Les pastorales parallèles. Sur les rapports entre littérature comparée et écocritique

DOI : 10.56078/atlantide.1283

Abstracts

Le registre pastoral est étudié dans les traditions européenne et chinoise selon deux approches comparatistes complémentaires : le comparatisme de la médiation ou de contact, qui s’attache à décrire et analyser les phénomènes de réception des textes (traductions et transferts), puis le comparatisme de rapprochement, qui s’affranchit des rapports factuels pour envisager soit un « comparatisme de la différence » (Jullien), soit la démarche consistant à « construire des comparables » (Détienne) en partant d’un travail de contextualisation. Au terme de ce parcours, l’article décrit les caractéristiques de ce que pourrait être un imaginaire transculturel de la « pastorale ».

The pastoral mode is studied in the European and Chinese traditions according to two complementary comparative approaches : the comparatism of mediation or contact, which focuses on describing and analysing the phenomena of reception of texts (translations and transfers), then the comparatism of analogy, which frees itself from factual relationships to envisage either a “comparatism of difference” (Jullien), or the approach consisting in “constructing comparables” (Detienne), starting from a work of contextualisation. At the end of this process, the article describes the characteristics of what could be a transcultural imaginary of the “pastoral”.

Plan

Full text

Plusieurs raisons expliquent le sujet de cette contribution : la première — la plus sérieuse — est qu’elle coïncide avec le commencement de l’année de la Chèvre (ou du Mouton, 羊 yáng)1, et que cette incitation chinoise à la pastorale nous sera certainement favorable. La deuxième — la plus amusante — est que ce qu’on a coutume d’appeler trop commodément « genre » pastoral en Occident apparaît comme une catégorie poétique (et plus généralement littéraire, car ce « genre » s’est facilement disséminé dans la narration ou le drame) attestée dans un long continuum historique, qui constitue un réservoir fondateur d’images, de procédés rhétoriques propres à l’expression du monde naturel et des rapports homme-environnement, et, du coup, se révèle comme une étape incontournable dans les travaux de l’écocritique et de l’écopoétique : la « pastorale classique », la « pastorale romantique », la « pastorale américaine » ou la « post-pastorale » occupent bien des pages des ouvrages théoriques devenus déjà les « classiques » de l’écocritique étatsunienne et britannique2. Dans la visée éthique et écologique qui caractérise cette approche critique, la pastorale est l’objet de nombreux soupçons : elle constituerait un exercice artificiel visant à élaborer une représentation idéalisée du monde naturel, si nécessaire jusqu’à l’invraisemblable que les conventions rendent insensible. Les modèles fondateurs du genre en Occident, Théocrite et Virgile, à la cour de Ptolémée II et d’Auguste, restent d’ailleurs d’abord des poètes impériaux et urbains. C’est en revenant sur « L’Ancienne rhétorique », que Roland Barthes (1970) a évoqué le texte pastoral, sans référent, simplement devenu — dès l’Antiquité — l’« indice culturel » d’une nature réduite à n’être qu’ornement du décor. Mais, pour l’écocritique, l’utopie poétique de la bucolique devient beaucoup plus gravement aujourd’hui le refuge du déni de la vulnérabilité de la nature, et souvent en même temps plus bassement l’arrière-plan de toutes les églogues flagorneuses dédiées aux princes ou aux reines de bergerie. Toutefois, ces soupçons, répandus, se trouvent fortement nuancés par la thèse opposée, selon laquelle la catégorie pastorale doit être considérée en bien meilleure part, jusqu’à être définie comme « la poésie elle-même », c’est-à-dire la seule poésie possible, celle qui se tisse dans le rapport de l’homme à la nature — ce que Jonathan Bate (2000) a appelé « The Song of Earth », le « chant de la Terre » en 2000 dans un essai brillant. Il est frappant de constater que les positionnements de l’écocritique sur la « pastorale » réinvestissent dans ce débat les questionnements et les tensions les plus anciens propres à cette catégorie poétique — et rhétorique : on lui reprocha paradoxalement son manque de naturel, ses procédés artificiels, conventionnels et ornementaux, et dans le même temps, a contrario, on loua son naturel, sa spontanéité, son style « humble » et les charmes de sa « naïveté » — c’est-à-dire sa dimension originelle, dans une propension naturelle à la poésie (comme dans la démonstration de Jonathan Bate).

La tradition chinoise de la « pastorale » n’est pas citée dans les travaux connus de l’écocritique anglo-saxonne auxquels on vient de faire référence pour contextualiser ce propos. Les « pastorales parallèles » que nous souhaitons envisager maintenant sont en effet européennes et chinoises, et le titre proposé ici doit d’emblée être nuancé. Le mot « pastorale » (de pastor, « berger »), d’abord, ne convient guère à l’expression chinoise habituellement donnée pour équivalente : 田 园 诗 tiān yuán shī, mot à mot « champ/jardin/poésie », littéralement « poésie des champs et des jardins », ou « des champs et des potagers ». Cette formule ne contient pas d’allusion au pastoralisme, de sorte que les termes « pastorale », tout comme « bucolique » (sur le grec βουκολικóς, « bouvier ») — souvent utilisés aussi pour traduire tiān yuán shī —, paraissent stricto sensu inappropriés. D’un point de vue plus général, d’ailleurs, la sociologie et l’histoire ont souvent opposé pour la période « antique » une civilisation majoritairement agraire en Chine et majoritairement pastorale en Europe et dans le bassin méditerranéen : c’est dire à quel point l’utilisation d’un terme commun aux différentes cultures n’est qu’une commodité, sans être tout à fait un raccourci. Le « parallélisme » est aussi, dans ce titre, problématique, puisque les deux traditions se rencontrèrent finalement au XIXe siècle. En dépit de toutes ces difficultés et de toutes ces différences, on constatera qu’il existe dans chacune des cultures concernées ici une tradition riche et continue qui relie dans les deux cas très étroitement écriture poétique, environnement et activités naturels.

On propose donc de réfléchir au croisement de la littérature comparée et de l’écocritique, et, pour envisager la mise en place d’une approche commune, d’examiner d’abord les méthodologies possibles, aussi bien que les corpus qu’elles peuvent concerner. Le sujet de la « pastorale » permettra ainsi de présenter et d’envisager des orientations et des démarches méthodologiques différentes, mais sans doute finalement complémentaires. La première approche passe par un comparatisme de la médiation, attentif à l’histoire des échanges, des traductions, des transferts et de la réception de la poésie consacrée à la nature, ou mettant en valeur en quelque manière la présence ou le rapport au monde naturel, dans les deux aires culturelles concernées. Elle se limite, pour l’occasion, aux textes assimilés à la « pastorale » en Occident et à la poésie « des champs et des jardins » en Chine, ainsi qu’à l’étude des phénomènes de réception et de leurs conséquences dans les cultures française et européennes. La deuxième approche se définit comme un comparatisme de rapprochement, qui permet de confronter plus ou moins librement des œuvres dues à des auteurs qui s’ignorèrent absolument, parce qu’issus d’aires linguistiques et culturelles sans contact au moment de leurs activités. Cette deuxième approche peut elle-même adopter des méthodologies différentes, que nous envisagerons, et qui rendent spécialement complexe la constitution des corpus. Une troisième approche ne regarderait enfin que les œuvres composées après la prise de conscience de la crise écologique, c’est-à-dire à partir des dernières décennies du XXe siècle, et dans un contexte culturel globalisé. Elle ne pourra pas être traitée ici. À partir de l’étude des médiations et des échanges, et en tenant compte des propositions du comparatisme de rapprochement, on proposera plutôt dans un dernier point de cerner de la façon la plus synthétique possible les spécificités d’un imaginaire pastoral transculturel et transhistorique, caractéristique de cultures antiques et anciennes constamment revisitées et dont l’empreinte reste tenace au XXIe siècle.

1. Par le comparatisme de la médiation

L’histoire des médiations littéraires impose au chercheur la chronologie de l’histoire des contacts, des traductions, des circulations des textes et des idées, et guide donc fermement le choix des corpus à examiner, et même dans une certaine mesure l’ordre dans lequel cet examen doit se présenter. Dans le cas qui nous intéresse, on doit donc d’abord remarquer que les premières grandes anthologies de poésie classique chinoise traduites paraissent en France dans les années 1860. Les poésies des Tang (618-907), majoritaires dans les traductions d’Hervey de Saint-Denys et de Judith Gautier, sont immédiatement assimilées ou au moins rapprochées, d’emblée par les traducteurs eux-mêmes, puis par leurs premiers lecteurs, à la catégorie de la pastorale. Dans sa présentation, Hervey de Saint-Denys évoque les poètes de la « vie champêtre », et, à propos de Li Bai (李白), Du Fu (杜甫) et Meng Haoran (孟浩然), il écrit : « Les arbres, la verdure, “les ruisseaux qui se glissent dans l’ombre caressant les fleurs de la rive” ; “les constellations silencieuses qui étendent sur leurs têtes un dais étoilé”, voilà ce qui les inspire. » (Hervey de Saint-Denys, 1862/2007, p. 48). Judith Gautier, dans le Livre de Jade, compare les mêmes aux poètes de l’Antiquité occidentale en évoquant le mythe d’Orphée. L’un des premiers lecteurs de ce Livre de Jade, Paul Verlaine, est plus explicite encore, lorsqu’il explique avoir découvert avec ces poésies « un Théocrite riverain du Fleuve jaune » (L’Étendard, 1867). Ces rapprochements s’expliquent à la lecture des textes, nous y reviendrons ; ils répondent aussi à un réflexe culturel du lecteur occidental, la culture chinoise ayant été fortement associée au jardin et à la nature au moins depuis le XVIIIe siècle, en particulier du fait de certains témoignages des missionnaires jésuites dans les Lettres édifiantes3. En France, l’imaginaire d’une Chine « pastorale » est donc bien antérieure aux traductions poétiques des années 1860, elle prit d’abord sans doute forme dans l’imaginaire visuel, par exemple à travers les esquisses de François Boucher (1703-1770) qui met en scène des jardins et des « pêcheries » prétendument « chinois », dans des décors à la fois champêtres et « exotiques » où l’on retrouve tous les codes d’une pastorale orientalisée.

Quels sens donner à cette impression, à cette intuition de pastorale révélée par ces témoignages, au moment de la découverte des textes ? Si elle semble élogieuse sous la plume de Judith Gautier, le ton d’Hervey de Saint-Denys est beaucoup plus mesuré, et l’un et l’autre évitent d’ailleurs d’employer explicitement le terme de « pastorale ». Cette catégorie se trouve au milieu du XIXe siècle soumise à des opinions et à des pratiques d’écriture littéraire ambiguës4 : elle est jugée démodée au moins depuis la fin du XVIIIe siècle, et même souvent donnée pour morte après André Chénier et la Révolution française, si ce n’est encore plus tôt, lorsqu’elle se perd dans le roman à la fin du XVIIe siècle. Pourtant, les références et les codes de la pastorale ne disparaissent pas au XIXe siècle, ils peuvent être flétris et repoussés au nom de l’anti-réalisme et de l’anti-naturalisme chez Charles Baudelaire, contempteur du culte des « légumes sanctifiés » qui se déclare « incapable de [s]’attendrir sur les végétaux » (Correspondance, Lettre à Fernand Desnoyers (1855), 1977, I, p. 248), mais aussi bien montrer une vigueur renouvelée dans le goût du jour, chez Victor Hugo, Gérard de Nerval, Paul Verlaine ou Stéphane Mallarmé5. Reste que, comme le fait remarquer Pierre Brunel (2005), Arthur Rimbaud déclare de nouveau en 1886 la « Fin de l’idylle », dans le dernier vers de « Michel et Christine », poème des Illuminations, après avoir constaté que les bergers « meurent à peu près par le monde » dans « Bannières de mai », la première des « Fêtes de la Patience » (1872). Mais déjà, dans la première des Idylles de Théocrite (315-250), Thyrsis déplorait dans un chant funèbre les souffrances et la mort de Daphnis, le berger de Sicile… (Théocrite, 2002, I)

Les poèmes chinois traduits sont donc présentés et découverts en France dans le moment d’une « crise » de la pastorale, à moins que ces tensions ne soient par elles-mêmes constitutives de cette catégorie poétique, comme nous proposerons de l’envisager par la suite. L’étiquette « pastorale » n’est donc pas toujours à prendre en bonne part au XIXe siècle déjà, mais elle repose sur des rapprochements qui apparaissent dès la présentation des Poésies de l’époque des Thang d’Hervey de Saint-Denys (1862). D’abord, dans l’ordre des chronologies et des temporalités, les datations de l’histoire littéraire de la Chine troublent celles de l’histoire littéraire occidentale, de sorte que toutes les productions chinoises que nous allons citer sont très fréquemment qualifiées d’« antiques » au XIXe siècle (et encore parfois au XXe), qu’elles soient tirées du Shī jīng (诗经, ou Classique des poèmes, XIe-Ve s. av. J.-C.), des poètes des Tang (618-907) et même parfois des Song (960-1279). C’est donc semble-t-il spontanément qu’on a fréquemment placé en regard des auteurs chinois les auteurs de l’antiquité occidentale et donc le monde poétique et mythologique gréco-romain. Les thématiques et les espaces « champêtres », l’utilisation poétique de la faune et de la flore, et plus généralement des référents naturels et des indices de la vie « rustique », la tension ressentie entre les obligations de la vie publique et les libertés du retirement à la campagne, la tendance à la tonalité élégiaque (expression de la plainte sentimentale, de la nostalgie de l’exilé, des regrets, du deuil…), les personnages mis en scène dans de brèves « bulles poétiques » — jeunes gens et jeunes filles, d’abord, mais aussi chanteur, chanteuse, poète ou poétesse… — devaient sans doute infailliblement conduire à choisir la tradition pastorale parmi tous les genres de l’antiquité occidentale envisageables en regard par les premiers traducteurs.

Les traductions poétiques se développent et évoluent pendant la fin du XIXe siècle : le Shī jīng avait d’abord été traduit par Guillaume Pauthier (1801-1873) en 1872, puis par le jésuite Séraphin Couvreur (1835-1919) en 1896. Dans le texte intitulé « Notions tirées du Cheu king » qui sert de présentation à sa traduction commentée, Séraphin Couvreur porte peu d’intérêt à la dimension poétique et littéraire du recueil, lui préférant d’abord les informations sur l’histoire dynastique et les modes de vie — c’est-à-dire ce qu’il appelle les « mœurs » : le gouvernement, les « travaux des femmes » ou les institutions de la famille, les rites du mariage ou du deuil. Surtout, il privilégie les interprétations didactiques et moralisatrices — sans négliger souvent leurs sens politiques —, en donnant parfois au résumé de la « morale » de Confucius des accents chrétiens, comme cela a souvent été remarqué. Le commentateur n’envisage que deux espaces sociaux : la cour — de l’empereur ou du prince —, et « la campagne », qui fait l’objet de nombreux commentaires. La vie campagnarde des héros du Shī jīng est en effet montrée dans une simplicité devenue signe d’humilité et de vertu pour le jésuite traducteur : « tunique », « soulier de chanvre », « chapeau de paille en été, et manteau de jonc contre la pluie » (Couvreur (tr.), 1896/1967, p. xii-xiii), le traducteur présente ainsi le « laboureur », le pêcheur et le chasseur, dans des maisons de terre — mais jamais le berger. Il évoque l’agriculture, l’art du labourage, de la moisson, les soins au potager et aux arbres fruitiers, mais jamais d’activités pastorales. Pourtant, les mises en scène de jeunes filles ou de princes dans un cadre naturel, les symboliques florales ou liées aux arbres (abondamment expliquées en notes), l’omniprésence des animaux, les nombreux parallélismes de l’humain au végétal, mais aussi les chants de déploration ou de regret, forment de nouveau pour le lecteur occidental une atmosphère familière. Dans cette traduction du Shī jīng, comme dans de nombreux autres textes poétiques appartenant au corpus envisagé, on doit bien sûr s’interroger sur les effets de la traduction sur la réception : le traducteur occidental, face à l’omniprésence des thématiques naturelles, n’est-il pas spontanément enclin à utiliser le lexique et les souvenirs de la poésie pastorale de sa culture d’origine ? Dans un poème, traduire (朴, « simple ») par « rustique », pour ne citer qu’un seul exemple, suffit à donner au texte d’arrivée une coloration pastorale pour le lecteur occidental.

En 1909, dans la présentation qu’il donne de sa traduction de la première partie du Shī jīng, le « Classique de la Poésie », Louis Laloy (1874-1944) utilise encore les formules habituellement consacrées à la pastorale occidentale pour décrire les poèmes sélectionnés selon la tradition par Confucius :

Des comparaisons rustiques, ou des paysages évoqués en manière de décor, disent une vie toute proche de la nature. Les sentiments sont doux, intimes et profonds. C’est une tendresse souriante, un dévouement secret, un amour reconnaissant, une tristesse sans révolte, une joie recueillie, une réserve, une délicatesse et une pudeur qui sont d’instinct, sans nulle philosophie. (Laloy, 1909)

Paul Claudel avait d’abord découvert en Chine la traduction de Séraphin Couvreur, dès l’année de sa parution, puis en avait utilisé le souvenir dans certaines évocations campagnardes des premier et troisième actes du Repos du Septième jour (1896), et dans d’autres poèmes inspirés par la Chine rurale découverte et parcourue pendant la période de son séjour (de 1896 à 1909). Bien plus tard, en 1937, c’est à l’imaginaire pastoral que revient lui aussi le poète français pour présenter les échanges littéraires entre « La Poésie française et l’Extrême-Orient » — c’est le titre d’une conférence (Œuvres en prose, Contacts et circonstances, 1965, p. 1036). Dans ce texte, nous retrouvons la « Chine [François] Boucher », d’abord vue comme celle « de la soie et de la laque, et de la porcelaine », et c’est sur ces anciennes images, tenaces, que s’inscrivent la découverte et la lecture des poètes de la dynastie Tang présentés au public français en ces termes :

[Les poètes chinois des Tang] font battre le cœur de ces amateurs qui, après bien des siècles révolus, se sentent nés pour être des citoyens du même clair de lune et pour raccrocher leurs propres rêves à cette onde née d’une rame exotique et lointaine, et à ce chevalet brisé d’un luth dont la corde retenue est toute prête à fournir une vibration parente. (p. 1039)

C’est que Paul Claudel avait tenté en Chine une étonnante synthèse poétique dans le recueil de Connaissance de l’Est (1900-1901), en illustrant cette « vibration parente ». Dans cette collection de proses poétiques fondée sur une expérience personnelle de la campagne chinoise parcourue par le voyageur — principalement en Chine du Sud, dans le Fujian, mais pas seulement —, on retrouve aussi les souvenirs du Shī jīng et d’autres classiques traduits par le même Séraphin Couvreur, comme le Zhōng Yōng (中庸), L’Invariable Milieu, mais aussi le Laozi (老子) et le Zhuangzi (庄子), découverts grâce à James Legge dans la fameuse collection Sacred Books of the East, les poètes des Tang ou certains poètes plus anciens, en particulier Tao Yuanming (陶渊明, 365-427), généralement cité parmi les fondateurs de la tiān yuán shī , « poésie des champs et des potagers »6. À ces allusions poétiques chinoises, le plus souvent implicites, se mêlent simultanément de nombreuses références aux sources de la pastorale occidentale : par allusion au monde mythologique de l’Arcadie, dans les intertextes théocritéens et virgiliens, et aussi bien à l’Eden génésiaque et au Pays de Canaan de l’Ancien Testament. Dans la perspective franco-chinoise de ce qu’on a appelé ici les « pastorales parallèles », Connaissance de l’Est fait figure d’œuvre-clef, dans un croisement éclairant un moment important de l’histoire des échanges littéraires et poétiques que nous envisageons. Paul Claudel poursuit ces expériences de synthèse poétique et pastorale dans les années 1930 et 1940 en adaptant des Petits poèmes d’après le Chinois7. Entre-temps, Marcel Granet avait donné une nouvelle traduction commentée de certains chants du Shī jīng dans Fêtes et Chansons de la Chine ancienne (1919), où les poèmes chinois sont de nouveau présentés dans les mêmes termes que ceux déjà rencontrés : il y est question, selon l’éminent traducteur, de « mœurs rustiques », de « thématiques champêtres » et d’« amours de village » (1919).

L’étude des médiations et des constantes de la réception montre ainsi à l’œuvre des procédures de familiarisation : traductions, adaptations, commentaires, explications, réécritures et recréations, qui peuvent sans doute parfois aussi apparaître comme des assimilations réductrices ou simplificatrices, par ignorance des différences de fond. La poésie chinoise traduite et alors découverte, dans les textes qu’elle a pu ensuite inspirer aux traducteurs ou aux poètes, n’aurait dès lors fourni aux auteurs et aux lecteurs français qu’un prétexte à une « pastorale exotique » de plus, après celles tropicales, américaines ou tahitiennes de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814), François-René de Chateaubriand (1768-1848) ou Pierre Loti (1850-1924). En mauvaise posture, puisque « pastorale » et « exotique », cette poésie aiguise ainsi concurremment les soupçons de l’écocritique et de la critique postcoloniale.

À moins que cette poésie de la nature, identifiée comme « pastorale », ait participé au mouvement, d’abord discret mais profond, de ce qu’on a appelé, selon la formule d’Edgar Quinet (1803-1875) interprétée par Raymond Schwab (1884-1956), la « Renaissance orientale » : après la découverte de la poésie chinoise, le témoignage de la présence de la nature dans la poésie et les arts sera encore considérablement renforcée par la vague du japonisme des années 1870. On sait quelle importance auront par exemple ces influences sur la naissance de l’Art Nouveau et de son esthétique végétale et naturelle au tournant des XIXe et XXe siècles.

Cet aperçu permet de voir comment se met progressivement en place à partir du XIXe siècle, par le truchement de la traduction puis de l’échange littéraire et poétique, un imaginaire transculturel de la « pastorale » : l’introduction des poèmes chinois de la nature appelle dans la culture francophone d’arrivée le souvenir des poèmes bucoliques de l’Antiquité, de la Renaissance ou même d’époques plus tardives. Cet imaginaire poétique sera encore fécond au XXe siècle, dans l’œuvre de Paul Claudel qu’on a citée, et plus tard par exemple chez Raymond Queneau (1903-1976) ou encore Philippe Sollers (né en 1936). Mais ce serait un nouveau départ, qu’on ne pourra pas envisager ici.

2. Par le comparatisme de rapprochement

La deuxième approche est sans doute nécessaire pour compléter la précédente, et pour l’éclairer, mais elle se présente au milieu de nombreux écueils méthodologiques. Sans tenir compte de l’histoire des contacts, des transferts et des traductions, son parti pris est d’examiner librement des œuvres élaborées sans contact dans des aires linguistiques et culturelles tout à fait distinctes, dans l’espace comme dans le temps. Cette démarche plutôt familière à la philosophie a souvent soulevé des critiques scientifiques lorsqu’elle regarde les sciences humaines et sociales comme les études littéraires et comparées.

On distingue dans ce cadre deux grandes orientations possibles relevant de ce que j’ai appelé comparatisme de rapprochement, mais dans tous les cas cette démarche se distingue par la liberté qu’elle laisse au critique de choisir parmi les corpus concernés les rapprochements qu’il choisit d’opérer. La première orientation a été théorisée et illustrée en philosophie par François Jullien (1986, p. 80), dans la notion de « comparatisme de la différence », la deuxième a été présentée en histoire par Marcel Détienne (2000/2009, passim.) comme permettant de « comparer l’incomparable ».

Avant d’examiner ces deux directions pour le cas qui nous intéresse, il nous faut enfin citer les principaux auteurs et quelques exemples d’œuvres susceptibles de faire partie des corpus des « pastorales parallèles ». Même si l’on s’en tient aux préférences de l’écocritique, qui favorise généralement des œuvres canoniques et de grandes figures auctoriales, parce qu’elles ont été largement diffusées et sont dès lors assez connues pour avoir exercé une influence marquée sur les représentations collectives de la nature, cette démarche suppose une grande liberté dans les choix à opérer. Comme la pastorale occidentale, la tiān yuán shī ou « poésie des champs et des potagers » se présente dans un long continuum, portée par la tradition et l’usage des citations et des allusions : quels textes une écocritique comparée choisirait-t-elle de mettre en regard ?

Pour envisager les corpus, on se limitera ici à une dizaine d’exemples de part et d’autre, bien sûr sans aucune prétention d’exhaustivité. Du côté occidental et plus spécialement français, les exemples retenus sont ceux qui ont habituellement fait l’objet des travaux de l’écocritique consacrés à la pastorale européenne. La marche est ouverte par les auteurs grecs et latins, les Idylles de Théocrite (IIIe siècle av. J.-C.) et les Bucoliques de Virgile (Ier siècle) constituant un cadre fondateur pour la période antique et une référence constante dans l’antiquité et à partir de la Renaissance. On cite généralement en effet ensuite le renouveau de la pastorale à la Renaissance, d’abord en Italie et en France, spécialement dans la deuxième moitié du XVIe siècle, en pensant d’abord très tôt à Pétrarque (1304-1374), puis à Jacopo Sannazaro (1455-1530), Joachim Du Bellay (1522-1560) ou Pierre de Ronsard (1524-1585), par exemple8. C’est la pastorale pré-romantique, de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) ou du zurichois Salomon Gessner (1730-1788), qui est souvent utilisée pour le XVIIIe siècle, elle précède bien sûr la pastorale romantique, de John Keats (1795-1821) en Grande-Bretagne, de Victor Hugo (1802-1885) ou de Gérard de Nerval (1808-1855) en France, par exemple. Je propose une autre étape, sans doute incontournable et rarement évoquée par l’écocritique, la période médiévale et la tradition de la « reverdie » des « chants de mai », si bien étudiées par Gaston Paris puis aussi brillamment par Michel Zink, et très tôt associée à l’idée d’une « pastorale » médiévale d’origine populaire. Ainsi, même limité à quelques points de repère principaux, comme ici, on constate l’éventail très diversifié des contextes historiques, sociaux et politiques offerts à la sagacité (et à la liberté) du chercheur, et renforcé par les singularités propres à certaines personnalités d’auteur. Il en est de même du côté chinois.

On propose d’abord de retenir les poèmes du Shī jīng, parmi lesquels les plus anciens, tirés de la première partie, Guó fēng (国风), c’est-à-dire les « Chants populaires » (Couvreur (tr.), 1896/1967, p. 1-172) ou « chansons » (Granet) composés de cent soixante pièces du VIIIe-VIIe siècles av. J.-C. Après Tao Yuanming (365-427), premier exemple retenu aux origines de la catégorie de la « poésie des champs et des potagers », on suggère d’intégrer au corpus les poètes des Tang chez lesquels on trouve des souvenirs de cette tradition, Meng Haoran (689-740), Li Bai (701-762), Wang Wei (王維, 701-761), mais aussi certains textes de Du Fu (712-770) et plus encore, un peu plus tard, de Bai Juyi (白居易, 772-846). Dans ces productions, on prendra garde de distinguer les textes à dominante « pastorale » des poèmes de paysage (shānshuĭ shī 山水诗) ou des poèmes d’excursion, sur le mode du récit de voyage littéraire (yóujì wénxué 游记文学), même si les lignes de partage sont là souvent confuses. On peut ainsi penser à de nombreux poèmes de Tao Yuanming, y compris bien sûr au fameux Récit de la Source des fleurs de pêchers (Táohuā yuánjì 桃花源记), et à ses textes consacrés au retirement, en particulier Retour aux jardins et aux champs (Guí yuántián jū 归园田居) (Tao yuanming, 1990, respectivement p. 245-247 et p. 129-131). De Wang Wei, qui a donné une nouvelle version du Récit de la Source des fleurs de pêchers, on peut par exemple citer la série des poèmes réunis sous le titre Tián yuán lè (田园乐) et consacrés à « La Joie champêtre »9, ou « pastorale ». Dans la quatrième pièce, par exemple, on découvre cette scène à la fois champêtre et villageoise, qui met en valeur la simplicité d’un jeune garçon qui pourrait être « berger » ou « bouvier » :

萋萋春草秋绿
落落长松夏寒
牛羊自归村巷
童稚不识衣冠

Drue et dense l’herbe parfumée même en automne verdoie.
Les grands pins, si hauts, même en été frissonnent.
Bœufs et moutons s’en reviennent par les ruelles du village.
L’enfant au cœur simple ne reconnaît pas la tenue du mandarin.
(Wang Wei, 1990, p. 112-113)

L’œuvre de Bai Juyi est sans doute aussi importante dans notre perspective, on peut notamment retenir le fameux poème Pípa xíng (琵琶行), la « Chanson du pipa ». D’autres poètes plus tardifs peuvent aussi être convoqués, Lu You (陆游, 1125-1209) et Fan Chengda (范成大, 1126-1193) par exemple pour la dynastie Song (960-1279). On ne remontera pas ici plus avant, mais on citera un dernier texte, pour la période ancienne, dont on reparlera bientôt, un yuèfŭ (乐府, sur le modèle des chants populaires) anonyme composé sous la dynastie Han (202-220), Mò shàng sāng (陌上桑), « Les Mûriers sur le sentier ».

L’approche caractéristique du comparatisme de rapprochement peut donc se déterminer face à ces corpus plus ou moins librement, en fonction de la méthodologie mise en œuvre. Une approche en toute liberté, sans attention particulière aux contextes sociaux et historiques des textes considérés, caractérise le « comparatisme de la différence » dont François Jullien a donné un exemple en philosophie, en fondant une théorie de l’« écart », ou du « détour » par la culture chinoise qui doit permettre en retour de cerner « l’impensé » de l’Occident. Dans l’ouvrage récent qu’il a consacré au paysage et aux rapports de l’individu au monde naturel, Vivre de paysage, ou L’impensé de la Raison, le philosophe convoque aussi bien les poètes chinois du paysage, au premier rang desquels Xie Lingyun (谢灵运, 385-433) et Wang Wei, que des philosophes et des écrivains ou des artistes occidentaux de différentes périodes (Platon, Emmanuel Kant, mais aussi Jean-Jacques Rousseau, Charles Baudelaire et Stendhal, Léonard de Vinci et Cézanne). Dans cette analyse de François Jullien, le « paysage » chinois, « à vivre », est nettement distingué de tout ce qui pourrait apparaître au lecteur comme un « décor, quelque chose de gentiment bucolique » (2014, p. 84). Précédé d’un adverbe en l’occurrence plutôt dépréciatif, la notion de « bucolique » semble alors immédiatement associée à une représentation ornementale et superficielle du rapport à la nature, et elle n’est envisagée qu’à la façon d’un contre-modèle. Pourtant le Traité de la peinture de Guo Xi (郭熙, 1020-1090) cité au début de Vivre de paysage correspond assez bien à certaines caractéristiques de la « pastorale » que nous examinons :

Collines et cultures : nourrir sa nature foncière
— c’est ce qu’il souhaite habiter toujours ;
Sources et rochers : sifflote à l’aise
c’est ce dont il se réjouit toujours ;
Singes et oies sauvages : voler-crier
— c’est ce qu’il souhaite fréquenter toujours
(cité in Jullien, 2014, p. 81)

La fonction du « kiosque » (tíng 亭) dans le jardin, évoquée quant à elle à la fin de l’ouvrage (Jullien, 2014, p. 238 sqq.), fait aussi écho à certaines scènes qu’on pourrait penser proches de la « pastorale ». Ces ambiguïtés montrent peut-être des flous notionnels, mais elles s’expliquent aussi par des convergences ou des effets de simultanéité, de la « poésie des champs et des jardins » à celle du paysage, qui paraît surtout quant à elle détachée des tensions propres à la « pastorale ».

L’examen des « différences » de nos corpus suppose dès lors au moins deux domaines d’investigation majeurs : le premier, le plus attendu, concerne les spécificités des effets du confucianisme, de la cosmologie et de la pensée taoïstes, du bouddhisme chán (禅) dans la « poésie des champs et des jardins », et les écarts marqués avec les pastorales mythologiques, chrétiennes ou philosophiques occidentales. Les libertés méthodologiques ouvertes par cette approche, au vue de la diversité des corpus, offrent en ce sens la possibilité d’articuler nombre de « différences » fondamentales. Le deuxième domaine est propre à l’écocritique, il invite à prendre en considération les contextes écologiques de la production des œuvres : les spécificités de la faune et de la flore, les représentations des saisons, l’expression des effets du climat et des conséquences des événements naturels marquent par exemple les mêmes « différences » fondamentales, en fonction des espaces géographiques, des écosystèmes et des climats d’origine.

Dans ces perspectives, le critique est libre de convoquer des textes afin de mettre au jour les « différences » et d’en tirer parti pour dégager « l’impensé » de l’Occident, sur le modèle de François Jullien, mais il arrive aussi au contraire que les auteurs procèdent par rapprochements convergents, dans une intention plus synthétique. C’est par exemple ce que fit Qian Zhongshu (钱钟书, 1910-1998) dans plusieurs essais consacrés à l’écriture poétique10, en citant et mêlant des auteurs chinois et occidentaux sans les opposer, dans une large approche de littérature « (vraiment) générale », pour reprendre la formule de René Etiemble. Maurice Coyaud dans son Anthologie de la poésie chinoise classique, rapproche avec la même liberté les poètes chinois qu’il traduit de poètes français ou occidentaux appartenant à toutes les époques et tous les courants. Dans son essai intitulé What is World Literature ? (Qu’est-ce que la littérature mondiale ?), le comparatiste David Damrosch identifie cette liberté comme le privilège — inouï — des récentes générations, qui peuvent puiser dans un nombre considérable de textes originaux et de traductions largement diffusées, et confronter toutes les productions littéraires de toutes les périodes et de toutes les cultures vivantes ou disparues.

Le comparatisme de rapprochement propose une autre voie, cette orientation méthodologique — proche de la première, mais moins « libre » — consiste à fonder le rapprochement des textes sur un travail de contextualisation approfondie (généralement historique, sociale, culturelle et religieuse) qui l’explique et le justifie, afin de s’autoriser, selon la formule et la méthode de Marcel Détienne, à « Comparer l’incomparable » — ou encore, selon le sous-titre explicite de cet essai : « Oser expérimenter et construire ». Dans le cas qui nous intéresse, c’est la démarche que choisit par exemple le sinologue Jean-Pierre Diény dans Pastourelles et magnanarelles. Essai sur un thème littéraire chinois, publié en 1977 : l’une des plus anciennes pastourelles européennes connues, due au troubadour gascon Marcabru (1110-1150), L’Autrier, jost’una sebissa11 (« L’autre jour, derrière la haie »), est placée en regard du poème de la fin des Han (202-220) déjà cité plus haut, Mò shàng sāng, « Les Mûriers sur le sentier ». Dans les deux cas, en effet, une « bergère » se voit confrontée à un « chevalier » — prince, gouverneur — dont elle repousse les avances : mais la « bergère », dans le texte chinois, a nom Luofu (羅敷) et est magnanarelle, c’est-à-dire qu’elle soigne des mûriers et des vers à soie, et non des moutons ! Jean-Pierre Diény situe pourtant ses travaux dans le prolongement de ceux de Michel Zink, qui avait publié quelques années plus tôt son livre sur La Pastourelle, Poésie et folklore au Moyen Âge, en précisant, comme plus tard certains critiques américains de l’écocritique, que la présence du « mouton » est l’indice déterminant de la « pastourelle » comme de la « pastorale ». Jean-Pierre Diény fonde alors son étude sur le rapprochement des contextes d’origine des textes et des conditions de leur naissance et de leur développement, sans entrer dans l’analyse des langages poétiques à proprement parler, ni les comparer. Dans sa présentation, il renonce d’ailleurs explicitement à revendiquer une approche comparatiste, pour préférer une formulation prudente et un peu imprécise appelant à une « initiation mutuelle » des disciplines. De fait, ce travail n’est jamais cité par les sinologues, et les historiens médiévistes publient en 1979 un compte rendu sévère qui présente l’ouvrage comme « séduisant » mais « illusoire » (Rivière, 1979, p. 380-382). Aujourd’hui, il serait impossible à l’approche écocritique de confondre un mouton avec un ver à soie, c’est-à-dire d’ignorer les particularités écologiques et environnementales des êtres et des espaces rapprochés dans cette étude, comme les différents rythmes et les modes de vie particuliers de l’élevage et de l’agriculture qu’elles supposent, encore moins les représentations et les imaginaires spécifiques construits dans tous ces rapports à l’environnement. Pourtant, du strict point de vue des thématiques et des compositions de l’écriture littéraire, le rapprochement se fonde sur de véritables analogies, et illustre ce que nous allons bientôt proposer d’appeler un imaginaire transculturel de la « pastorale ». Comme on pouvait s’y attendre, René Etiemble fut l’un des rares critiques à rendre hommage à l’Essai sur un thème littéraire chinois de Jean-Pierre Diény, il l’utilisa pour sa définition de la « pastorale » de l’Encyclopaedia britannica, afin d’avancer des éléments prouvant l’universalité du « genre ».

3. Peut-on parler d’un imaginaire transculturel de la « pastorale » ?

Avant de pouvoir penser à proposer les invariants d’une « pastorale » universelle, qui ne saurait se limiter aux corpus européens et chinois, on propose de fermer maintenant provisoirement cette première étape par l’examen des critères littéraires qui permettent de cerner l’hypothèse d’une catégorie « pastorale » transculturelle entre les traditions européennes et chinoises. Ces critères envisagent les deux corpus décrits plus haut, en se concentrant avant tout sur des considérations et des analyses littéraires, élargies, dans la perspective à la fois comparatiste et écocritique qui est la nôtre, à une approche écopoétique. Les rapprochements tout à fait libres relèvent plutôt de la pensée et de la méthode philosophiques de l’essai, quand l’élaboration de « comparables » est davantage fondée sur l’étude des contextes politiques et sociologiques des œuvres, aboutissant cette fois à un essai simultanément historique et comparatiste. Ces deux approches ont été aussi souvent pratiquées que critiquées ; en réalité il me semble qu’elles complètent nécessairement l’approche d’un comparatisme du contact qui privilégie quant à lui l’étude de la circulation des traductions et des transferts. Encore ne faut-il pas perdre de vue la dimension — et la méthodologie — littéraire de l’approche comparatiste, souvent négligée et comme débordée par la masse des informations et des analyses visant à contextualiser les textes à partir des sources de l’histoire et des sciences humaines. L’introduction des observations et des analyses littéraires permet, si ce n’est d’apporter des réponses définitives, au moins de clarifier et d’organiser différents réseaux de questionnements, avec cohérence et en fonction d’indices objectifs tirés de l’étude des textes poétique. Si l’on croise les apports de l’analyse littéraire avec les données et les préoccupations de l’écologie, comme nous y invite l’écocritique, on obtient un degré de cohérence supplémentaire dans la mise en place de ces questionnements et des critères qu’ils induisent hypothétiquement. Cette cohérence ne règle en rien les objections liées à la prise en considération des contextes, ni à l’arbitraire possible de tout rapprochement, compte tenu des histoires et des chronologies sans contact dont sont tirés les corpus. Mais elle peut permettre d’envisager l’existence d’un imaginaire transculturel, entre les traditions poétiques européennes et chinoises, qui semble alors aussi transhistorique, même si le moment du contact au XIXe reste fondateur, aussi bien pour l’histoire de la diffusion de la pensée et de la littérature chinoises hors du monde sinisé, que pour l’histoire de la pensée et de la littérature occidentales ainsi placée face à de nouveaux modèles et à de nouvelles propositions.

Cet imaginaire transculturel de la « pastorale » relève d’abord du langage poétique, aussi bien pour des textes versifiés et contraints sous forme de « poèmes » rattachés à une tradition lettrée que pour des productions plus libres dont les origines sont à chercher dans la chanson populaire et les créations habituellement rangées dans le « folklore ». Généralement, on présente les textes populaires originaux comme issus d’une culture orale archaïque, adaptés aux circonstances et aux rites de la vie sociale, agraire et religieuse, récités ou chantés en des occasions normées — pour les mariages, les fêtes de village, le début des semailles ou la fin des moissons, par exemple, en fonction de rythmes saisonniers et agricoles. C’est dans un deuxième temps que ces productions ont été compilées, réécrites, censurées ou adaptées par une classe lettrée afin de les adresser à un nouveau public, parfois tout à fait différent du premier, c’est-à-dire plus urbain — ou même « de cour » —, souvent détaché socialement, culturellement et pratiquement des modes de vie du monde rural. La censure, la réécriture ou la réinterprétation peuvent alors être d’ordre moral ou politique, dans les lectures confucéennes « moralisantes » des poèmes du Shī jīng (Guó fēng) ou dans l’éloge impérial d’Auguste et de Pollion des Bucoliques de Virgile ; elles peuvent aussi être d’ordre spirituel ou religieux, dans certains poèmes de Wang Wei qui se teintent de bouddhisme, par exemple, ou en Europe à travers le projet de réécriture d’une pastorale christianisée, dans La Bergerie (1565) de Pierre de Ronsard notamment.

L’ambiguïté des origines populaires et savantes entremêlées recoupe dans la langue celle de la « chanson » et de la « poésie ». C’est pourquoi dans les deux traditions la pastorale transculturelle peut se considérer sous le jour des rapports entre chanson et poésie, expliquant les références à la musique, souvent présente dans ces textes. Les chants « villageois » de la première partie du Shī jīng, comme certains poèmes du bureau de la musique sous les Han (nous avons déjà cité Mò shàng sāng, « Les Mûriers sur le sentier »), offrent de nombreux exemples de poèmes mis en musique, tout comme les « chants de mai » de la tradition médiévale européenne. Souvent le poème lui-même met en scène le moment du chant, ou le souvenir de sa captation : c’est le cas des Idylles et des Bucoliques, quand le poème encadre le chant, dans le solo de la déploration ou les chants amoébées — c’est-à-dire alternés. Si le poète n’est pas lui-même musicien, chanteur — ou siffleur —, se mettant en scène comme tel au centre de son poème, il peut évoquer une telle présence. C’est ainsi que Bai Juyi ménage l’apparition, dans Pípa xíng, la « Chanson du pipa », d’une mystérieuse musicienne, entendue depuis sa barque, qui raconte plus tard sa vie au poète. La « chanson populaire » hantera aussi beaucoup plus tard les réminiscences pastorales des Chansons des rues et des bois (1865) de Victor Hugo ou certains textes de Gérard de Nerval. La chanson inscrit alors le moment de la création artistique dans son environnement naturel, et le poème investit le tout. C’est pourquoi la présence de l’artiste, d’abord chanteur ou chanteuse du village, apparaît comme un trait fréquent de cet imaginaire transculturel : musiciennes, musiciens, chanteurs, chanteuses, poétesses, poètes… deviennent des figures poétiques, accompagnées des instruments emblématiques, à vent ou à vibration de cordes, la flûte, le luth, le pípa, le qín (琴) ou la « musette rustique » des bergers de Pierre de Ronsard. La chanson d’amour est présente dans ce cadre sous toutes ses formes, des exclamations de la trahison au chant de mariage. Toutes ces spécificités permettent des formes poétiques dialoguées, chantées, mises en musique ou faisant allusion à cet art, elles ouvrent ainsi vers un autre genre, en comprenant une composition ou des éléments potentiellement oratoires et dramatiques. Dans ce cadre, la tonalité élégiaque domine souvent, dans la plainte amoureuse, ou dans la plainte personnelle, c’est-à-dire l’expression des regrets, de la nostalgie, des douleurs de l’exil ou de l’âge, des déconvenues de la disgrâce politique ou de la déploration d’un deuil, par exemple. Le cas échéant, les origines biographiques avérées de ces plaintes peuvent être explicites dans le poème ou au contraire restées allusives, quand le commentaire traditionnel n’est pas le seul à les établir. C’est le rapport originel de la chanson à la vie rurale qui intéressera l’écopoétique : la pastorale transculturelle met en effet très souvent en interaction l’homme dans ses rapports à l’environnement et en même temps dans ses pratiques artistiques et poétiques de création ou d’expression.

L’imaginaire transculturel de la « pastorale » se développe exclusivement et essentiellement sur des thématiques naturelles, de sorte qu’elle manifeste aussi une connaissance approfondie de la faune et de la flore. Confucius (Entretiens, XVII, 9) conseille la lecture des poèmes du Shī jīng pour découvrir et apprendre les noms des plantes et des animaux :

子曰:‘小子,何莫学夫《诗》?《诗》可以兴,可以观,可以群,可以怨;迩之事父,远之事君;多识于鸟兽草木之名。(《论语·阳货》).

Le Maître dit : « Mes enfants, pourquoi n’étudiez-vous pas le Livre des Odes [Shī jīng] ? Il nous sert à exciter les sentiments, à observer d’un œil critique. Il nous apprend à nous comporter en société, à servir notre père et servir notre prince. Il nous fait connaître beaucoup d’oiseaux, de quadrupèdes, de plantes et d’arbres. (Couvreur (tr.), 1895/1972, p. 266)

On s’est demandé si Théocrite n’avait pas d’abord été botaniste, et on a établi que sa lecture des Recherches sur les plantes de Théophraste (371-288) expliquait une partie des nombreuses espèces naturelles différentes apparaissant dans les Idylles12. L’imaginaire transculturel se fonde alors sur des représentations environnementales nécessairement distinctes, marquées par les spécificités géographiques, météorologiques, agricoles, écologiques originelles, par les particularités des faunes et des flores : face à toutes ces différences, la présence et l’activité humaine établit une cohérence et maintient de nombreuses analogies exploitables. Dans ce cadre, il n’est pas rare que l’auteur et parfois les personnages de pastorale puissent revendiquer une connaissance particulière de l’environnement, qui peut être issue de l’expérience directe des pratiques rurales et agricoles, ou de souvenirs livresques et de références savantes — dans la botanique de Théocrite lecteur de Théophraste, ou beaucoup plus tard de Jean-Jacques Rousseau et des herbiers de la pastorale pré-romantique, par exemple ; en Chine, dans l’attention portée aux noms des différentes essences et animaux du Shī jīng, ou bien plus tard dans les poèmes de Fan Chengda (范成大, 1126-1193), qui est aussi un éminent géographe.

Dans tous les cas, ces thématiques et ces compétences aboutissent à une utilisation poétique de la faune et de la flore, des espaces naturels, des saisonnalités et des aléas climatiques, omniprésente et toujours essentielle, par le truchement des parallélismes, des effets de fusion ou d’analogie, des symboles, des allégories, exprimant toujours en quelques manière le rapport entre l’homme et son environnement. Même s’ils s’interprètent évidemment de façon différente, les procédés opèrent le plus souvent par des mises en parallèle, en rapport, ou des comparaisons de deux types principaux : entre l’homme, la femme et l’élément naturel (arbre, végétal, animal), entre une activité (souvent la pratique d’un art) et l’élément naturel et son activité. Le rapport humain / végétal apparaît très tôt dans le Shī jīng, dans le chant VI évoquant les jeunes filles et les jeunes pêchers (Couvreur (tr.), 1896/1967, p. 10), par exemple, ou à la fin de la IVe églogue des Bucoliques de Virgile, lorsque Thyrsis et Corydon évoquent tous les arbres et les personnalités qui leurs sont rattachées (Virgile, 1983, p. 81, v. 53 sqq.).

Ces thématiques et les contextes sociaux ruraux qu’elles supposent obligent à une certaine « simplicité » dans l’expression, dans le même temps qu’elles sont à l’origine d’images fortes et marquantes, qu’on retrouve souvent devenues illustrations dans les arts visuels de différentes époques : un instrument de musique suspendu à la branche d’un arbre, un pêcheur à la ligne dans sa barque, une jeune fille « végétalisée » — c’est-à-dire décrite ou évoquée par des métaphores végétales —, un musicien à l’ombre des feuillages, un jardinier qui prend soin des myrtes ou des chrysanthèmes, une femme ou un homme comparable au lys ou au mûrier… On reconnaît ou on dispute à la poésie pastorale, dans le même temps, le don de la simplicité et la capacité de produire ou de renouveler de puissantes images poétiques.

Il ressort de ces éléments que l’imaginaire de cette pastorale transculturelle s’élabore essentiellement sur l’opposition entre l’expression d’une sérénité (déjà Hervey de Saint-Denys avait évoqué au XIXe siècle une forme de « quiétisme ») sensible à la simplicité et à l’harmonie alors infaillible et spontanée de la nature, mais constamment, explicitement ou implicitement, menacée par un grand nombre de tensions formant un nœud que l’inventivité poétique seule parvient à maintenir à l’équilibre — dans les seuls moments de la composition comme de la lecture du poème. Ces tensions peuvent être d’ordre littéraire, poétique, internes à la fabrique du poème, comme la tension générique, entre les genres poétique, narratif, dramatique et même épique potentiellement à l’œuvre dans la « pastorale » ; des tensions stylistiques, quand la « simplicité », souvent attendue, est aux prises avec les complications de la contrainte poétique et les ambitions de l’inventivité. Mais ces tensions sont aussi réelles et tangibles, inscrites dans la biographie des poètes : elles opposent la vie urbaine des notables provinciaux, des cours princières ou des institutions impériales, comme les tâches de la vie publique et les responsabilités politiques, civiles ou administratives, au retirement ou à la retraite dans l’isolement de la campagne, considéré à la manière d’un renoncement aux « filets de poussière » (chén wăng 尘网), selon la belle formule de Tao Yuanming (« Retour aux jardins et aux champs », 1990, I, p. 129, v. 3). Cette opposition apparaît fondamentale dans bien des cas, mais avec des motivations bien différentes, chez le lettré qui renonce à une charge, dans l’otium et le negotium des Romains, dans le refus du « monde » et des « vanités » des auteurs chrétiens, dans l’érémitisme des mêmes chrétiens, mais aussi de certains auteurs taoïstes ou bouddhistes. Quelle que soit la situation, qu’il soit définitif ou pour quelques instants seulement, le retirement dans la nature prend des significations qui vont bien au-delà de l’anecdote — et de la « simplicité ».

Toutes les tensions de la vie politique, sociale, religieuse, et des événements de l’histoire apparaissent ainsi pour menacer l’imaginaire transculturel de la « pastorale », jusqu’à en devenir une composante majeure. C’est aussi bien les tensions nées de mésaventures personnelles qui sont concernées ici : la disgrâce du poète conseiller ou courtisan, la nostalgie de l’exilé comme le souvenir de la campagne natale du fonctionnaire ou du diplomate éloigné, les effets de la corruption ou de la calomnie, les déconvenues amoureuses, la déploration ou le rêve évocatoire suite à la perte d’un être cher apparaissent dans bien des cas dans tous les corpus évoqués ici. Sans doute est-ce dans une activité, fût-elle minime, que se réalise alors un équilibre : c’est pourquoi c’est davantage l’expression de la « vie à la campagne » qui est mise en valeur ici, dans la contemplation comme dans l’action, plutôt que l’arrêt sur un paysage. Par conséquent c’est souvent une activité, si minime ou apparemment insignifiante soit-elle, qui met en mouvement cet imaginaire, ou en quelque sorte le rythme : il peut s’agir simplement de lever ou de baisser les yeux, de soupirer, ou d’écouter une chanson, mais aussi dire bonjour à un ami qui arrive, de chanter une chanson, de siffloter, de jouer de la syrinx ou du pipa, d’observer une bergère ou une magnanarelle, de pêcher à la ligne, de soigner les courges ou de couvrir les myrtes pour l’hiver, de rentrer les bêtes, de cueillir des simples, de rapporter du bois, de boire un verre de vin au clair de lune, d’aller prendre le frais dans sa barque, de humer l’odeur d’une fleur, de récolter ses salades, de saluer sur le seuil le départ d’un ami… La poésie pastorale n’est jamais exclusivement contemplative, ce qui explique aussi pourquoi elle a pu donner lieu à des créations romanesques ou dramatiques dans les deux grands domaines concernés ici.

La pastorale transculturelle, dans sa double origine, opposée mais productive, populaire et savante ou rurale et urbaine, apparaît donc en somme comme l’expression de l’expérience écopoétique « des champs et des jardins ». Elle est animée par la présence spécialement valorisée de l’environnement naturel et souvent par la pratique des arts (chanson, musique, poésie), mais dans bien des cas en quelque manière assombrie ou menacée, implicitement ou explicitement, par les aléas des destinées individuelles ou par les conséquences de l’Histoire.

Il faut mettre un terme à cette synthèse qui tient lieu de première étape, en rappelant qu’il s’agissait aussi pour nous d’examiner les rapports entre les perspectives et les pratiques méthodologiques de la littérature comparée d’une part, et les thématiques et problématiques de l’écocritique d’autre part. Il paraissait raisonnable, dans cette intention, de choisir d’abord la catégorie poétique la plus directement liée à l’univers naturel, en prenant soin de distinguer différentes sous-catégories : les chants appartenant aux traditions rurales, les poèmes issus de ces chants — réécrits ou censurés —, les traditions que constituent ces textes dans la « pastorale » classique européenne ou la « poésie des champs et des jardins » des auteurs chinois anciens, enfin les effets de la fidélité à ses traditions dans les textes postérieurs — jusqu’à l’exemple de la réception en France de ces textes au XIXe siècle. La poésie pastorale intéresse en effet au premier chef l’écopoétique, c’est-à-dire l’étude des interactions entre l’histoire et les pratiques à la fois littéraires et environnementales dans le texte poétique. Les spécificités et les caractéristiques environnementales et écologiques des deux aires considérées introduisent en effet la possibilité de nouvelles nuances dans la pastorale transculturelle, qui tente d’appréhender ensemble ces « pastorales parallèles ». Elles sont en effet à l’origine d’un imaginaire environnemental particulier, induisant des esthétiques poétiques spécifiques, mais elles correspondent aussi à des modes de vie et de créativité, et à leurs justifications idéologiques ou religieuses.

Nous nous sommes limités ici préalablement à présenter les démarches comparatistes possibles dans cette intention. Le comparatisme permet différentes approches méthodologiques, souvent opposées par esprit de controverse mais complémentaires dans la réflexion d’ensemble : le comparatisme de la médiation étudie les transferts et les traductions, les médiations, les médiateurs et les phénomènes de réception des textes, il est contraint par les chronologies de l’histoire de la diffusion des textes traduits et des échanges, médiations et voyages littéraires, et par les documents et les créations qui témoignent des effets de la réception et des transferts. D’abord plus libre dans sa démarche, le comparatisme de rapprochement peut tendre aux essais du « comparatisme de la différence », que cette « différence » soit en définitive mise en valeur ou réduite ; ou assez différemment se fier aux sciences humaines pour reconstituer les contextes d’œuvres volontairement rapprochées afin de « construire des comparables » plausibles et éclairants. Ces premiers éléments ont permis de cerner l’hypothèse d’un imaginaire transculturel de la « pastorale », issue de l’expérience (poétique) commune « des champs et des jardins », dans le cadre de deux civilisations aux traditions agricoles et rurales particulièrement riches.

Bibliography

Amigues Suzanne (1996), « De la botanique à la poésie dans les Idylles de Théocrite », Revue des Etudes grecques, Volume 109-2, p. 467-488.

Audiau Jean (1923), La Pastourelle dans la poésie occitane du Moyen Âge, Paris, Éditions de Boccard.

Barthes Roland (1970), « L’Ancienne rhétorique. Aide-mémoire », Communications, Volume 16, n° 1, p. 172-223.

Bate Jonathan (2000), The Song of Earth, London, Picador.

Baudelaire Charles (1977), Correspondance, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », Tome I.

Boneu Violaine (2014), L’idylle en France au XIXe siècle, Paris, coll. « Lettres françaises », Presses Universitaires de Paris-Sorbonne.

Brunel Pierre (2005), L’Arcadie blessée. Le monde de l’idylle dans la littérature et les arts de 1870 à nos jours, Paris, Eurédit.

Brunel Pierre, Daniel Yvan (éds.) (2013), Paul Claudel en Chine, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences ».

Claudel Paul (1900/1967), Œuvre poétique, Connaissance de l’Est, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade ».

Claudel Paul (1937/1965), Œuvres en prose, Contacts et Circonstances, « La Poésie française et l’Extrême-Orient » (conférence du 17 décembre 1937), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade ».

Couvreur Séraphin (tr.) (1895/1972), [Sī shū] 四書, Les Quatre Livres, avec un commentaire abrégé en chinois, une double traduction en français et en latin et un vocabulaire des lettres et des noms propres, Taipei, Kuangchi Press. [Première édition : Ho Kien Fou, Imprimerie des Missions catholiques, 1895].

Couvreur Séraphin (tr.) (1896/1967), [Shī jīng] 詩經, Cheu-king, texte chinois avec une double traduction en français et en latin, une introduction et un vocabulaire, Taipei, Kuangchi Press. [Première édition : Ho Kien Fou, Imprimerie des Missions catholiques, 1896].

Coyaud Maurice (1997), Anthologie bilingue de la poésie chinoise classique, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Architecture du verbe ».

Damrosch David (2003), What is World Literature ?, Princeton, Princeton University Press.

Daniel Yvan (2011), Littérature française et Culture chinoise, Paris, Les Indes savantes.

Détienne Marcel (2000/2009), Comparer l’incomparable, Paris, Points, coll. « Essais ».

Diény Jean-Pierre (1977), Pastourelles et magnanarelles. Essai sur une thème littéraire chinois, Genève-Paris, Droz, coll. « Hautes études orientales », n° 8.

Garrard Greg (2004/2010), Ecocriticism, London, New York, Routledge.

Gautier Judith (tr.) (2004), Le Livre de Jade, Paris, Imprimerie nationale, coll. « La Salamandre ».

Gerhardt Mia Irene (1950), Essai d’analyse littéraire de la pastorale dans les littératures espagnole, italienne et française, Assen, Van Gorcum.

Gifford Terry (1999), Pastoral, London, Routledge, 1999.

Glotfelty Cheryll, Fromm Harold (1996), The Ecocriticism Reader : Landmarks in Literary Ecology, London, University of Georgia Press.

Granet Marcel (1919), Fêtes et Chansons de la Chine ancienne, Paris, Ernest Leroux, « Bibliothèque de l’École des Hautes Études », Volume XXXIV.

Hervey de Saint-Denys Marie-Jean-Léon (tr.) (1862/2007), Poésies de l’époque des Thang, Paris, Éditions Ivrea.

Joukovsky Françoise (1994), La Renaissance bucolique, Paris, Garnier-Flammarion.

Jullien François (2014), Vivre de paysage, ou l’impensé de la Raison, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Idées ».

Jullien François (1985), La Valeur allusive. Des catégories originales de l’interprétation poétique dans la tradition chinoise (Contribution à une réflexion sur l’altérité culturelle), Paris, EFEO, Volume CXLIV.

Jullien François (1986), « Pour une sinologie occidentale : la comparaison comme fiction et comme méthode », Revue européenne des sciences sociales, Tome 24, n° 72, La Comparaison en sciences humaines et sociales, p. 77-84.

Laloy Louis (1909), « Préface à “Chansons des Royaumes” » et « Chanson des Royaumes » [traduction de poèmes du Classique des poèmes], La Nouvelle Revue Française, n° 7, août 1909, préface, p. 5-11 et traduction, p. 11-14.

Lavocat Françoise (1998), Arcadie malheureuse, Aux origines du roman moderne, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de littérature générale et comparée ».

Pauthier Guillaume (éd. et tr.) (1872), Chefs d’œuvre littéraires de l’Inde, de la Perse, de l’Égypte et de la Chine, Paris, Maisonneuve, Tome II : Chi-king, ou Livre des vers.

Qian Zhongshu (1997), Cinq essais de poétique, traduction de Nicolas Chapuis, Paris, Christian Bourgois.

Rivière Jean-Claude (1979), Compte rendu de Jean-Pierre Diény, Pastourelles et magnanarelles. Essai sur une thème littéraire chinois, Cahiers de Civilisation médiévale, 22e année, octobre-décembre 1979, p. 380-382.

Schwab Raymond (1950/2014), La Renaissance orientale, Paris, Payot.

Tao Yuanming (1990), Œuvres complètes, traduit du chinois, présenté et annoté par Paul Jacob, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’orient ».

Théocrite (2002), Idylles, dans Philippe-Ernest Legrand (éd. et tr.), Bucoliques grecques, Paris, Les Belles Lettres, Coll. des Universités de France, Tome I.

Verlaine Paul (1867), « Le Livre de Jade par Judith Walter », L’Étendard, 11 mai 1867.

Virgile (1983), Bucoliques, texte établi et traduit par Eugène de Saint-Denis, Paris, Les Belles Lettres, coll. des Universités de France.

Vissière Isabelle, Vissière Jean-Louis (éds.) (1979), Lettres édifiantes et curieuses de Chine par les missionnaires jésuites (1702-1776), Paris, Garnier-Flammarion.

Wang Wei (1990), Paysages, miroirs du cœur, traduit du chinois par Wei-penn Chang et Lucien Drivod, Paris, coll. « Connaissance de l’Orient », n° 71.

Zink Michel (1972), La Pastourelle, Poésie et folklore au Moyen Âge, Paris-Montréal, Bordas.

Notes

1 Une première version de cette communication a été présentée en 2015.

2 Voir par exemple Fromm, 1996 ; Gifford, 1999 ; Garrard, 2004/2010.

3 Voir Vissière (éd.), 1979.

4 Voir notamment Gerhardt, 1950 et plus récemment Lavocat, 1998.

5 Voir Brunel, 2005 et Boneu, 2014.

6 Voir aussi Yvan Daniel, « Retour à Fou-tchéou », in Brunel et Daniel (éd.), 2013, p. 49-68.

7 Voir aussi Daniel, 2011, ch. 4 et 5.

8 Voir la belle anthologie de Françoise Joukovsky, 1994.

9 Traduction de Wei-penn Chang et Lucien Drivod, dans Wang Wei, 1990, p. 96-98.

10 Voir par exemple Qian Zhongshu, 1997.

11 Repris in Audiau, 1923.

12 Voir à ce sujet Alice Lindsell, « Whas Theocritus a Botanist ? », Greece and Rome, n° 6, 1937, cité in Amigues, 1996.

To cite this article

Electronic reference

Yvan Daniel, « Les pastorales parallèles. Sur les rapports entre littérature comparée et écocritique », Atlantide [Online], 10 | 2020, uploaded on 01 July 2020, accessed on 09 October 2025. URL : https://atlantide.pergola-publications.fr/index.php?id=1283

Author

Yvan Daniel

Professeur de littérature générale et comparée à l’Université Clermont Auvergne depuis 2019, il est docteur en littérature comparée de l’Université Paris IV-Sorbonne (aujourd’hui Sorbonne Université), agrégé de lettres modernes, habilité à diriger des recherches en littérature générale et comparée (Sorbonne Université). Il est vice-président Recherche de la Société Française de Littérature Générale et Comparée. Il a notamment publié Littérature française et culture chinoise (1846-2005).

Copyright

Licence Creative Commons – Attribution 4.0 International – CC BY 4.0