherche de son proche passé importe effectivement « le goût de sa salive, l’odeur de sa transpiration » (LM, p. 95), autant de traces de ce qui fut, et qui sont autant de modes d’accès au réel. L’homme se révèle comme un corps dans le monde.

La lecture du roman doit être guidée par l’épigraphe qui s’empare du propos d’un évangéliste et le détourne : « Mais il parlait du temple de son corps » (Jean 2, 21) / « Ő pedig az ő testének templomárol szól vala » (János 2.21). Dans ce passage de l’Évangile selon saint Jean, il est question de la première Pâques du Christ qui chasse les marchands de bœufs et de pigeons amassés dans le Temple : aux Juifs incrédules Jésus promet la résurrection en trois jours de son corps et non la reconstruction d’un temple (« sanctuaire » dit, elle, la Bible de Jérusalem) bâti en quarante-six ans, comme le laisse croire une interprétation littérale des propos christiques. Autrement dit, le Christ rappelle qu’il est un corps et que ce corps n’a pas à s’effacer devant une pensée allégorique qui se servirait de lui.

Il est question, donc, du corps, voué à devenir glorieux, du Christ, corps triomphant de la mort ignominieuse sur la croix, quand tout le roman, lui, insistera sur la fragilité, l’incomplétude, l’inconvenance ou la disgrâce du corps des êtres humains. On pensera entre autres au corps pitoyable de la petite sœur handicapée du narrateur premier, corps voué à l’enfermement et à la mort, qui resurgira à la fin du roman pour dire le désespoir de ce narrateur, plein de doutes sur son corps et son identité, une fois anéanti par le départ de celui qu’il aime, de tout son corps, pour l’au-delà du Mur — pour cet Occident d’où viennent les crevettes. En effet, le jeune homme se retrouve dans la situation de sa sœur, corps-prison au sujet duquel ne se pose pas la question de l’existence de l’âme.

Et la méditation est poursuivie avec sans doute l’Épître aux Corinthiens, que le texte ne désigne pas et Le Nouveau Testament reste un livre quelconque dont le narrateur se saisit par hasard — et on sait ce que vaut le hasard dans le monde du roman, où pour reprendre le mot de Gracq « il n’y a pas […] de détail » (Gracq, 1980, p. 119) :

Szinte találomra levettem egy kötetet a polcról […].
Nem csak a szőnyeg mintái, hanem azon ódon stílus is, melyen át kellett törnöm magam, mikor azt olvastam, hogy egyetlen templom van a világon, az emberi test temploma, és semmi nem szentebb az ember magasztos alakjánál ; jó volt így találomra olvasni az otthonos szőnyegen, hogy amennyiben meghajlunk az ember előtt, akkor ennek a húsban való kinyilakoztatásnak hódolunk, az eget érinjük, ha megérintjük az emberi testet. (EK I, p. 308-309)

Je pris au hasard un livre sur une étagère […].
Couché sur ce tapis à motifs, il était bon de lire, rédigé dans un style si archaïque, qu’il n’existait au monde qu’un seul temple, celui du corps humain, et que rien ne pouvait être plus sacré que la forme humaine, et que, en nous inclinant devant l’homme, nous rendons hommage à sa manifestation charnelle, et enfin que c’est le ciel que nous caressons, lorsque nous touchons le corps de l’homme. (LM, p. 248)

Profanation d’une parole sacrée ? Le narrateur ne semble pas adhérer à cette vision d’un homme à l’image de Dieu dont il n’est presque jamais question dans le roman, où les personnages sont livrés à eux-mêmes (il est pourtant dit qu’il se convertit chez les tantes de Krisztián et devient un ami du pasteur du village). Que pouvons-nous alors tirer de cette tension entre ce qu’il conviendrait d’appeler en tout cas « la misère du corps » et, d’autre part ces paroles sacralisant le corps qui viennent comme la masquer ? Le narrateur, on le sait, finira en corps par trois fois violenté (profané) par des motards. La narration se focalise un instant sur une main à jamais ballante, cet organe de préhension qui rivalise avec la bouche avide de s’emparer de l’autre comme de se donner à lui, véritable leitmotiv du livre. Par son corps, le personnage saisit l’autre et est saisi par lui. Il semble que le sacré ait quelque chose à dire sur l’homme qui concerne aussi ceux qui ne croient pas en lui. Or le sacré semble se loger dans la part de l’homme la plus fragile, pourrissable.

Il s’agit de voir ici comment s’articulent dans Le Livre des mémoires, avec cette perspective plurielle qui structure le roman et égare le lecteur, les histoires intimes de ces corps qui vont avoir tendance à se mêler les unes aux autres et le Temps monumental qui imprime sa marque sur eux. Si Le Livre des mémoires n’est pas un roman historique, la trame historique s’imprime sur les corps des personnages hongrois. Or, c’est dans le corps que réside l’ultime liberté devant les contraintes de l’Histoire, comme le confiait Péter Nádas au journal Le Monde : « Au départ de ce livre, il y a cette question : “Quels sont l’espace et le moment où un individu peut éprouver sa liberté, même sous la dictature ?” La réponse se trouve partiellement dans cette phrase de l’Évangile de Jean placée en épigraphe, qui sonne comme la métonymie du roman : “Mais il parlait du temple de son corps.” » (Savigneau, 2005)

Il nous faut partir de la scène de l’insurrection/révolution de 1956. Insurrection, voire contre-révolution pour les Pères et, bien entendu, révolution pour les Fils énumérés par le texte. Ou d’un peu plus haut, car il est un corps qui plane, ou pèse plutôt que plane, sur tout le roman comme il a pesé sur l’Histoire, quand bien même il n’apparaît dans celui-là que de manière fugace, en reprenant le motif du corps glorieux ou, du moins, des corps qui se placent dans la lignée de celui-ci et qui sont en effet jugés dignes d’être « conservé[s] et sanctifié[s] par le baume » (LM, p. 159). Il s’agit de l’épisode évoquant le deuil qui frappe toute l’Europe centrale et orientale (mais aussi les communistes occidentaux), et donc Budapest, lorsqu’en mars 1953 est annoncée la mort de Staline. Ce que retient le narrateur, c’est la toute-puissance du « corps embaumé » du leader soviétique, fantôme de cadavre capable de figer, de méduser le corps enseignant de l’école hongroise qui « se tenait debout et, bien entendu, immobile, devant un rideau lie-de-vin, provisoirement fermé » (LM, p. 157) au moment où le cercueil quitte à Moscou la salle mortuaire pour le mausolée2.

Le long paragraphe qui aboutit à cette immobilité des cadres enseignants prend place durant le dégel et l’arrivée du printemps, qu’il nie en quelque sorte. Le corps de Staline, désormais cadavre, conserve son pouvoir glaçant. La mort n’est pas la « fin », mais bien le « paroxysme » de ce corps omnipotent et solennel, voué à durer si rien ne se fait contre lui (LM, p. 158). N’est-ce pas le premier temple que nous rencontrons dans le roman, Staline ayant transformé une moitié d’Europe en cette forêt de marbre fantasmée par le narrateur anonyme, au fond de laquelle se tient le « vulgaire lit » du Petit Père des Peuples ? Puissance impressionnante d’immobilisme, de terreur et de mort, il est destiné, version bolchevik du corps glorieux du Sauveur, à traverser les temps. Mais le silence qu’il suscite dans le monde n’est qu’« imaginaire », que fantasmes d’un narrateur qui surestime son pouvoir (LM, p. 158-159).

Ce corps glacial et envahissant du père politique, figé dans l’éternité conquise par la science de l’embaumement, ce corps du guide suprême vient rejoindre celui du père officiel, saisi de manière étonnante en pleine révolution comme « corps », et comme corps qualifié, qui plus est, de « splendide » (LM, p. 534), en écho aux cuisses paradoxalement « démocratiques » de Théodore Thoenissen. Mâles mus par les mêmes idéaux virilistes, gorgés de violence et de despotisme tout au long du livre : le corps « splendide » du Père fait obstacle au cheminement du Fils, en l’occurrence des fils.

En contrepoint à ces corps trop présents, trop massifs ou trop écrasants, le corps absent, dérobé par la guerre — et par les Russes — du père de Krisztián ou le corps dérobé, incarcéré de János, le père biologique (possible) du narrateur. Dans le fil (bien emmêlé) des événements confessés, la mort de Staline survient lors du rapprochement entre le narrateur et Livia, « menue et fragile », « fillette malhabile » (LM, p. 156), sans doute tzigane, comme sortie du roman sentimental russe et particulièrement de Dostoïevski, tout comme Thomas semble plongé dans un mélodrame policier de la fin de siècle, deux mondes sans corps. N’habite-t-elle pas en effet dans un sous-sol avec son père qui l’adore et lui lustre le front bombé ? Pourquoi cette coïncidence ? Tout est comme si le corps, ultime et primaire force de résistance, traçait son chemin envers et contre l’Histoire. Le deuil (avec les images de la mort de Staline) est privé d’efficace et le corps se soustrait au politique et reste en harmonie avec le cosmos printanier, mais aussi avec l’héritage littéraire. Contre l’Histoire, le corps retrouve à la fois une sous-histoire et une supra-Histoire.

Quand l’enfant recourt au grand-père dans l’espoir que ce dernier justifiera ces pratiques néoégyptiennes, peu en accord avec la raison et l’ironie, l’aïeul lui répond en iconoclaste, déplaçant la question des valeurs en une recette de cuisine. Le corps stalinien est ravalé au statut de poulet destiné à la farce. Recours à une « stricte objectivité » qui n’en est pas moins blasphématoire (dans le monde des Pères fondateurs — auquel, rappelons-le n’appartient pas le grand-père, (re)venant du monde « bourgeois »). Le texte parle d’ailleurs de « sacrilège », ce qui me confirme dans ma lecture. Le grand-père méconnaît le sacré du corps stalinien, qui abandonne le statut du commun des mortels, de cadavre, ou du moins refuse de s’y soumettre. L’embaumement est l’un des moyens, certes dérisoire, de se proclamer surhomme. Les lecteurs de Tomasi de Lampedusa se rappelleront le personnage de don Fabrizio, à qui l’Histoire refuse la cave des Capucins de ses ancêtres. Le temps de Géants est passé.

Ce n’est pas un hasard si Pan traverse plusieurs fois le roman (voir LM, p. 98, 259, 275). Et le roman de Nádas reprend l’hymne homérique qui en fait le fils d’Hermès et d’une fille de Dryops. Cette divinité grecque est, on le sait, une force tellurique, chtonienne, qui peut mener au désarroi total de l’humain. Le corps de Pan fait scandale puisqu’il mêle au corps humain, à l’image de Dieu, des attributs bestiaux : rien ne serait si simple que ça dans le corps humain. Nulle surprise alors, puisque le corps est traversé de forces, dans le fait qu’Éros et Thanatos se déchirent le corps humain. Cela peut être dit dans un clin d’œil : le garçon désireux de se soumettre à l’étiquette du deuil politique découpe la combinaison de la grand-mère, ce qui vaut la moquerie égrillarde du grand-père « ce qui serait magnifique, mon petit, ce serait d’afficher également une culotte » (LM, p. 160). Contrairement aux enseignants, et à l’abri, il faut le reconnaître, de la sphère familiale, le grand-père résiste à la glaciation stalinienne et rappelle à l’homme qu’il est d’abord un corps et que nul corps n’est immortel, ou, si l’on préfère, que tout corps se frotte à l’Histoire et a lui-même une histoire, que tout corps désire le plaisir et peut le donner, y compris dans le monde excessivement normé de la glaciation stalinienne.

En 1953, rappelle Melchior au narrateur, ce sont les émeutes ouvrières de Berlin qui vont se fondre dans le récit avec l’insurrection/révolution hongroise. Avec insistance, père et fils appellent la place Marx à Budapest selon son ancienne appellation, place de Berlin (voir, par exemple, LM, p. 546). La dénomination importe vu le contexte historique, mais le Père, parlant de contre-révolution, ne voit pas la même chose que le Fils. Le récit va alors rester au niveau des corps, qui parlent d’eux-mêmes, et dire non la masse mais bien le peuple qui se constitue lorsque les corps, et non seulement les esprits, se rassemblent : la fraternité, valeur éminemment quarante-huitarde, est justement « cette intimité chaleureuse de nos corps » (LM, p. 549) alors même qu’elle est capable de faire oublier les exigences de ces corps particuliers. Et justement tout est fait pour que 1956 fusionne non seulement avec 1953 (les travailleurs, peu importe leur nationalité, se rebellent contre ceux qui prétendent œuvrer en leur nom), mais aussi avec 1848, moment glorieux du corps national hongrois, moment historique où le peuple demande à se cristalliser en État national. Kálmán figurera alors la nation sacrifiée sans (trop de) mythification narrative. Il n’est pas Gavroche, parce qu’il ne dit pas plus que ce qu’il est : un corps vivant parmi des milliers d’autres, fils d’un « élément étranger à la classe ouvrière » (en fait, du propriétaire d’une boulangerie, ce qui lui vaut d’être catalogué comme ennemi de classe), mais ne signifiant que lui-même, brusquement mis à mort, c’est-à-dire profané dans sa sacralité d’individu que conteste justement un socialisme dépourvu de visage humain. Kálmán est pour ainsi dire saisi par le texte à partir de sa « paume forte chaude et souple » qui bouche les yeux du narrateur au début de l’épisode et par celle qui va lâcher la tartine de confiture lors de sa fin dramatique (LM, p. 552). Il ne figure pas un génie national finalement abstrait (Gavroche a en effet la gouaille insolente du français, c’est-à-dire une liberté qui est d’abord celle de la parole), mais dit le corps humain, réceptacle de la liberté, dans sa fragilité, à tout moment menacé du néant, qui efface la chaleur de la fraternité et de ses jeux, mais aussi la jouissance du présent (la tartine de confiture). Il dit aussi l’unicité de la personne, car c’est là-dessus qu’insiste le narrateur et non sur une mort statufiante, fabrique de héros glacés — et glaçants.

Nem a barátom haláláról és nem a halálokról, nem a temetésekről, a gyertyáktól lobogó temetőkről ésennek az egész ősznek és télnek a gyertyáirol, hanem a testenek erről az utolsó érintéséről, arról, hogy engem fogott meg utoljára, meg azt a rohadt szilvalekváros kenyerét fogta, […] erről, meg a tenyerének erről az összetéveszthetetlen érzetéről és szagáról kellett volna beszélnem, az izmoknak, a bőrnek, az arányoknak és a hőmérsékletnek arról a kivételességérol, amiről valakit fölismerünk, a puha és meleg sötétről, amint hirtelen minden történelmi eseményt efeledtet és az idegenből egyetlen puha mozdulatával visszavezet az ismerősbe, egy olan érintésektől, szagoktól és érzelmektől teli ismerösségbe, amiben aztán fölismerhetem az egyetlen kezét. (EK II, p. 184).

Ce n’est pas de la mort de mon ami, ni des morts en général, des funérailles, des cimetières flamboyant de cierges, des cierges de cet automne et de cet hiver que j’aurais dû parler, mais du dernier contact que j’eus avec son corps, car c’était moi qu’il avait touché pour la dernière fois de sa vie, moi et cette putain de tartine de confiture […], oui, c’est de cette paume que j’aurais dû parler, de la sensation unique que me procurait son corps, de son odeur caractéristique, de cette unicité des muscles, de la peau, des proportions et de la température qui permet d’identifier quelqu’un, de cette obscurité molle et chaude, capable de faire oublier tout événement historique et qui ramène d’un seul coup l’inconnu au connu, ce connu familier au toucher, à l’odorat et au sentiment, ce connu grâce auquel j’avais identifié sa main, unique au monde. (LM, p. 554).

La foule de 1956 s’affirme révolutionnaire parce qu’elle additionne des individus libres, des personnes que n’effacent pas l’Histoire ni la communauté, mais qui les font :

A tömeg abban a kora órában még nem evett meg, nem tüntetett el magában, nem taposott maga, alá, mint később annyiszor, nem vette el a személyi ségemet, hanem sokirányú engedékenységével épp azt tette lehetővé, hogy a saját testem életének legelemibb feltételében, a mozgásban érrezzem, ami mindenkiben közös, érezzem, részei vagyunk egymásnak, és mindenen túl vagy mindenen innen azonosak mindenkivel, amitől aztán nemhogy nem volt arctalan, miként azt a tömegről mondani illik, hanem olyan arányban kaptam arcot tőle, amilyen arányban én is arcot kölcsönöztem neki. (EK II, p. 152)

En ce début de soirée, la foule ne m’avait pas encore englouti ni digéré en me piétinant, comme elle devait le faire si souvent par la suite, loin donc de me priver de ma personnalité elle me permettait, grâce à sa docilité multidirectionnelle, de sentir dans le mouvement lui-même, dans cette condition élémentaire de la vie du corps, ce qu’il y avait de commun entre nous tous, nous faisions partie d’un même ensemble, et, au lieu d’être sans visage, comme on le dit d’elle en général, la foule me prêtait un visage, dans la mesure où je lui en donnais un. (LM, p. 530)

Et la foule, précisément, n’est pas la horde, masse indifférenciée (voir LM, p. 549). Ce don mutuel du visage (la révolution tchèque se glisse entre le temps des événements hongrois évoqués et celui de l’écriture de la confession romanesque) permet au corps, qui n’est pas que politique mais est aussi politique, ne serait-ce que par son désir d’échapper au politique, d’exister authentiquement loin de la masse uniforme, du myriapode du « Nous » de Zamiatine qui gomme les particularités, c’est-à-dire les individualités, sous la houlette du Bienfaiteur. Chez Nádas, le Nous n’efface pas les Je :

Hogy sajátos helyzetemmel, mondhatnám, sajátos családi helyzetemmel nem egyedül vagyok itt, hanem valójában mindenki a maga sajátos mégse vonhatják kétségbe egymást, hiszen akkor az igen egyértelműnek mutatkozó, közössé vált érzelmeket kéne kétségbe vonniok (EK I, p. 155)

[…] je n’étais pas seul ici avec ma situation particulière, je dirais même familiale, chacun était venu avec sa situation particulière et toutes ces particularités n’auraient pu se détruire entre elles sans mettre en question l’unicité, la communauté de sentiments et de volonté qui animait cette foule […]. (LM, p. 532)

La révolution est on ne peut plus concrète : elle se lit dans les corps « pressés les uns contre les autres » (LM, p. 534) ; elle est portée par eux et ce mot même de « révolution », appartenant apparemment à la sphère du monumental, est réquisitionné par le personnage pour rejoindre celle de l’intime, comme le dit ce beau — et long — passage :

És attól hogy e két egymás mellé rendelt szó ilyen tisztán és pontosan megfordult a fejemben, s rögtön eligazított az érzelmi különbségtevések és azonosításokeladigg rettenetesnek, fullasztónak, kilátástalannak érzett zűrzavarában, két olyan szó, melyek értelmet, súlyát, politikailag körülhatárolható jelentését persze éppen az ő beszélgetéseikből és vitáikból ismerhettem meg ilyen koravénen, de hangsúlyozom, abban a pillanatban, s számomra ez volt a forradalom, nem úgy jutott eszembe, nemúgy kölcsönöztem ki a szótárukból, mint a politikai körvonalakkal rendelkező ellentétek fogalmi párosát, hanem a legszemélyesebben rám vonatkozott, úgy, mintha az egyik szó az ő teste lenne, a másik az enyém,, mintha egyetlen testileg közös érzelem ellentétes oldalain állnánk a saját szavainkkal, ez forradalom, ismételgettem magamban, akárha neki mondanám, s valami nagyon sötét bosszúval, elégtétellel mondanám, megtorolnék, mindent, nem tudom mit, amire viszont ő nem tudhatna másként válaszolni bennem [...]. (EK II, p. 156)

Ces deux mots juxtaposés [i. e. : révolution et contre-révolution] et qui venaient de surgir dans mon esprit avec une si grande netteté mirent immédiatement fin à une confusion mentale que je sentais étouffante, terrifiante et désespérante, ces mots, dont j’avais compris si précocement le sens, le poids et la signification politique, grâce, précisément, à leurs conversations et à leurs discussions, ces mots, dis-je, je ne les avais pas empruntés à leur vocabulaire pour désigner une paire de concepts politiques opposés, mais pour les appliquer à ma situation personnelle, comme si l’un des mots représentait le corps de mon père et l’autre le mien, comme si ces mots dénotaient deux sentiments opposés d’une même réalité corporelle, c’est la révolution, me répétais-je comme si j’étais en train de le lui seriner, je le prononçais avec un sentiment de satisfaction, comme si je voulais me venger de tout, mais sans savoir de quoi, et comme s’il ne pouvait me répondre qu’en employant le même mot, muni de son préfixe, […]. (LM, p. 533)

Longue phrase qui unit intimité et politique, révolution et meurtre du Père. La révolution est mon affaire : ce paradoxe s’affirme comme une révélation. Il s’agit de vivre sans son Père, dont l’absence, due au destin ou sa propre inacceptabilité, est patente. Le narrateur se fond dans la foule des sans-Pères :

[…] mint a saját ellenkező szavával, s ezért aztán nemhogy éreztem távol őt magamtól, hanem ellenkezőleg, a teste, anyám halála óta teljesen megroppant, szétzilált, hátábá görnyedő, szánalomra méltó teste, melynek puszta látványa félelmet keltett, a pusztító kiúttalangság félelmét, megtört teste, mely ugyanennek az évnek júniusa óta, mikor is tekintettel a perekben vállalt gyászos szerepére, felfüggesztették a hivatalából, mégis valami forgcsikorgatón görcsös energiákra lelt magában, és addig ismeretlen, barátoknak nevezett gyanús alakokkal szervezkedett, olyan elevenen ellenkező közelségbe került, amilyet utoljára kisgyermekként érezhettem, mikor álmait lépre csalva, lemeztelenített testemmel rámásztam gyönyörű mezítelen testére, és kíváncsiságom kielégítésének kívánságától, azonosságunk érzékelésének elemi igényétől hajtva benyúltam a combjai közé, csakhogy most józanul, hiszen a közelség és a vele való testi azonosság érzésétől a különbségtevés még különbségtevés maradt, mentem, velük mentem, akiket alig ismertem, és mégis itt volt ez a testvéri érzés, mert valamiként ugyanazt jelentették nekem, mint régebben Krisztián, akinek elesett az apja, Hédi, akinek az apját elhurcolták, Livia, akinekaz iskolai konyháról származó maradékokat kellet ennie, Prem, akinek az apja egy részeges nyilas volt [...]. (EK II, p. 156-157)

[…] et c’est pourquoi, au lieu de le sentir loin de moi, je vis son corps, complètement brisé depuis la mort de ma mère, son corps voûté, pitoyable, dont la seule vue m’inspirait la peur, peur des voies sans issue, peur de l’anéantissement, corps qui cependant avait retrouvé une énergie convulsive et acharnée, depuis le mois de juin de cette année-là, depuis que mon père, en raison du rôle sinistre qu’il avait joué dans les procès, était suspendu de ses fonctions, et qu’il s’était mis à comploter avec des inconnus suspects qu’il appelait ses amis, je sentis donc ce corps tout proche de moi, comme dans mon enfance, comme ce jour où, poussé par la curiosité et par le désir d’éprouver notre commune identité, et alors que j’étais agrippé à son corps splendide et nu, j’avais plongé ma main entre ses cuisses, seulement, cette fois, j’agissais en pleine conscience, car malgré ce sentiment de proximité et d’identité corporelle, je m’étais démarqué de lui, je marchais avec des gens inconnus ou presque, tout en éprouvant envers eux un sentiment de fraternité, c’est qu’ils représentaient pour moi la même chose que Krisztián, dont le père avait été tué à la guerre, que Hédi, dont le père avait été déporté, que Livia qui se nourrissait des reliefs de la cantine de l’école, que Prém, dont le père était un nazi éthylique […]. (LM, p. 533-534)

Il y a là comme une reprise de la dialectique Père-Fils, lieu commun de la littérature russe par lequel certains auteurs comme Tourgueniev ou Dostoïevski disent la Révolution. Le texte ici exprime deux choses : d’une part, la défaillance, la faiblesse ou simplement l’absence des Pères, et, d’autre part, le désir de fusion dans le Père, que disent les corps filiaux. La fraternité se trouve dans la communion avec ceux qui souffrent en raison de leur père, ou avec ceux qui souffrent d’un déficit de père. À l’horizon, un possible parricide (voir LM, p. 549) ou le parricide symbolique, l’émasculation du Père, qui répète celle d’Ouranos par son fils Chronos qui demande à exister.

Relisons le début de l’extrait : lorsqu’il est question de la révolution et de la contre-révolution, il est d’abord fait mention de deux corps puis, dans un deuxième temps, d’une réalité et de deux sentiments différents. Comme si le père et le fils étaient à la fois deux et un : une même chair mais deux individus, avec cette tentation pendante de se retrouver, de fusionner. Et le politique se trouve justement dans le positionnement par rapport aux Pères, par rapport à la tradition. Le Livre des mémoires rend charnelle une problématique traditionnelle. D’où l’intégration du rappel de cette scène intime par excellence qui se trouvait dans le premier quart du roman dans l’épisode éminemment politique de 1956 qui aboutit à la constitution, à la résurrection (après 1848) du corps politique hongrois dans la foule qui s’insurge. Scène du désir scandaleux de l’enfant qui ne connaît pas le tabou, celui de s’emparer du pénis du Père. Scène primitive détournée qui avait abouti au cri d’horreur de ce dernier qui retrouvait son fils dans son lit (voir LM, p. 189). Qu’est-ce que le corps du Père ? Car avant d’être un corps pitoyable, parce qu’au ban de la société qui se libère, le père fantasmé par le narrateur dans son roman, je le rappelle, était « splendide », massif, de « splendide corpulence » (LM, p. 142), et le fils est un corps qui désire être ce corps massif, puissant, charmant (et démocratique : « avec des cuisses pareilles et pareille barrique en guise de cage thoracique, vous ne pouvez être que démocrate », LM, p. 43). L’ironie est palpable, et confirmée par le devenir du père qui, comme procureur, servira le pouvoir stalinien, avant de déchoir. Le père du narrateur fictif, je le rappelle, se nomme Théodore Thoenissen : il aurait donc un rapport au sacré annoncé par l’épigraphe et souligné au cœur du roman, puisqu’il serait un don de Dieu. Mais ses cuisses vulgairement écartées lorsqu’il se tortille sur le divan (voir LM, p. 33), ses grossiers appétits physiques (voir LM, p. 42) démentent son prénom avant même que celui-ci soit prononcé par son épouse : qu’a-t-il fait du don de Dieu qu’est sa vie, c’est-à-dire son corps — destiné à lui aussi devenir glorieux ? En face de lui, son créateur, son démiurge, faudrait-il dire, qui, de toute évidence, se sert de l’image de son propre père et qui se peint lui-même en « énorme tête ballante au ras du sol », « insecte difforme et répugnant » (LM, p. 54) et qui, fils d’un membre de la nomenklatura, n’ose se proclamer démocrate : « Être grossier, vulgaire, sombre, sournois, il n’y avait rien d’agréable en moi », nous confie-t-il, malgré ses « cheveux blonds », ses « traits fins » et ses « yeux bleus » (LM, p. 59). Poids de son amant qui lui échappe, mais aussi pesanteur kafkaïenne du Père, qui impose la haine de soi. Sans parler de sa fille, dont le sort, corps brut, fait douter de la nature de temple. Car le narrateur sera hanté par le visage déformé de sa petite sœur handicapée, à la peau « grisâtre », « livide », « pachydermique », « semblable au dos cartilagineux des coléoptères » (ce qui renvoie sans doute encore à l’imaginaire kafkaïen), à la tête qui évoque une « calebasse », aux yeux exprimant « le néant » (LM, p. 103-106). Plus loin, beaucoup plus loin, le lecteur qui aura oublié ce personnage tombera sur ce passage : « je sentis en moi ma petite sœur jamais revue ; son corps lourd dans mon corps » (LM, p. 755). Le narrateur a conscience qu’il est aussi ce corps de coléoptère qui, sœur, lui offre une image de lui. Autrement dit, lors de la crise qui l’éloigne de Melchior, il communie avec la petite sœur qu’il avait méprisée et torturée : il se retrouve dans son état, handicapé par le poids de son corps que le plaisir et le bonheur ont fui.

Dans l’Histoire, c’est la (fausse) Révolution du Père qui l’emporte avec, pour corollaire, l’interprétation de la révolution de 1956 en contre-révolution. Paradoxalement, pourchassé durant les événements de 1956 en raison de son activité de procureur de la République populaire sous Rákosi, le père pourtant n’est pas rétabli dans son autorité illégitime et le roman se sert des corps de fiction pour se venger de l’Histoire : accusé du viol d’une fillette (où l’on retrouve le révolutionnaire dostoïevskien), il se donne en effet la mort alors que la (contre-)Révolution a déjà été écrasée ; il reste cependant à l’état du cadavre stalinien, corps embaumé à enjamber. Ce qui sera fait avec Hélène, à laquelle le roman assigne une scène érotique, teintée de parodie, mais qui semble être la résolution fantasmée.

Hélène vient voir son fiancé Thomas, le narrateur enchâssé, et se joue alors une scène où le désir se dit de manière exacerbée. En proférant un excessif « je vais vous tuer », il reprend dans la fiction le désir fondamental du Père, longtemps refoulé, ce désir terrible qui, pris littéralement, renvoie aussi à l’attitude du Petit Père des Peuples, à l’attitude stalinienne où amour et mort se confondent : « j’aurais bien aimé prendre son cou, si longtemps admiré, entre mes doigts et le serrer jusqu’à en expulser le dernier souffle » (LM, p. 91). Le corps et son désir d’anéantissement, du moi, de l’autre en vue d’une nouvelle entité, chimérique, s’expriment dans sa crudité, comme le montre la mention de l’haleine matinale fétide. C’est là qu’intervient l’expression « comme si j’enjambais le cadavre de mon père » (id.), qui indéniablement reprend la thématique révolutionnaire, qui est aussi une question intime.

Néanmoins, que s’est-il passé lors de cette fameuse scène où le corps filial enjambe le cadavre du Père, puisque le narrateur note que « le corps perd la conscience qu’il a de lui-même au moment précis où il pourrait être le plus révélateur » (LM, p. 93) ? Une chose est sûre : entre les deux personnages (ou personnages de personnage : on est dans le fantasme total) se produit un renversement des rôles habituellement genrés. La morsure d’Hélène témoigne d’une mâle agressivité : « peut-être mettait-elle en doute ma virilité ou portait-elle en tout cas délibérément atteinte à ma vanité masculine » (LM, p. 94). Du côté de l’homme, la virilité reste inerte (voir LM, p. 97). Et la scène se clôt sur les deux corps de Thomas et d’Hélène en jumeaux, se réfléchissant l’un l’autre, « assis dans les mains de Dieu » (expression qui donne son titre au chapitre), image d’une liberté inconvenante aux yeux de ceux qui prônent la répétition du même ainsi que la « nature des choses » : c’est en effet le corps masculin qui se voit pénétré et c’est cette prise de possession du masculin par le féminin qui crée la sacralité, non transcendante, donc, mais bien construite par l’humain épris d’une liberté qui ne peut être sans égalité, fraternelle :

a tenyeremet pedig az ölére simítottam, hogy ujjamal finoman szemérmének két drága ajka közé hatolja, puhába, síkosba, mélybe, vállamom és hátamon érezve haját, sátorként terült fölém, s tán a tarkóm volt a pont, amit kereshetett, mert mikor mellének kemény bimbóját óvatosan az ajkamba fogtam, ő a nyakamra tapasztotta száját és az ő ujja is behatolt a combom közé, és csend is egyszerre lett, és ha most erre emlékezem, akkor mindenképpen azon gondolat kísért, hogy Isten tenyerén ülhettünk akkor, ott. (EK I, p. 113)

[…] alors, plaquant ma paume sur sa toison, je pénétrai avec mes doigts entre les deux lèvres chéries de sa pudeur, dans cette région brûlante, moite et profonde, pendant que sa chevelure répandue sur mes épaules et sur mon dos formait un toit qui me protégeait, sans doute cherchait-elle ma nuque, et, en effet, à l’instant où je pris avec mille précautions le bouton raide de son sein entre mes lèvres, elle appliquait les siennes sur mon cou, enfin, un de ses doigts pénétra entre mes cuisses, il se fit tout à coup un silence profond, si bien qu’aujourd’hui, en me remémorant tout cela, je ne suis pas loin de penser que ce matin-là, dans cette chambre, nous étions tous les deux assis dans la main de Dieu. (LM, p. 99)

La liberté, nous dit cette scène de fiction, avant d’être un concept (politique) est liberté des corps, liberté sexuelle. Les mots nous disent que Thomas (qui est, depuis les Évangiles, celui qui a besoin de toucher pour croire, mais sa requête ne paraît plus mesquine), trahi par les mots, rompt pourtant avec la fatalité du virilisme et la répétition des gestes du Père. Conquête d’une sexualité libre qui commence par l’offrande de son corps. Le Corps peut échapper à l’Histoire, mais il fabrique lui aussi une contre-Histoire, une autre Histoire, une Histoire à venir. La sexualité du Père comme celle de son fils sont à la fois éminemment intimes et politiques : despotique chez l’un, fraternelle chez l’autre. Mais cette sexualité romanesque n’est pas allégorique : le corps ne s’efface pas devant l’Histoire ; il la dit — ou la mine. La mort du narrateur premier, même si elle n’est pas entièrement élucidée, semble être due à un geste d’homophobie : le corps martyrisé du narrateur premier semble fonctionner avec le corps en extase du début du roman, corps qui était son œuvre romanesque.

Il n’y a pas de Corps glorieux : Le Livre des mémoires récuse cette prétention du corps ironiquement « splendide » du Père destiné à l’effondrement, comme celle du corps quasi divinisé et fallacieusement exhibé du Petit Père des Peuples. Seulement, parfois, des épiphanies peuvent se produire qui amènent l’existant au divin. Le corps alors devient, ne serait-ce que le temps d’une extase, temple. Il le devient parce qu’au-delà des assignations sociales il s’offre, au-delà de toutes les obligations et de tous les usages, et s’interdit de profaner celui de l’autre. Il incarne une autre politique, un autre vouloir vivre ensemble, révolutionnaire.

Bibliografía

SAVIGNEAU Josyane (16 juin 2005), « Péter Nádas, observateur aigu d’un monde troublé », Le Monde des livres, https://www.lemonde.fr/livres/article/2005/06/16/peter-nadas-observateur-aigu-d-un-monde-trouble-par-josyane-savigneau_662636_3260.html

ZAMIATINE Evgueni (2017), Nous (My, 1952), traduit du russe par Hélène Henry, Arles, Actes Sud, coll. « Exofictions ».

GRACQ Julien (1980), En lisant, en écrivant, Paris, José Corti.

Notas

1 Il faudrait insister sur une poétique de la confusion si caractéristique de notre auteur : ce dernier procède par strates qui ont tendance à se confondre les unes avec les autres. On pourrait multiplier les exemples : les Pères omnipotents, les révoltes ouvrières, certaines attitudes sexuelles, etc.

2 Il faudra attendre le 31 octobre 1961 pour que Khrouchtchev fasse retirer le cadavre de Staline du mausolée où il reposait aux côtés de Lénine.

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Referencia electrónica

Pierre-Yves Boissau, « Le livre des mémoires de Péter Nádas. Pères et fils : à la recherche du corps glorieux  », Atlantide [En línea], 15 | 2024, en línea desde el 01 juillet 2024, consultado el 09 octobre 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=873

Autor

Pierre-Yves Boissau

Professeur de littérature générale et comparée à Toulouse, Pierre-Yves Boissau travaille principalement sur les littératures d’Europe centrale et orientale ainsi que sur l’inscription du motif / du mythe de la révolution dans le roman.

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